Après l’occupation de l’Irak, le tour de la Syrie ?

Le président syrien évoque les accusations américaines avec des responsables britannique et saoudien dien

15 avril 2003

Confronté aux accusations de Washington selon lesquelles son pays abriterait des dirigeants irakiens et dissimulerait des armes chimiques, ce que Damas a démenti catégoriquement, le président syrien Bachar el-Assad s’est entretenu lundi avec des émissaires britannique et saoudien.
« Bien entendu, la Syrie ne possède pas d’armes chimiques. Ils (les Américains - NDLR) parlent depuis des années d’armes de destruction massive en Irak mais, jusqu’à présent, l’existence de ces armes n’a pas été confirmée », a souligné Bouthayna Chaaban, porte-parole du chef de la diplomatie syrienne Farouk al-Chareh. « J’aimerais dire qu’il existe bien des armes de destruction massive bactériologiques, chimiques et nucléaires au Moyen-Orient. Mais elles sont en Israël et non pas en Syrie », a-t-elle déclaré dimanche soir lors d’une interview par téléphone avec la chaîne satellite libanaise Al-Hayat-LBC.
La veille, le président américain George W. Bush avait exhorté Damas à ne pas héberger de responsables irakiens en fuite et avait accusé le pays de posséder des armes chimiques.
Pour sa part, le président syrien a rencontré hier le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères Mike O’Brien, à Damas dans le cadre d’une tournée qui le mènera également en Irak. Un responsable de l’ambassade de Grande-Bretagne à Damas a indiqué que la visite de Mike O’Brien s’inscrivait « dans le dialogue en cours entre la Syrie et Londres », ajoutant que le Royaume-Uni souhaitait mener des consultations sur l’Irak d’après-guerre avec tous les pays voisins.
Bachar el-Assad s’est également entretenu avec le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Faiçal. Selon l’agence de presse officielle syrienne, les deux hommes ont évoqué « la situation en Irak et les efforts déployés par les pays voisins pour rétablir la sécurité et la stabilité et préserver l’unité et l’intégrité du territoire irakien ».

Recherche vaine d’armes chimiques irakiennes
Des officiers américains cités par l’AFP ont annoncé dimanche après-midi la découverte de « 278 ogives d’artillerie contenant un agent chimique ». Quelques heures plus tard, ces 278 ogives sont devenues « cinq fûts contenant une substance chimique », dans un nouveau communiqué de l’armée américaine.

Des membres des armées d’invasion ont déjà affirmé à plusieurs reprises avoir découvert des armes chimiques (notamment à l’aéroport de Bagdad, où des officiers avaient signalé une vingtaine de missiles "prêts à l’emploi" et dotés de têtes chimiques), mais ces informations ont jusqu’à présent toutes été démenties.

Le top 5 des fournisseurs du Pentagone en 2002
Les liens étroits entre les industries militaires et Washington
Selon le "Solidaire", de nombreux membres du gouvernement américain ont des intérêts chez les constructeurs d’armes qui fournissent les armées qui ont envahi l’Irak. Les montants de commandes ont été publiés sur le site "aerotechnews".

1. Lockheed Martin

Commandes : 17 milliards de dollars.

Lockheed Martin, constructeur du F16 et du Joint Strike Fighter, est le premier producteur mondial d’armement. Lynn Cheney y a repris le poste de directeur qu’occupait son mari quand il a été nommé vice-président des États-Unis. Sont également liés à la firme : Stephen Hadley (conseiller adjoint de Bush), Peter B. Teets (assistant secrétaire de l’Air Force), Everet Beckner (responsable des programmes de défense au cabinet de l’Énergie), Otta Reich (assistant du ministre des Affaires étrangères), Norman Mineta et Michael Jackson (adjoints du ministre des Transports), Larry C. Thompson (adjoints du ministre de la Justice).

2. Boeing

Commandes : 16,6 milliards de dollars.

Edward C. Aldridge Jr., sous-secrétaire à la Défense, est vice-président de McDonell Douglas Electronics, filiale de Boeing, le n°1 mondial de l’aéronautique. Karl Rove, conseiller du président Bush, est actionnaire de Boeing. La firme de Richard Armitage, ministre adjoint des Affaires étrangères, effectue des missions de consultance pour la firme.

3. Northrop Grumman

Commandes : 8,7 milliards de dollars

Northrop Grumman est notamment le constructeur du bombardier B-2 ou du Global Hawk, avion sans pilote. Paul Wolfowitz, le n°2 de la Défense, est consultant pour la firme. Tout comme I. Lewis Libby, chef du staff du vice-président. Dov Zakheim, sous-secrétaire à la Défense, est conseiller de la société. Laquelle est cliente du cabinet juridique de Douglas J. Feith, également sous-secrétaire à la Défense. Autres collaborateurs : Nelson F. Gibbs, de l’Air Force, et Sean O’Keefe, de la NASA.

4. Raytheon

Commandes : 7 milliards de dollars

Parmi les armes de destruction massive produites par Raytheon : les missiles Tomahawk ou les bombes anti-bunker GBU-28. La société de Richard Armitage, ministre adjoint des Affaires étrangères, effectue des travaux de consultance pour la firme. Et Sean O’Keefe, administrateur de la NASA, est membre du conseil stratégique de Raytheon.

5. General Dynamics

Commandes : 7 milliards de dollars

La firme est spécialisée dans les technologies de guidage pour divers types d’armes. Elle guide aussi de grosses pointures de l’administration Bush. Le ministre de la Défense Donald Rumsfeld est directeur de Gulfstream Aerospace, filiale de General Dynamics. Le ministre des Affaires étrangères Collin Powell est actionnaire de cette dernière. Michael Wynne, sous-secrétaire de Rumsfeld, en est vice-président. Et Gordon England, secrétaire à la Navy, l’a été auparavant.

Quand la guerre favorise la Bourse
Vieil adage boursier : « Achetez au son du canon ». Les chiffres lui donnent raison, affirme L’Expansion. Les morts donnent de la vie à la Bourse.

Le journal économique "L’Expansion" a calculé l’influence des guerres des États-Unis sur le Dow Jones depuis que cet indice boursier a été créé, en 1896. Si le lendemain du déclenchement des conflits, le Dow Jones baisse en moyenne de 2%, six mois plus tard, il fait par contre une progression moyenne de 6,7%, beaucoup plus qu’en temps normal (de 1896 à 2003, la progression semestrielle a été de 2,6%). Avec ce recul de six mois, l’indice a ainsi augmenté de 18,9% après la première guerre du Golfe (1991), de 7,8% après l’intervention américaine en Somalie (1992), de 12,6% après l’attaque contre l’Afghanistan (2001). Ce 21 mars, au lendemain du déclenchement de la guerre contre le peuple irakien, le Dow Jones était déjà en hausse de 2,76%. Car les investisseurs misaient sur un conflit de courte durée. Un porte-parole de l’armée britannique n’avait-il pas déclaré que les forces anglo-américaines arriveraient à Bagdad dans trois ou quatre jours. De surcroît, note "la Tribune" du 21 mars dernier, « malgré l’incendie de quelques puits de pétrole, rien n’indique que les infrastructures pétrolières soient pour l’instant menacées ». Ouf, les investisseurs respirent.

La guerre doit redonner confiance aux marchés, fournir des perspectives de croissance économique aux entreprises, réaffirmer la suprématie mondiale américaine. Car dans la réalité, la situation des États-Unis est catastrophique. Ces dernières années, les chutes de la Bourse ont réduit le revenu disponible d’une partie des familles américaines. Mais ceux-ci ont continué à consommer en s’endettant (pas les les plus pauvres qui vivent dans la misère et n’ont aucune chance de contracter un crédit). Le pays est dès lors confronté à un endettement record depuis 1945 : sa dette tourne autour de 20.000 milliards de dollars, soit le double de son PIB (richesse produite annuellement).
Mais si l’armée américaine venait à s’enliser, comme au Vietnam, toute la machine économique des Etats-Unis pourrait être coincée. À la débâcle politique face aux peuples du monde, viendrait s’ajouter la débâcle économique.


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