Bilan

2003 : année mouvementée pour l’Afrique

Retour sur quelques événements marquants de l’an passé

3 janvier 2004

Cela a commencé par la joie des Kenyans qui ont savouré la victoire électorale de la coalition de l’opposition qui a mis fin à 40 ans de régime de la KANU, puis l’Afrique s’est retrouvée à jouer les pompiers pour sauver la démocratie au cours d’une année qui a vu la guerre menée par les États-Unis contre l’Irak détourner l’attention et les ressources internationales de ce continent marginalisé.
Lors des préparatifs de l’opération d’invasion "Choc et Effroi" de l’Irak, qui a depuis dégénéré en un bourbier pour les envahisseurs, même après la capture spectaculaire de Saddam Hussein dans une cache, l’Afrique a réussi à tenir pour une courte durée, la vedette sur le plan international. Ses membres non-permanents au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU -l’Angola, le Cameroun et particulièrement la Guinée Conakry qui assurait à l’époque la présidence tournante du Conseil- sont devenus les nations africaines les plus courtisées du ballet diplomatique mené par les faucons de la guerre et ceux qui étaient opposés à l’invasion de l’Irak.
Finalement, les bellicistes l’ont emporté et ont entraîné le monde dans un des conflits le plus coûteux de son Histoire qui a des impacts significatifs sur le globe et encore plus, sur l’Afrique. Le continent africain qui représente 10% de la population mondiale, ploie toujours sous un fardeau disproportionné de conflits et de catastrophes, de la pauvreté, de la misère et des maladies.

Que deviennent les Africains ?

Avec leurs économies précaires et leurs systèmes démocratiques fragiles il y a depuis lors une règle tacite qui veut que les pays africains doivent soutenir la guerre contre le terrorisme pour bénéficier de l’attention de la communauté internationale, sans quoi, ils risquent de sombrer dans les abîmes de la négligence.
Le président américain George W. Bush a dû annuler une visite prévue à Madagascar au mois de janvier afin de pouvoir se concentrer sur la lutte contre le terrorisme et même durant ses visites éclair en juillet dans cinq pays africains (le Sénégal, l’Afrique du Sud, le Botswana, l’Ouganda et le Nigeria), la guerre en Irak était toujours au centre de ses préoccupations.
Alors que l’appel de l’Afrique pour l’aide au développement et l’annulation de la dette bénéficie d’une attention réticente, les forces d’occupation dépensent plus d’un million de dollars par jour en Irak et la communauté internationale célèbre l’annulation de la dette extérieure de ce pays de 120 milliards de dollars et les capitaux affluent pour sa reconstruction.
Le président français Jacques Chirac, un opposant à la guerre contre l’Irak, s’est aussi rendu en Algérie, au Maroc, au Niger et au Mali cette année, à l’occasion de voyages qui n’ont pas convaincu les sceptiques qui estiment que la générosité de Paris envers ses traditionnels amis africains est en baisse. La Côte d’Ivoire, une ancienne colonie et alliée de la France qui est embourbée dans une crise politique depuis 15 mois, a été sautée lors de la tournée de Jacques Chirac en Afrique de l’Ouest même si la France a des milliers de soldats déployés pour tenter de ramener la paix dans ce pays.
Pour d’autres raisons inavouées, le chef de l’État français a aussi évité le Sénégal, un autre ancien ami durant sa tournée ouest-africaine. Alors qu’une guerre civile a éclaté puis s’est apaisée au Liberia après que le Nigeria a accordé un asile controversé à l’ancien président Charles Taylor, l’Afrique de l’Ouest est restée l’épicentre des conflits africains. À eux deux, la Sierra Leone et le Liberia comptent les plus importants déploiements de casques bleus du monde entier.

Espoirs en Afrique centrale

Ailleurs sur le continent, la région des Grands Lacs a été relativement calme en 2003 avec la RD Congo qui s’est engagée sur la voie de la réconciliation nationale imitée en ce sens, par le Burundi et le Rwanda, où les procès des responsables du génocide de 1994 se poursuivent. Cependant, il y a eu des violences sporadiques attribuées au rebelles rwandais, alors que les milices Ninja du Congo Brazzaville sont restées actives.
Les clans des seigneurs de guerre ont maintenu leur règne de terreur en Somalie, alors que le gouvernement de Khartoum et l’Armée de libération du peuple soudanais du colonel John Garang semblent vouloir consolider leur accord décisif signé en 2002 au Kenya. L’espoir se précise toutefois autour d’un accord final pour mettre fin à 20 ans de guerre civile qui ont tué dans ce pays, deux millions de personnes.
Mais trois ans après la fin de leur conflit frontalier sanglant en 2000, les relations entre l’Ethiopie et l’Erythrée sont restées glaciales et marquées par de profonds désaccords à propos de la mise en œuvre de l’accord de paix, alors qu’une mission de l’ONU pour ces deux pays joue le rôle de tampon contre la reprise des hostilités.

Importantes décisions libyennes

Finalement, l’année 2003 s’est passée avec plus ou moins de bonheur en Afrique, où l’Algérie a subi un tremblement de terre majeur qui a fait plus de 2.000 victimes au mois de mai, alors qu’un crash aérien le jour de Noël à Cotonou, au Bénin, d’un vol de l’UTA à destination du Liban a fait une cent trentaine de victimes, principalement des ressortissants libanais se rendant dans leur pays pour les fêtes de fin d’année.
Mais la plus grosse surprise de l’année 2003, dont l’importance ne s’est pas encore fait sentir en Afrique, est la décision de la Libye d’abandonner son programme d’Armes de destruction massive (ADM), prise à la suite de l’acceptation de Tripoli de verser des compensations importantes aux familles des victimes du crash aérien de Lockerbie en Ecosse en 1988. Il y a eu plusieurs hypothèses sur la décision surprise de l’énigmatique dirigeant libyen le colonel Mouammar Kadhafi, qui malgré les sanctions de l’Occident contre son pays, a continué à faire preuve d’un panafricanisme sans égal, et à financer seul l’Union Africaine, dans la cadre de la poursuite de son rêve des "États-Unis d’Afrique".

An plis ke sa
L’unité du continent avance

Lors de leur sommet du mois de juillet à Maputo, au Mozambique, les dirigeants de l’Union Africaine ont élu l’ancien chef de l’État malien Alpha Oumar Konaré à la présidence de la Commission de l’UA, alors que Madagascar a été réadmis au sein de l’organisation après en avoir été écarté, en raison de sa crise politique en 2002. Les principaux organes de l’Union comme le Parlement panafricain et la Cour continentale de Justice, devraient commencer à fonctionner en 2004 afin de renforcer l’organisation continentale qui a remplacé la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA).

Par ailleurs le NEPAD, un projet de développement de l’Afrique peine toujours à se faire reconnaître, même après la mise sur pied d’un Mécanisme de revue par les pairs, un des concepts élaborés pour stimuler la bonne gouvernance sur le continent.

Situation dramatique au Zimbabwe

Le Zimbabwe qui traverse une crise politique et économique profonde a vu l’étau de l’isolement se retirer sur lui après le sommet du Commonwealth à Abuja qui a maintenu sa suspension de ce groupe, une décision qui a divisé ce club de 54 nations et poussé le président Robert Mugabe en colère, à retirer son pays du Commonwealth dont il a accusé certains membres de parti pris et de racisme.
Mais les discours mis à part, avec un vétéran de la guerre de libération de 79 ans au pouvoir depuis 23 ans, le Zimbabwe autrefois grenier de l’Afrique, n’est aujourd’hui pas en mesure de nourrir ses 12 millions d’habitants et ce pays ne semble pas voir le bout du tunnel.

Coups d’État et scrutins contestés
Il y a eu trois coups d’État militaires en Afrique en 2003. Le 15 mars, l’ancien chef d’état-major de l’armée de la République Centrafricaine (RCA) a chassé le gouvernement élu du président Ange Félix Patassé, qui est désormais exilé au Togo. Ce changement de régime a pratiquement été légitimé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), qui avait des troupes à Bangui quand M. Bozize a pris le pouvoir. S’inspirant peut-être de l’exemple de la RCA, un groupe d’officiers de l’armée a annoncé le 16 juillet, le renversement du président Fradique de Menezes de Sao Tome & Principe, qui était en visite au Nigeria à l’époque. Mais ce putsch a rapidement été jugulé et M. de Menezes réinstallé au pouvoir au bout d’une semaine après une intervention de la communauté internationale, où le Nigeria a joué un rôle de premier plan.

Un autre coup d’État le 14 septembre, a renversé le président Bissau guinéen Kumba Yala, qui avait reporté l’élection présidentielle dans son pays pendant trop longtemps. Débordée dans le cadre de sa tentative pour rétablir la paix dans d’autres points chauds de la sous-région (à savoir la Côte d’Ivoire et le Liberia), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est contentée d’acquiescer la situation à Bissau sous réserve d’un maquillage institutionnel qui a présenté le putsch comme un retrait volontaire de l’ancien président.

Des rumeurs ont aussi fait état d’un coup d’État en Gambie qui a été par la suite réfuté par Banjul, alors que d’autres défis sérieux se sont posés à la démocratie sur le continent après des élections nationales controversées dans plusieurs pays.
Le géant continental, le Nigeria, où la condamnation à mort par un tribunal islamique d’une femme divorcée a été annulée en appel dans le cadre d’une affaire qui a mobilisé l’attention de la communauté internationale, a organisé une série d’élections. Elles ont culminé avec l’élection présidentielle du mois d’avril qui a accordé un nouveau mandat au président Olusegun Obasanjo. Mais les partis d’opposition ont accusé le Parti démocratique populaire (PDP) au pouvoir, de fraude et ont porté plusieurs plaintes qui sont toujours pendantes devant les tribunaux.
Mais, la querelle électorale nigériane est insignifiante, comparée au tollé qui a accueilli les résultats de l’élection présidentielle du 1er juin au Togo, où le président Gnassingbe Eyadéma, au pouvoir depuis 36 ans, a été proclamé vainqueur pour un autre mandat de sept ans. Son principal adversaire à cette élection, Gilchrist Olympio, a été disqualifié au nom d’une présumée irrégularité de sa candidature, mais non convaincue par ses résultats, l’Union Européenne a refusé de lever les sanctions imposées depuis 1992 au Togo.

L’élection du 7 novembre à l’issue de laquelle le président mauritanien Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya est resté au pouvoir a aussi fait des vagues. Son principal adversaire et ancien chef de l’État Mohamed Khouna Ould Haidallah a été condamné à cinq ans de prison avec sursis pour "complot contre l’autorité constituée".
Une autre élection présidentielle dérangeante, est celle du 21 décembre en Guinée Conakry, lors de laquelle le président sortant malade, Lansana Conté, 69 ans, aurait remporté 95% des suffrages exprimés après que les principaux partis d’opposition ont décidé de boycotter les élections, en évoquant le manque de transparence et l’amendement de la Constitution étendant le mandat présidentiel de cinq à sept ans.


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