Nouvelles catastrophes liées aux dérèglements majeurs du climat

2007 : une illustration de la marche vers la chaos climatique mondial

11 août 2007

Le globe connaît cette année des conditions météo extrêmes : des inondations records qui ont perturbé New York avant-hier à la mousson catastrophique en Inde. Des phénomènes climatiques qui vont se multiplier, d’après un rapport de l’Organisation météorologique mondiale, à Genève.

L’année 2007 sera sans doute celle de tous les records météorologiques et climatiques. En attendant pire. Car les scientifiques en sont maintenant certains : un dérèglement du climat est bien perceptible. Et les phénomènes dits “extrêmes”, qui s’accentuent depuis une cinquantaine d’années, devraient continuer à se multiplier. Telle est la conclusion d’un rapport que l’Organisation météorologique mondiale de l’ONU et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) viennent de rendre public.
« Ce que nous voyons aujourd’hui ne sont que les prémices des dangers futurs à l’horizon 2050, confirme Hervé Le Treut, membre de l’Académie des sciences et du GIEC. Le problème touche toute la planète et tous les secteurs d’activité ». L’inventaire 2007 est une litanie de “records” et de calamités qui n’épargnent aucun continent.
Qu’on en juge. Commençons par la Terre. La température moyenne globale au sol, en janvier et en avril, est la plus élevée enregistrée depuis que l’on peut l’établir, en 1880. Janvier a été 1,89 degré centigrade plus chaud que n’importe quel autre et avril 1,37°C plus chaud. Et 11 des 12 dernières années (1995-2006) ont été les plus chaudes jamais connues. On a constaté cette année que les cyclones et autres ouragans étaient plus forts et plus nombreux qu’auparavant.

L’Afrique n’est pas épargnée

En Europe, l’Angleterre et le pays de Galles ont subi un trimestre de mai à juillet le plus humide de leur histoire connue, qui remonte à 1766. Avec des inondations catastrophiques (9 morts et 6 milliards de dollars de dégâts). Aux Pays-Bas, janvier a été le plus chaud depuis le début des observations en 1706 avec une moyenne de 7,6°C.
De manière générale, l’Europe a connu un mois d’avril particulièrement chaud, le plus chaud jamais enregistré, avec des températures supérieures de 4°C aux températures moyennes. Et des vagues de chaleur se sont abattues sur le Sud-Est et l’Est de l’Europe cet été, avec leur lot de décès et d’incendies de forêts.
L’Afrique n’est pas épargnée. Des précipitations anormalement élevées et précoces au Soudan, fin juin, ont provoqué de grosses inondations (16.000 habitations touchées). De même au Mozambique en février (30 morts et 120.000 évacués). Le 27 juin, l’Afrique du Sud était touchée par un hiver très inhabituel (depuis 1981) et rigoureux, avec blizzards et neige (jusqu’à 25 cm).

« Emballement de l’effet de serre »

L’Asie a été particulièrement touchée. Alors qu’une vague de chaleur sans précédent avait touché l’Inde à la mi-mai (45° à 50°C par endroits), les moussons de juin et juillet ont été catastrophiques, avec des précipitations répétitives atteignant 350 mm en 24 heures. Le Pakistan et le Bangladesh ont aussi été durement touchés. En tout, plus d’un millier de morts et 20 millions de personnes touchées.
« On sait aujourd’hui, estime Hervé Le Treut, que le dérèglement climatique, par emballement de l’effet de serre suite à l’augmentation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre due aux activités humaines, sera de 5 à 10 fois plus important que celui dû à la variabilité naturelle du climat ».
La série noire de 2007 continue. Avant-hier encore, les inondations dans le métro de New York ont bloqué des milliers d’usagers à l’heure de pointe, à la suite de pluies orageuses. Et hier, des trombes d’eau sont tombées sur plusieurs régions de France.


Une météo française entre pluies records et sécheresse

« Ce que l’on peut retenir du temps en France depuis le début de l’année, ce sont des contrastes saisissants entre un début d’année très chaud et un début d’été très pluvieux, marqué par de très nombreux orages sur la partie Nord », constate Jérôme Lecou, ingénieur prévisionniste à Météo France.
La situation du pays coupé en deux, entre un Nord pluvieux et un Sud bien sec, correspond aux contrastes très prononcés depuis juillet sur l’ensemble du continent. Au Nord-Ouest de l’Europe, la Grande-Bretagne a connu des pluies torrentielles d’un niveau historique, alors que l’Europe centrale et la Méditerranée connaissent des vagues de chaleurs (45°C en Bulgarie en juillet) et une forte sécheresse.


Des milliers de villages indiens engloutis par la mousson

Après 20 jours de pluie continue, le bilan de la mousson en Inde est dramatique : 1.400 morts et 20 millions de personnes touchées. L’État du Bihar, dans le Nord du pays, est l’un des plus inondés.

Cette année, par le nombre des districts touchés et par la gravité des précipitations liées à la mousson, on n’avait jamais vu ça de mémoire d’homme au Bihar. Après une vingtaine de jours de pluie continue, les débordements des rivières en crue, aux digues inexistantes, trop vieilles ou mal entretenues, ont englouti des milliers de villages.
Pour l’Inde, le bilan est lourd : depuis le début de la mousson, en juin, déjà plus de 1.400 morts et une vingtaine de millions de personnes touchées, principalement dans les États du Nord, au Bihar, en Assam, et en Uttar Pradesh. Les victimes ont été englouties sous les habitations de boue séchée ou de paille, emportées par les coulées de boue, victimes de la faim, ou encore mordues par les serpents, qui disputent aux humains les parties de terre encore émergées.

Sur les toits des maisons en dur

Les moyens de subsistances ne sont pas épargnés : plus de 70.000 têtes de bétail perdues, et plus de 2 millions d’hectares de terres agricoles endommagées, selon le gouvernement. Alors que la situation s’améliore dans le Nord, où les eaux se retirent petit à petit, la mousson n’a pas encore terminé sa course destructrice. Elle s’abat maintenant sur l’Orissa, à l’Est, et sur le Maharashtra à l’Ouest.
« Ceux qui connaissent ça tous les ans étaient un peu préparés. Ils savent où aller, ce qu’il faut emporter et quand partir, souligne Sudhanshu Kumar Choudey, en charge des secours pour une centaine de villages du district de Muzaffarpur. Mais, ici, nous avons eu de nombreux villages normalement épargnés, qui se sont trouvés pris dans le débordement de trois rivières, transformées en un seul lac ».
Les personnes touchées ont trouvé refuge sur les toits des maisons en dur, comme les écoles, le long de la ligne des chemins de fer ou sur la route nationale surélevée.

Fonds modestes et corruption

Pour les parents, la nourriture est un souci constant. Les secours commencent seulement à s’organiser et des débuts d’émeutes pour la nourriture se sont produits ces derniers jours.
Des cas de gastro-entérites se sont déjà déclarés, et les organismes internationaux, UNICEF en tête, ne cachent pas leur inquiétude devant l’absence d’eau potable dans les semaines à venir.
Pendant que les victimes accusent le destin et le gouvernement, les autorités se renvoient la balle. Le Bihar accuse le Népal de ne pas restreindre le flot de ses rivières. L’Assam regrette que le Bhoutan ne prévienne pas ses voisins un peu plus tôt. Pour les experts, le gouvernement indien est tout aussi à blâmer. « L’État utilise les fonds modestes à sa disposition pour réparer les dégâts annuels et ne peut investir dans les grands travaux nécessaires », justifie un haut fonctionnaire. Mais la volonté politique manque aussi dans ces régions minées par la corruption.

« Un aperçu de ce qui nous attend »

Pour Sunita Narayan, Directrice du Centre pour la science et l’environnement, « les gouvernements sont responsables, accuse-t-elle. Ils sont incapables de développer une politique à long terme de la gestion de l’eau. La sécheresse et les inondations sont les deux faces d’une même pièce, et nous les subissons tous les ans. Quant à leur degré et caractère inhabituels, c’est sans doute un aperçu de ce qui nous attend avec le réchauffement de la planète ».
Une opinion corroborée par une équipe de scientifiques indiens qui prévenait en décembre dernier, dans la revue “Science”, que l’Inde sera de plus en plus victime de manifestations extrêmes des phénomènes météorologiques dont elle souffre. Les autorités semblent bien loin d’y faire face.


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