Adidas sonne la fin du label “Made in China”

1er août 2008

La marque aux trois bandes a annoncé qu’elle allait progressivement délocaliser ses usines chinoises en raison des salaires trop élevés fixés par le gouvernement. Un salarié d’un sous-traitant des marques de sport gagne environ de quoi s’acheter une paire de chaussures par mois. Indécent.

On connaissait les banderoles "footballeurs, trop payés !", le CEO d’Adidas vient de pointer du doigt les nouveaux barons de l’industrie sportive : les ouvriers chinois. Herbert Hainer a en effet déclaré dans le journal "WirtschaftsWoche" que son entreprise envisageait de délocaliser sa production chinoise vers des pays plus compétitifs : « Les salaires qui sont fixés par le gouvernement sont progressivement devenus trop élevés », estime-t-il. Le numéro deux mondial des équipements sportifs produit pour le moment la moitié de ses chaussures en Chine. Mais cette proportion « va reculer ». C’en est donc fini du Made in China. Adidas regarde plutôt du côté du Vietnam, du Cambodge, du Laos et des anciens pays de l’Est.


200 euros par mois pour un salarié chinois

En quoi la Chine est-elle vraiment trop chère pour Adidas ? Une travailleuse produisant des chaussures Adidas à Shenzhen, généralement une jeune femme migrante vivant dans un dortoir de 12 lits, devrait consacrer 1 mois de salaire pour acquérir, la paire de chaussures qu’elle a elle-même produite.
Selon les dernières chiffres du Bureau National des Statistiques, un salarié urbain émarge en moyenne à 200 euros par mois, ce qui lui permettrait d’acheter près de 3 paires de baskets Adidas en période de soldes. Rien à voir avec les revenus de la population agricole, proches des 40 euros par mois. Pas mal par rapport au Bangladesh où le salaire mensuel moyen est d’environ 20 euros. Mais pas mirobolant par rapport au Vietnam, où le salaire mensuel moyen - très variable aussi selon les régions - tourne autour de 50 euros. Pas de quoi s’acheter des godasses de la marque aux trois bandes. Ou alors des fausses. En fait, Adidas prépare surtout l’avenir. Les salaires des chinois - urbains ou agricoles - ont connu des taux de croissance de près de 20% au premier semestre 2008. A cette allure, la Chine pourrait rapidement devenir moins attractive.

Des conditions de travail dégradantes

L’organisation "PlayFair 2008" qui a publié cette année un rapport sur les conditions de travail en Chine dans l’industrie du sport décrit un présent beaucoup plus sombre : des salaires inférieurs au minimum vital, des « conditions de travail dégradantes », une « absence de respect des libertés syndicales », un « recours généralisé à la main d’œuvre occasionnelle ». Play Fair a travaillé aussi bien sur les marques Adidas, Nike, Puma, new, Balance, Reebok constatant que les prestataires de ces marques ne payaient pas toujours leurs ouvriers au niveau du salaire minimum local. L’organisation reconnaît tout de même que les pressions exercées sur leurs sous-traitants chinois par ces grandes marques ont « adouci certains procédés disciplinaires, concernant les heures supplémentaires, les conditions de vie dans les dortoirs pour les travailleurs migrants ».

La campagne d’Adidas en Chine
Objectif : 5.000 points de ventes Adidas en 2010

L’association a aussi mené une enquête économique sur les bénéfices des marques de sport. Les chiffres annoncés permettent de relativiser les salaires indécents des ouvriers chinois. Adidas aurait ainsi engendré 1,1 milliard de dollars de résultat avant impôts en 2007, en progression de 68% par rapport à 2006. Herbert Hainer espère atteindre le chiffre de 5000 points de vente en 2010 et 1,56 milliard de chiffres d’affaires. Car au-delà de la délocalisation des usines chinoises, c’est un nouveau positionnement stratégique de la marque de sport vis-à-vis de l’empire du Milieu qui se profile.

Le Made in China remplacé par le solde in China ?

Adidas ouvrira le 8 août prochain son plus grand magasin du monde (3.170 mètres carrés) à Pékin et mise sur l’événement pour développer son activité dans le pays.
« La valeur du marché chinois des articles de sport se situerait actuellement entre 4,2 et 5,6 milliards de dollars par an et les analystes prédisent que les dépenses des consommateurs (...) continueront à connaître une croissance à deux chiffres au cours des prochaines années. A la différence des marchés de vêtements et de chaussures de sport nord-américain et européen, le marché chinois offre un potentiel de croissance pratiquement illimité », écrit Play Fair dans son étude.
C’est un fait, la Chine n’est plus une usine, désormais la Chine est un marché.

Régis Soubrouillard, Marianne2


Les salaires par personne des travailleurs urbains en hausse de 18% pendant le premier semestre

Pour les six premiers mois de l’année, le salaire moyen du travailleur urbain a atteint un total de 12.964 yuans (1.878 dollars), en hausse de 18% en base annuelle, a annoncé lundi le Bureau d’Etat des Statistiques.
Le salaire moyen des travailleurs des entreprises nationales urbaines a atteint 13.800 yuans, soit une augmentation de 17%, et ceux des travailleurs des compagnies privées, 12.610 yuans (+19,2%).
En 2007, le salaire moyen annuel du travailleur urbain était de 24.932 yuans.
Le revenu disponible moyen des citadins a progressé de 14,4% pour atteindre 8.065 yuans sur les six premiers mois.
Sur une base annuelle l’indice des prix à la consommation, indicateur principal de l’inflation, a vu une hausse de 7,9%.
Les revenus en argent par personne des agriculteurs se sont élevés à 2.528 yuans durant le premier semestre, en augmentation de 19,8%, soit 10,3%, si l’on tient compte de l’inflation.


Adidas épinglé par une campagne internationale

Une décision qui ne risque pas d’améliorer l’image d’Adidas aux yeux des organisations réunies au coeur de la campagne "Play Fair 2008" : basé sur le témoignage de 300 ouvriers, leur rapport dénonçait en avril dernier les conditions de travail « déplorables » des salariés des géants du vêtement et de la chaussure de sport en Chine, en Inde, en Thaïlande et en Indonésie. « Les travailleurs fabriquant les produits vendus par les leaders du marché tels qu’Adidas, Asics, New Balance, Nike et Puma sont toujours payés une misère alors que les bénéfices de ces sociétés atteignent des centaines de millions, voire des milliards de dollars ».


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