Les Talibans : un atout de Washington pour tenter de faire éclater la Chine

Afghanistan : manœuvres américaines

23 août 2021, par Ary Yée-Chong-Tchi-Kan

Jo Biden avait annoncé qu’il assume totalement ce qui se passe en Afghanistan, car « je suis le Président des États Unis ». Vendredi, rétropédalage : « je ne peux pas promettre l’issue finale ». Les candidats au départ sont tellement nombreux qu’il ne peut pas satisfaire aux demandes pressantes. Les autres États de la coalition font également un tri et abandonnent le reste de la population. Pourtant, la solution juste pour plus de 38 millions d’Afghans se trouve sur place. Pourquoi ça n’a pas marché ?

L’ Accord unilatéral US-Talibans

On parlera beaucoup de l’Accord signé le 29 février 2020, à Doha, Qatar, entre les États-Unis et les Talibans. Le contenu est connu. A aucun moment, il ne prend en compte le respect du peuple. Biden a dit à sa manière : « notre objectif n’était pas de construire une nation ». Une autre option aurait été d’associer le maximum de partenaires : les pays alliés, le gouvernement afghan, l’ONU, les pays voisins frontaliers (Pakistan, Iran, Turkménistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, la Chine) ainsi que la Russie.

Sauf que les dirigeants américains considèrent que les Talibans ne sont plus un danger pour les États-Unis mais peuvent être un atout dans leur nouvelle stratégie de faire éclater la Chine. Ils voulaient agir vite et seuls. L’Accord de Doha et sa médiatisation constituaient une cinglante défaite pour le pouvoir en place et la société civile, gagnée aux idées de progrès. Pour les militaires afghans formés à la discipline américaine, le message était de se préparer à la passation de pouvoir. Ultime humiliation infligée à la direction politique et militaire : le 18 juin 2021, Biden confie à la Turquie la sécurisation de l’aéroport de Kaboul !

L’artisan de ce désordre est Mike Pompéo

Il dirige la CIA jusqu’en 2018 lorsque Trump l’appelle à ses côtés pour remplacer Rex Tillerson. Il lui confie les Affaires étrangères. Il était présent à Doha lorsque les Talibans exigent de retirer le gouvernement afghan de la négociation. Il accède à leur demande en rencontrant séparément la délégation gouvernementale. De fait, sur la photo de signature, on voit l’émissaire spécial de Trump, Zalmay Khalilzad, et le cofondateur des Talibans, Abdul Ghani Baradar. Ils ont chacun en main un exemplaire du document. A l’époque, les médias parlent d’un « accord historique », de « chemin pour la Paix ». Par contre, le lendemain, le 1er mars, les Talibans relancent les attaques violentes. Le plus étonnant : ni Trump, ni Pompeo ne sont intervenus pour dénoncer cette entorse à l’accord. Pour tout observateur, les Talibans ont été encouragés à accélérer la prise du pouvoir par les armes. L’ex–directeur de la CIA savait très bien l’état de l’armée. Exit la grande coalition.

Le gouvernement a compris le sens de son exclusion et refuse d’accéder aux termes de l’Accord, notamment la libération de 5000 prisonniers Talibans. Mike Pompeo se précipite à Kaboul, constate l’impasse et sanctionne le gouvernement par la diminution d’un milliard de dollars d’aide sur les 5 prévues. La duplicité avec les Talibans est claire. Il sera encore, à Doha, le 21 novembre 2021. Il rencontre le négociateur Taliban et demande d’accélérer le retrait. Aucune dénonciation des violences commises. C’est une nouvelle reconnaissance de l’interlocuteur privilégié. Or, à cet instant, il n’avait plus de légitimité, car son candidat Trump a été battu aux élections présidentielles du 3 novembre.

Pour Pompéo, l’ennemi c’est la Chine

Tout en déroulant sa solution afghane, les États-Unis donnent à la Chine 72h pour fermer son consulat à Houston à compter du 21 juillet 2020. Une violence diplomatique inédite ! La Chine a répliqué par la fermeture du consulat US, à Chengdu. Le 23 juillet, Mike Pompeo donne la charge. Il appelle à libérer le monde libre de « la tyrannie » du Parti Communiste Chinois. Comme un illuminé, il déclare que c’est « la mission de notre temps ». Les Talibans sont des enfants de chœur. L’ancien directeur de la CIA prêche : « Si nous nous inclinons maintenant, nos petits-enfants pourraient être à la merci du Parti communiste chinois, dont les actes constituent le premier défi du monde libre ».

L’ Accord de Doha jusqu’à la prise du pouvoir par les Talibans fait partie de cette nouvelle vision d’avenir exposée par Pompeo. Biden a suivi et il a été dépassé par le mouvement. Aujourd’hui, Pompeo l’accuse de ne pas avoir respecté l’accord à la lettre qui prévoyait le retrait total au 1er mai 2021. Il n’a aucun mot de compassion pour le peuple abandonné et paniqué. Il prépare sa candidature à la prochaine présidentielle des États-Unis.

Déjouer les manœuvres US

Devant la nouvelle réalité, la Chine a reçu le 28 juillet 2021 une délégation des Talibans conduite par son négociateur en chef, Abdul Ghani Baradar. Les discours étaient empreints de réalisme. Dans le compte rendu officiel, le chef de la diplomatie chinois, Wang Yi a déclaré que « la Chine était le plus grand pays voisin de l’Afghanistan et qu’elle respectait depuis toujours la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Afghanistan, adhérait depuis toujours au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de l’Afghanistan et poursuivait depuis toujours une politique d’amitié envers l’ensemble du peuple de l’Afghanistan. L’Afghanistan appartient au peuple afghan, son avenir et son destin doivent être pris en main par les Afghans. Le retrait précipité des troupes des États-Unis et de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) d’Afghanistan marque en fait l’échec de la politique américaine à l’égard de l’Afghanistan, et le peuple afghan voit devant lui une opportunité importante de la stabilité et du développement de son propre pays ». Un accent particulier a été mis sur la lutte antiterroriste commune.

Ary Yee Chong Tchi Kan

NB. L’Afghanistan dispose d’un statut d’observateur au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) qui regroupe la Russie et la Chine, les pays de l’Asie centrale, l’Inde, le Pakistan.

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