37 pays confrontés à la crise alimentaire

12 août 2008

De la FAO (Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) au FMI (Fonds Monétaire International) en passant par la Banque Mondiale, les rapports se font alarmants ; le constat unanime : le Monde a faim. Les populations multiplient les actions pour réclamer la baisse des prix alimentaires.

Le Monde a faim

Seul pays à conserver politique de "souveraineté alimentaire", l’Inde est aussi l’unique pays émergent à être autosuffisant. A l’opposé, le Mexique (qui a met en 1992 à la plus ancienne et ambitieuse réforme ayant existée) fait actuellement face à des tensions sociales provoquées par la difficulté des populations à acheter des denrées alimentaires. Depuis le continent africain nous parvient la clameur des d’émeutes qui éclatent quotidiennement (au Burkina-Faso, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou en Egypte).

Sur le front alimentaire, la situation se dégrade rapidement. Dans le monde, 37 pays connaissent actuellement des crises alimentaires (locales ou généralisée, conjoncturelles ou permanentes) qui nécessitent une aide extérieure : le Lesotho, la Somalie, le Swaziland, le Zimbabwe, l’Erythrée, le Libéria, la Mauritanie, le Sierra Leone, le Burundi, la République d’Afrique Centrale, le Tchad, la République Démocratique du Congo, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Soudan, l’Iraq, l’Afghanistan, la République populaire de Corée, le Bangladesh, la Chine, le Népal, le Sri Lanka, le Tadjikistan, le Timor-Oriental, le Viêt-Nam, la Bolivie, la République Dominicaine, l’Equateur, Haïti, le Nicaragua, la Moldavie.

L’inflation frappe l’Europe. Déjà, de nombreux ménages modestes (parmi lesquels des retraités) réduisent leur consommation de produits alimentaires. Certains récupèrent même les denrées comestibles jetées par les chaînes de restauration.

Que s’est-il passé ?

En cause : la libéralisation du secteur agricole. Imaginée par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International dans les années 1990, elle a surtout été appliquée dans les pays en voie de développement. Aujourd’hui, ces "politiques d’ajustement structurel", révèlent leurs limites : insuffisamment rémunératrices pour les petits agriculteurs, les productions agricoles sont pourtant vendues à des prix prohibitifs. De fait, l’échec des politiques agricoles d’inspiration "néolibérale" est patent. Le marché ne peut en effet résoudre la pression démographique qu’exerce la population mondiale sur une ressource non extensible (le foncier) et la concurrence entre l’agriculture alimentaire et l’agriculture énergétique (agrocarburants).

La facture ne cesse de croître

Aujourd’hui, la facture des importations céréalières des pays en développement ne cesse de croître. Elle devrait ainsi augmenter de 56% en 2007-2008 après une hausse de 37% en 2006-2007 (source : FAOstat). Pire selon les perspectives publiées par la FAO, la facture sera plus lourde pour les pays à faible revenus (avec une augmentation de 74% !). Ces deux derniers mois, les prix internationaux des céréales ont atteint des niveaux historiques. L’évolution du cours du riz est particulièrement révélatrice : alors que la récolte dans les campagnes asiatiques devrait favoriser une détente sur le marché agricole, le cours du riz crève le plafond.

Une réponse politique au développement des agro carburants

Considérées désormais comme des valeurs refuges pour les spéculateurs, les matières premières agricoles ne sont pourtant pas des produites comme les autres. Les Ministres de l’Agriculture de l’Union européenne se réunissent ce 14 avril 2008, à Bruxelles. Prendront-ils des décisions efficaces ? Si la démographie relève du long terme, les décisions concernant l’agriculture énergétique peuvent être rapidement prises. Le "rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation" estime à ce sujet que la production d’agrocarburants est en effet à l’origine d’une envolée catastrophique des prix alimentaires mondiaux. Il n’hésite pas à exprimer que « la fabrication de biocarburants est aujourd’hui un crime contre l’humanité ».

Dans le cadre du "Paquet-Energie" présenté par la Commission Européenne au mois de janvier 2008, une réglementation sur les énergie renouvelables fixerait à 10% la contribution des agrocarburants aux carburants actuellement consommés en Europe. Les ministres de l’agriculture doivent réaliser que cette mesure contrevient à la sécurité alimentaire et remettre en question le développement des agrocarburants. Les émeutes de la faim survenues dans les pays en développement devraient les pousser à la raison.

La réforme du système d’aide alimentaire international

Il faut également réfléchir à la réforme du système d’aide alimentaire international : pris en tenailles entre la flambée des matières premières et l’immobilisation des négociations sur l’Accord agricole de l’OMC, le programme alimentaire mondial est à bout se souffle.

(Sources : Blog de Marie Anne Isler Béguin, députée verte au Parlement Européen)


« "Nous allons à la famine !". Ce titre d’un des premiers livres de René Dumont anticipait de 31 ans son dernier livre, "Famines, le retour", et la réalité de cette année 2008. René Dumont, l’un des plus grands agronomes du XXème siècle et fondateur de l’écologie politique, prophétisait qu’un modèle de développement productiviste, guidé par la loi du profit, aboutirait nécessairement à des famines généralisées.
(...) Le dernier rapport de la FAO signale que 37 pays sont actuellement victimes d’une grave crise alimentaire, alors même qu’aucun d’eux n’est touché par un "accident climatique" particulier (sécheresse exceptionnelle, inondation). Non : simplement ils ont abandonné, sous injonction des organismes internationaux, leur souveraineté alimentaire ... »

Extraits de l’intervention d’Alain Lipietz, député européen, au congrès des Verts Mondiaux qui a eu lieu à Sao Paulo (Brésil), du 1er au 4 mai 2008.

Emeutes de la faim

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