
60 ans après la “catastrophe”
10 juin 2008

Un universitaire palestinien qui fut témoin des événements de 1948 explique pourquoi la politique que mène Israël depuis soixante ans encourage le fanatisme.
La catastrophe de 1948 (la Nakba) a été, est et restera la cause première du conflit israélo-palestinien. Elle représente une injustice historique pour le peuple palestinien, pour qui tout le reste - l’occupation de 1967, la guerre de 1973 (la guerre du Kippour), l’Intifada de 1987, les accords d’Oslo de 1993 et l’Intifada de 2000 - n’a qu’une importance secondaire. Faute de se pencher sur cette injustice et d’y remédier, le conflit se poursuivra.
Je me souviens encore de l’afflux massif de réfugiés à Ramallah en 1948. Je me souviens de la manière dont nous avons tenté de leur fournir des vivres et des vêtements. Je me souviens comment mes amis et moi-même y voyions un éveil politique à un monde que nous ne comprenions pas tout à fait.
Plus de la moitié des Palestiniens ont été déplacés en 1948. Quelque 800.000 personnes ont été expulsées de leurs terres et de leurs maisons pour faire place à un Etat créé par et pour un autre peuple, un peuple venu d’ailleurs. Ceux qui ont perdu leur maison dans l’opération n’ont pas été autorisés, et ne le sont toujours pas, à récupérer leur bien légitime. Nous n’ignorons pas l’Holocauste. Mais un crime n’en justifie pas un autre.
Agé de 17 ans en 1948, je ne savais rien des sionistes. Je me souviens qu’avant cette date, les gens louaient leur maison à des Européens blonds. Puis ces derniers nous ont fait la guerre. Nous ne savions absolument pas qui ils étaient, ni la raison pour laquelle ils se battaient contre nous. Quand les Jordaniens se sont emparés du pouvoir (en Cisjordanie, après la création d’Israël), c’était un événement comme un autre. Je n’ai pas compris qu’un nouveau régime avait pris en main nos destinées.
Les Nations unies n’étaient pas le roi Salomon
Les Palestiniens qui se sont succédé au pouvoir, de Hadj Amine El-Husseini (mufti de Jérusalem), en 1948, à l’ancien dirigeant de l’OLP Yasser Arafat, ont été continuellement critiqués pour « ne jamais rater une occasion de rater une occasion ». Jamais dans l’Histoire une accusation n’a été aussi infondée. En 1947, le rejet du plan de partition (de la Palestine en deux Etats, un juif et un arabe) par Hadj Amine El-Husseini a été particulièrement critiqué. A l’époque, disent les historiens, on offrait aux Palestiniens près de 50% de leur ancien territoire. Aujourd’hui, on leur en propose moins de 22%. C’est dire à quel point les choses auraient pu être différentes.
Mais comment cela ? Oublions un instant qu’en 1948 les Palestiniens représentaient au moins les trois quarts de la population de l’ancienne Palestine et qu’il était insensé pour eux d’accepter moins de 50% de leur territoire. Le plan de partition me rappelle un épisode de l’Ancien Testament, dans lequel deux femmes se disputaient un nourrisson devant le roi Salomon. Incapable de déterminer laquelle était la vraie mère, Salomon a ordonné de partager le bébé en deux et d’en donner la moitié à chacune. Il pensait à juste titre que la vraie mère ne pourrait supporter qu’on fasse du mal à son enfant et rejetterait son offre.
Malheureusement, les Nations unies n’étaient pas le roi Salomon. Ni Washington quelques années plus tard. Quand Arafat s’est rendu à Camp David en 2000, les propositions qui lui étaient soumises ne reflétaient que le projet colonial d’Israël et faisaient l’impasse sur le droit au retour des Palestiniens.
Aujourd’hui, soixante ans après l’expulsion, la solution à deux Etats paraît plus éloignée que jamais. Israël poursuit sa politique d’implantation de colonies, construisant des rocades et des bâtiments au cœur même des Territoires occupés. Cette ligne de conduite ne pourra jamais déboucher sur un Etat limitrophe viable pour les Palestiniens. La convoitise israélienne exclut une telle possibilité à court terme. Et elle éclaircit les rangs des Palestiniens modérés, ceux qui croient qu’une solution pacifique, négociée et juste est encore possible.
Si cette situation perdure, la solution à deux Etats ne sera plus envisageable. On ne pourra plus concevoir qu’une solution à un seul Etat (qu’Israël fera tout pour éviter) ou l’expulsion de tous les Palestiniens de Palestine. Pour éviter d’en arriver là, les Palestiniens doivent réformer leur système politique en vue de rétablir l’unité et d’adopter un régime parlementaire. En constatant qu’il est plus facile de faire la guerre que d’instaurer la paix, Israël va récolter ce qu’il sème et offrira l’avenir aux islamistes et autres extrémistes.
Abdel Jawad Saleh, Bitter Lemons/ Courrier International
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