Turquie

Acquittement pour la romancière Elif Shafak

25 septembre 2006

À Istambul, des dizaines d’écrivains sont poursuivis pour ’insultes à l’identité turque’ en vertu d’un article du Code pénal, objet d’une vive polémique dans ce pays. L’une d’entre eux vient d’être acquittée.

Le 21 septembre, l’écrivaine Elif Shafak a été acquittée dès l’ouverture de son procès en appel devant le tribunal de Beyoglu. Elle comparaissait pour un de ses écrits incriminés aux termes de l’article 301 du Code pénal turc. Son livre “Baba ve Piç” (Père et Bâtard) paru le 8 mars dernier en Turquie - à paraître en anglais vers la fin 2006 sous le titre "Le Bâtard d’Istambul" - est au cœur d’une polémique avec les franges les plus conservatrices et intolérantes de la société turque. Les chefs d’accusations découlent d’un passage du roman où un des personnages fait allusion, sous le terme de "génocide", à la mort des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale, rapporte IFEX.
Avec elle, 18 autres écrivains, journalistes et éditeurs sont actuellement en attente d’un procès en Turquie, en vertu de ce même article 301. Parmi eux, Ragip Zarakolu, inculpé d’insulte à l’identité turque après avoir publié 2 livres qui traitent de la déportation et des massacres d’Arméniens par les forces turques au début des années 1900. Il doit comparaître le 5 octobre.
L’article 301, entré en vigueur en juin 2005, dispose qu’"une personne qui insulte explicitement l’identité turque, la République turque ou la Grande Assemblée nationale turque est passible d’une peine d’emprisonnement allant de 6 mois à 3 ans".
La Turquie a été très critiquée sur la scène internationale, l’an dernier, après que l’écrivain de renom, Orhan Pamuk, ait été mis en accusation sous le coup de cette loi. Il avait déclaré dans une interview que "30.000 Kurdes et 1 million d’Arméniens [ont] été tués, et personne d’autre que moi n’ose en parler". Un tribunal a rejeté les accusations pour manque de preuve.
L’acquittement d’Elif Shafak a été qualifié de "pas en avant pour la démocratie en Turquie" par la Commission européenne, qui poursuit avec Ankara des négociations d’adhésion difficiles et réclame l’abrogation de l’article 301.
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a salué la décision du tribunal. Il a laissé entendre que l’article controversé incriminant l’écrivain pourrait être amendé.

(Sources : Échange international de la liberté d’expression et Euronews)


Elif Shafak

Née à Strasbourg en 1971 (sa mère était diplomate), Elif Shafak se partage entre Istanbul et Tucson, en Arizona, où elle mène depuis 2 ans une carrière brillante d’universitaire (littérature), après une adolescence en Espagne et en Jordanie. Son premier roman "Pinhan", paru en 1998, est le récit de la vie d’un mystique musulman hermaphrodite. En septembre 2005, elle a participé à la conférence sur les Arméniens sous l’Empire ottoman. "Le Père et le Bâtard" est son septième roman.
Les nationalistes turcs lui reprochent d’oublier ses racines. Elle répond poétiquement que "ses racines sont dans l’air, comme Touba", l’arbre du paradis des musulmans.
"Les nationalistes visent le processus d’adhésion à l’Union européenne et l’ouverture de la société, auxquels ils s’opposent", a commenté la jeune femme, à l’ouverture de son procès.


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