Je vais devoir commencer par une précision, que j’enrage de devoir apporter, mais qui renseigne par elle-même sur le manque de sérénité du débat.
Désormais, lorsqu’on veut s’exprimer sur certains sujets, il est devenu obligatoire de préciser préalablement soit : je ne suis pas juif, soit je ne suis pas musulman, soit je ne suis pas catholique, ou encore je ne suis pas athée ou je suis athée. À cela je vois vers quelles impasses se dirige de plus en plus notre République laïque ! Tous suspects avant même d’avoir commencé à s’exprimer.
Je ne suis donc ni juif, ni musulman, ni croyant. Je suis athée et, dans mon île où cohabitent catholiques, musulmans, hindouistes, bouddhistes, juifs, adventistes, etc..., nous avons, pour vivre ensemble, appris à aller regarder ce qui se passe chez les autres avant de rabâcher les sempiternelles fadaises racistes que les générations précédentes ont tenté de nous léguer.
À La Réunion existe un comité inter-religieux qui accueille en son sein tous les courants y compris ceux qui n’ont aucune religion.
C’est dans cette île que le billet de Stéphane Arlen a été publié en courrier des lecteurs avec pour adresse : http://www.fairelejour.org.
Je ne comprends pas qu’on puisse ainsi vilipender la venue de M. Tariq Ramadan à La Réunion. Si encore Stéphane Arlen avait pris la peine d’étayer son attitude de rejet à l’aide d’arguments solides, mais non, M. Arlen nous sert du réchauffé dont le morceau de bravoure tourne autour du moratoire sur la lapidation. Et cela s’appellerait de la pensée non-conformiste !

Pour ma part, la vie m’a donné l’habitude de ne jamais me fier aux dires de l’homme qu’a vu l’homme qu’a vu l’homme. Alors, comme j’avais été alerté sur ce point - la supposée approbation de la lapidation - par l’un de mes plus chers amis, je suis allé à la source : son site, certains de ses ouvrages. Mais j’ai également pris la peine de lire M. Tariq Ramadan questionné par des personnes dont on ne peut soupçonner qu’elles appartiennent à un cercle d’intégristes musulmans.
Les réponses apportées sont en tout point conformes à ce que j’avais lu puis entendu de la bouche de M. Tariq Ramadan lorsqu’il était venu à La Réunion il y a de cela une dizaine d’années. Il est résolument hostile à la lapidation.

Pour finir, je voudrais rappeler à M. Arlen que dans notre démocratie depuis laquelle il nous est si facile de donner des leçons au reste du monde, le droit à l’avortement s’est soldé par un nombre incommensurable de peines de mort sans compter d’effroyables mutilations. Mort donnée soit par le couperet de la guillotine, soit par l’aiguille à tricoter d’une “faiseuse d’anges”.
Lorsqu’il s’est agi de reconnaître le droit à l’avortement, de vertueux parlementaires n’ont pas hésité à recourir aux plus basses insultes - antisémites y compris - à l’encontre de Mme Simone Veil. Lorsque, quelques années plus tard, il s’est agi d’abolir la peine de mort, les mêmes ou leur clones, ont usé des mêmes insultes - antisémites comprises - à l’encontre de M. Robert Badinter. Dans les 2 cas, les débats préalables, qui se sont déroulés sur de très longues périodes, furent tout sauf sereins.

Mais, installés dans le confort de notre état de droit, nous oublions vite et nous voici rêvant qu’un oukase édicté par un philosophe de confession musulmane mettrait aussitôt cul par dessus tête toute une série de monarchies et de dictatures au point que, tremblantes et repentantes, elles décident sur le champ de mettre fin à une pratique - la lapidation - qui fait partie des instruments de leur absolutisme.

En somme, l’abolition de la peine de mort, que des générations d’hommes et de femmes politiques et de gouvernements représentatifs de l’éventail politique français, n’ont pu réaliser qu’au terme de nombreuses années, un philosophe, parce que de confession musulmane, devrait pouvoir l’obtenir du fait de sa seule autorité.
Et, pour écrire cela, on s’abrite derrière un site tel que “faire le jour”. Qu’on me pardonne mon ironie mais croire qu’il suffirait à Tariq Ramadan de décréter : “demain la lapidation n’existera plus” pour que cela devienne réalité relève au plus "haut " point de la croyance en la magie et nous renvoie donc des siècles en arrière. Et ce serait ça “faire le jour” ?

Jean Saint-Marc

Tariq Ramadan dans “Le Courrier”

Voici ce que donne l’une des interviews sur le point du moratoire sur la lapidation (cf. en note l’adresse url où est publiée l’intégralité de l’interview) “Le Courrier” (Suisse) :

o Concernant la lapidation, vous faites valoir votre opposition personnelle, mais vous réclamez un moratoire. Cela a été plutôt mal perçu !

- Tariq Ramadan : Mon but est de faire évoluer les mentalités dans mon univers de référence. On ne fait pas cela en lançant des condamnations pour faire plaisir à l’Occident. Le moratoire, je peux le demander partout, en Arabie saoudite ou au Nigéria... Je peux leur dire que ce châtiment est inique, qu’il est utilisé contre les femmes, contre les pauvres, et que c’est inacceptable. Et ce discours est audible pour eux. Dans mon esprit, le moratoire est une étape qui doit mener à l’abolition de ces peines.

o Néanmoins votre condamnation du principe même de la lapidation est extrêmement minoritaire parmi les savants musulmans... Comment expliquer cette singularité ?

- La position classique des musulmans est que la lapidation est attestée par la source coranique et que le débat porte sur les conditions d’application. La très grande majorité des savants vont dire qu’elle n’est pratiquement jamais applicable. Moi, je porte le débat sur la source elle-même et je dis que ce n’est jamais applicable.

o Et pourquoi la majorité n’est-elle pas sensible à ces arguments ?

- Pour certains, le meilleur moyen de montrer que l’on ne suit pas aveuglément l’Occident, c’est d’appliquer des règles dures. Je dénonce cela. Le début de l’islam, c’est la justice sociale, ce n’est pas la répression.

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