Un projet pour diminuer la part du peuple premier dans le corps électoral amené à décider du retour à l’indépendance

Le Sénat remet aussi en cause le processus de paix en Kanaky Nouvelle-Calédonie

4 avril, par Manuel Marchal

Ce 2 avril, une marche du FLNKS a rassemblé 40 000 personnes à Nouméa selon les organisateurs. Elles protestaient contre la remise en cause unilatérale par Paris d’un pilier du processus de paix : un corps électoral gelé spécifique pour les élections provinciales et les consultations sur le retour à l’indépendance. L’objectif de ce corps électoral spécifique au pays était d’aller à l’encontre de la politique menée jusqu’alors par Paris : rendre les Kanaks minoritaires dans leur pays pour empêcher tout retour à l’indépendance. Hier, le Sénat est allé dans le sens du gouvernement en votant pour la remise en cause de ce corps électoral via son augmentation de plus de 15% en fixant à seulement 10 ans la durée de résidence pour voter. Cela remet en cause le processus de paix qui a cours depuis plus de 30 ans en Kanaky Nouvelle-Calédonie.

« La présente proposition d’ouverture du corps électoral va provoquer l’inscription d’environ 25.900 nouveaux électeurs, ce qui correspond à une augmentation de 14,46 % du corps électoral spécial(...) Si on applique une augmentation de 14,46 % au corps électoral français, cela revient à inscrire en une fois un peu plus de 7 millions d’électeurs. Quel responsable politique français serait d’accord avec ce rajout avant des élections nationales ? ». C’est ainsi que Robert Xowie, sénateur de Kanaky Nouvelle-Calédonie pose les données du problème dans une interview à La 1ère.

Un processus de paix dans une perspective de décolonisation

Depuis 1988, un processus de paix s’applique dans une perspective de décolonisation. Jusqu’alors, Paris avait pratiqué une politique visant à rendre les Kanaks, le peuple premier, à être minoritaire dans leur pays. Par cette méthode, Paris pensait rendre le retour à l’indépendance impossible.
Mais les Kanaks et d’autres composantes de la société se sont organisées pour résister. Les tensions culminèrent jusqu’en 1988, c’était la répression organisée par Paris avec des exécutions de militants du FLNKS par les militaires.
L’alternance en France avait permis la réouverture des discussions entre les partisans de la décolonisation et ceux du statu quo. Elles avaient abouti aux Accords de Nouméa et de Matignon. Le peuple premier fit une concession très importante pour associer non seulement les Kanaks, mais également ceux qui aspirent à vivre dans le pays, au processus de décolonisation. Pour les votes décidant de l’évolution des relations avec la France et de l’élection du gouvernement local, les Kanaks ont permis à des immigrés d’y participer. Un corps électoral spécifique a été créé pour ces scrutins.

Paris n’est plus arbitre mais partisan

Mais Paris veut remettre en cause cette pierre angulaire du processus de paix. Il a choisi son camp alors que Paris doit être l’arbitre impartial entre indépendantistes et partisans du statu quo. C’est une ligne anti-indépendantiste pour Paris, ce qui favorise l’intransigeance des opposants au retour à l’indépendance.
Au lendemain de la présidentielle de 2022, une des cheffes des partisans du statu quo fut nommée secrétaire d’État dans le gouvernement français. Mais elle dut quitter son poste suite à sa défaite aux sénatoriales où fut élu pour la première fois un sénateur membre du front de libération FLNKS.
Le gouvernement a présenté un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral de 15% en ramenant à seulement 10 ans la durée de résidence minimale pour voter aux scrutins qui engagent directement l’avenir de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Cela signifie que ces nouveaux électeurs seront à 100% des immigrés, ce qui mécaniquement diminuera la part du peuple premier dans ce corps électoral.
Hier, le Sénat est allé dans le sens du gouvernement. Paris persistera-t-il dans un combat d’arrière-garde qui menace la paix en Kanaky Nouvelle-Calédonie ?

M.M.

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