Urgence écologique à Mayotte

9 mai 2007

Réalisé en 2005, le documentaire “Biotiful Planète : L’Océan Indien” a été réalisé par Philippe Tourancheau. Il s’agit d’une coproduction WWF (World Wide Fund). Il a été diffusé hier au Muséum d’Histoire Naturelle de Saint-Denis, dans le cadre du Festival du Film scientifique organisé à La Réunion du 23 avril au 13 mai 2007. On rappelle que le World Wide Fund est la première Organisation Non Gouvernementale au monde par le nombre d’adhérents puisqu’elle en a près de cinq millions. Le documentaire comportait des présentations, par Séverine Ferrer, de la situation environnementale à Mayotte, dans l’île éparse d’Europa et à La Réunion. Pour des raisons de place, l’île hippocampe a retenu notre attention. Il faut dire qu’en 2005, la situation environnementale était plus que problématique. L’état des lieux brièvement présenté dans le documentaire a bien mis en évidence le scandale de ces menaces qui pèsent sur l’environnement mahorais dans une île aux multiples splendeurs.

Un paradis menacé pour les baleines à bosse ?

La reproduction de ces mammifères s’effectue au large des eaux mahoraises, entre août et octobre chaque année. Niels Bertrand, un des pionniers de l’éco-tourisme dans l’île, témoigne de la Charte d’Observation de ces mammifères qu’il fait appliquer. Celle-ci précise par exemple que pas plus de deux bateaux au maximum ne doivent se trouver à moins de trois cents mètres des baleines. Puis, il y a également un autre niveau d’exigence demandé aux bateaux de tourisme une fois que ceux-ci se rapprochent à une centaine de mètres de ces animaux. De telles distances sont obligatoires si l’homme ne veut pas perturber les habitudes des baleines.

Une érosion favorisée par la culture sur brûlis

La pratique qui consiste, à la fin d’une récolte, à brûler les champs et quelques arpents de forêt est ancestrale à Mayotte. Elle était adaptée autrefois lorsque la densité de la population était bien moindre. Néanmoins, il en va tout autrement actuellement. Ce phénomène entraîne une forte érosion. Lorsqu’il pleut, plus rien ne retient la terre, dans certaines zones. Des torrents de boue se déversent alors dans le lagon et se déposent sur les organismes vivants qui composent les récifs. Ce surcroît de vase les asphyxie peu à peu. Quant aux animaux, ils ne trouvent plus assez d’arbres pour se nourrir avec cette déforestation. C’est le cas par exemple de la roussette, la fameuse chauve-souris locale, qui est très utile pour la pollinisation de son écosystème. Quant au lémurien de Mayotte, plus connu sous le nom de Maki, il a vu sa population diminuer grandement, alors qu’il fait partie des espèces protégées par la convention de Washington, signée en 1975.
Des associations ont décidé de réagir. Par exemple, le collectif Moinatrindi a planté des milliers d’acacias en provenance d’Australie. Le téléspectateur est alors intrigué de constater que l’on ne privilégie pas des espaces endémiques. En fait, ces acacias sont utilisés pour redonner de l’humus à la terre. Une fois que le terrain redevient fertile, les acacias sont enlevés. Des arbres fruitiers locaux les remplacent. Néanmoins, ce travail de longue haleine ne peut être réalisé que par de petites associations qui manquent cruellement de moyens pour reboiser les 2500 hectares victimes de la culture sur brûlis.

La mangrove en danger

Un autre problème posé par le documentaire réside dans la disparition progressive de la mangrove. Or, cet espace végétal est un exemple d’adaptation à un milieu. Les Mahorais disent d’elle qu’elle protège la mer de la terre et la terre de la mer. C’est notamment le cas lors des fortes houles cycloniques. La mangrove est coupée pour son bois. Elle constitue parfois une décharge naturelle. Enfin, elle est un lieu envié par les habitants pour la construction de maisons dans une île densément peuplée. Or, les palétuviers et les autres espèces végétales nourrissent les poissons dans leur enfance avant que ceux-ci ne gagnent des espaces plus lointains où ils sont alors pêchés. Le reportage est bien fait puisqu’il montre une nouvelle fois comment une association a décidé de lutter contre un tel phénomène en replantant, à Bandrélé, de nombreux arbres.

Un lagon en mauvais état

Pour commencer, il faut souligner que certaines pratiques destructrices utilisées par le passé comme la pêche par empoisonnement se font moins. Auparavant, certains pêcheurs, notamment des femmes, attendaient les grandes marées basses, pour mettre des produits toxiques et récupérer ainsi les poissons, mais détruisant du même coup l’environnement aquatique immédiat. A un niveau moins local, le documentaire rappelle qu’en 1998, le phénomène El Nino s’est produit. Ce dernier est un dérèglement atmosphérique qui se produit de façon exceptionnelle. Il y a neuf ans, il a contribué au réchauffement de trois degrés des eaux du lagon de Mayotte. Une telle augmentation de la température a contribué au blanchissement des eaux du lagon. En outre, ce dernier a subi d’autres dégâts anthropiques (causés par l’Homme) : l’ancrage des bateaux, les hélices des embarcations, les plongeurs. Néanmoins, une plus grande prise en compte de ce problème a été perceptible lors de l’aménagement du Port de Longoni. En effet, pour créer une telle infrastructure, il a fallu travailler sur deux récifs coralliens. Au lieu de les détruire, il a été décidé de les déplacer vers un autre lieu.

Un manque de moyens financiers de la part de l’État

Les réalisateurs pointent alors un certain nombre de carences des pouvoirs publics en matière de protection de l’environnement. Ainsi mettent-ils en évidence qu’en 2005, les problèmes d’assainissement et d’eaux pluviales empêchent les rejets massifs de boue ou d’ordures dans le lagon. Par conséquent, lors des pluies, le lagon devient un gigantesque égout. En outre, on peut constater que les moyens dont disposent les gardes côtes pour lutter contre les braconniers ne sont pas assez importants. Il est alors indiqué qu’une des solutions présentées pour réduire les dégradations des récifs coralliens réside dans la création d’une Aire Marine Protégée. Néanmoins, ce que l’on constate bien, en visionnant ce film, c’est que la protection de l’environnement est un tout. Si l’on reboise, on limitera la boue qui recouvre les récifs et on favorisera la préservation des récifs. Avec la protection de la mangrove, on favorise la croissance des poissons. Ceux-ci donneront des revenus aux pêcheurs. En ce qui concerne la surveillance des baleines, on pourra mieux les connaître et les protéger, tout en donnant envie aux touristes de les voir. Le discours du nouveau Président de la République a mis en évidence l’importance du développement durable. Il y a là un chantier d’importance, dans un endroit où la biodiversité est considérable.

Un début de mobilisation de la part de l’État

Entre 2005 et 2007, les pouvoirs publics ont décidé d’agir au niveau de l’environnement à Mayotte sur quelques points. Par exemple, une Aire Marine Protégée a vu le jour à l’îlot Mbouzi de quatre-vingts hectares de surface terrestre et soixante hectares de mer, qui devraient permettre de protéger les vingt-cinq espèces endémiques de flore ou les vingt-deux de faune. Néanmoins, selon un communiqué de presse du Comité Français de l’UICN (Union Mondiale pour la Nature), en date du 11 janvier 2007, les financements publics outre-mer continuent d’ignorer largement les enjeux écologiques.

Matthieu Damian

Ile de Mayotte

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus