Stop Opération Wuambushu

Suspension de la destruction d’un bidonville à Mayotte

26 avril 2023

Après l’annonce de l’opération Wuambushu à Mayotte, une première mission de démolition de bidonville devait avoir lieu. Cependant, le 24 avril, la justice a cependant suspendu l’opération.

Dans le cadre de la lutte contre la délinquance et l’immigration illégale à Mayotte, le gouvernement français a décidé de lancer l’opération "Wuambushu". L’intervention devait commencer par la destruction d’un bidonville Talus 2 dans le quartier de Majicavo, dans la commune de Koungou, le 25 avril.

Une vingtaine d’habitants de ce bidonville, représentés par un collectif d’une dizaine d’avocats, ont cependant saisi en urgence le juge des référés de Mamoudzou. La justice a suspendu dans la soirée du 24 avril ce qui devait être la première démolition de cette opération très critiquée.

Le préfet de Mayotte persiste

Alors que le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, voulait accélérer la destruction des logements illégaux en profitant des renforts administratifs et sécuritaires envoyés par la Métropole, le tribunal a pointé la précipitation de l’État. Les juges estiment qu’il est impossible de détruire certains abris sans fragiliser les autres.

Pourtant à la suite de cette décisionde justice, le préfet de Mayotte Thierry Suquet a dit avoir "pris acte de la décision judiciaire, il y aura un appel". Ce dernier a indiqué le 25 avril sur franceinfo que "la mise en danger aujourd’hui" ne se trouve pas du côté de "l’opération menée par la préfecture et préparée depuis plusieurs mois" mais dans le fait "de laisser les gens vivre dans des conditions indignes".

Thierry Suquet reconnaît que cette décision judiciaire l’"oblige à regarder les propositions de relogement qui ont été faites". Chose qui n’avait pas été évoqué précédemment. L’État souhaitait simplement renvoyer tout le monde aux Comores, sans chercher à savoir si des familles avaient le droit où non de rester sur le sol français.

Il soutient que sur ce bidonville "plus de 45 familles et 100 personnes ont été relogées", soit "plus de 50% des gens" présents sur place. Le préfet promet d’ailleurs que les services de l’État continueront "à reloger les gens". Mais, "quand on aura réglé les malentendus, on démolira cet habitat indigne dans lequel il n’est pas possible de laisser vivre des gens", a-t-il assuré.

Or Thierry Suquet a affirmé que si l’opération de destruction est suspendue pour ce bidonville Talus 2, les autres "opérations de démolition d’habitats indignes commenceront au fur et à mesure que les conditions juridiques et réglementaires seront mises en œuvre", évoquant "six arrêtés préfectoraux".

Il estime que ces opérations sont nécessaires pour répondre à l’objectif de "faire disparaître de Mayotte les bidonvilles et l’habitat indigne". Le préfet assure que dans le cadre de "l’accélération de la lutte contre l’habitat indigne, à la demande du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, nous avons réservé plus de 500 places d’hébergement (...) et nous avons la capacité de reloger plus de 800 personnes".

Le Préfet balais d’un revers de main la déclaration de la DAL

Le préfet de Mayotte a rejeté les critiques émises par l’association Droit au Logement (DAL) qui assurait le 24 avril sur franceinfo que la préfecture n’avait pas affiché "son arrêté de destruction sur les portes de chaque logement".

"La France va donner un spectacle terrible à la planète, celui d’un pays des droits de l’Homme qui va s’attaquer aux ménages les plus pauvres", a dénoncé Jean-Baptiste Eyraud, président de l’association Droit au Logement.

Le DAL dénonce la "brutalité sociale" de cette opération, qui consiste à déloger des bidonvilles les migrants en situation irrégulière et d’expulser les sans-papiers. Pour le DAL, il s’agit d’une "politique du logement excessivement brutale".

L’opération Wuambushu renverra, selon Jean-Baptiste Eyraud "une image terrible", celle de "centaines de familles qui verront leur habitat être détruit et ne seront pas forcément hébergées [en raison de la] crise du logement très grave à Mayotte".

Le président de l’association Droit au Logement a indiqué qu’il y a eu "en métropole, des vagues migratoires très importantes dans les années 1950-1970" et que les habitants des bidonvilles ont été "relogés, on ne les a pas renvoyés à l’autre bout du monde".

Jean-Baptiste Eyraud a dit regretter que dans le cadre de cette opération "Wuambushu" trois questions soient "amalgamées", à savoir "la question de la migration, la question du logement et la question de la délinquance". "Il faut s’attaquer aux délinquants, or là on a l’impression que c’est une sanction de masse", lance-t-il.

Jean-Baptiste Eyraud appelle le gouvernement français à mettre en place "des politiques du logement", plutôt que "des politiques d’expulsion et de destruction de l’habitat des ménages les plus fragiles".

Ce dernier a pointé du doigt "loi d’exception votée en 2018 qui prévoit d’intervenir sur ces quartiers informels en Guyane et à Mayotte", indiquant que cette loi donne la possibilité au "préfet d’expulser des personnes sans jugement, c’est-à-dire sur simple décision administrative".

Mais le préfet doit "afficher l’arrêté sur les portes de chaque logement et prévoir une solution de relogement, et ce un mois avant la destruction". Pour Jean-Baptiste Eyraud, cette loi "n’est pas respectée". "Il faut au minimum que le préfet et le gouvernement appliquent la loi qui a été votée en 2018, sous le gouvernement Macron", martèle-t-il.

Thierry Suquet a affirmé que "cet arrêté pris le 2 décembre a été affiché et régulièrement publié". "Pour chaque personne, pour chaque famille, nous faisons une proposition de relogement pour l’ensemble des gens qui ont vocation à rester sur le territoire", a ajouté le préfet qui entend bien démontrer cela "en appel".


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