Une anti-indépendantiste ex-ministre du gouvernement français appelle implicitement à refuser le destin commun du peuple calédonien et à la sécession d’une partie du pays

Nouméa sera-t-elle la « Mayotte » de la Kanaky Nouvelle-Calédonie ?

16 juillet 2024, par Manuel Marchal

Le 25 mai dernier lors de la réunion d’information du PCR sur la Kanaky Nouvelle-Calédonie, un participant avait indiqué que les mois à venir allait voir émerger une revendication visant à refuser de restaurer l’indépendance du pays en intégralité. Prenant acte de l’impossibilité de refuser l’indépendance, il sera alors question d’une partition de la Kanaky Nouvelle-Calédonie afin que Paris continue d’occuper une partie du pays qui pourrait à terme devenir un département français. Cette volonté de sécession séparant Nouméa et la Province Sud n’est pas sans rappeler l’aventure comorienne d’un gouvernement français en 1975 qui aboutit à la sécession de Mayotte des Comores au profit du maintien de l’administration française sur le territoire d’un autre État souverain.
Paris laissera-il faire les chefs anti-indépendantistes qui refusent le destin commun et l’Accord de Nouméa ? Le FLNKS a fait part de son opposition à cette division du peuple calédonien.

Les élections législatives en Kanaky Nouvelle-Calédonie furent historiques. Au second tour le 7 juillet, les candidats du FLNKS remportèrent la majorité des suffrages et un député sur deux alors que toute personne vivant dans le pays pouvait voter à condition d’avoir la nationalité française et d’être inscrite sur une liste électorale d’une des communes du pays. Les Kanaks sont donc minoritaires dans les électeurs inscrits. Malgré cela, le député anti-indépendantiste sortant Metzdorf fut élu de justesse dans le bastion des anti-indépendantistes dans le Sud, et Emmanuel Tjibaou gagna largement dans la 2e circonscription. Sur cette base, il ne fait guère de doute dans le corps électoral spécifique aux consultations sur le retour à l’indépendance a voté très majoritairement pour des candidats indépendantistes. Dans ce corps électoral créé par l’Accord de décolonisation signé à Nouméa, les Kanaks sont majoritaires, car un immigré français et ses enfants doivent justifier de conditions strictes de durée de résidence pour avoir le droit de voter à ce scrutin, ainsi qu’aux élections provinciales qui déterminent les exécutifs locaux et le Congrès de Kanaky Nouvelle-Calédonie qui choisit ensuite le Gouvernement.

La majorité des Calédoniens ont voté pour des candidats indépendantistes

Une semaine après cette défaite historique des anti-indépendantistes, une de leurs cheffes a choisi la date de la fête nationale française pour annoncer un plan qui s’apparente à une sécession de la Province Sud en vue d’organiser la partition du pays afin de soustraire à la souveraineté calédonienne la région de Nouméa. C’est le refus du destin commun. C’est aussi l’illustration d’un fait : des chefs anti-indépendantistes ont conscience de mener un combat d’arrière-garde et que le retour de l’indépendance est inéluctable. Ils veulent donc que cette indépendance se passe dans de mauvaises conditions en commençant par appeler à diviser le pays pour maintenir leur pouvoir dans une enclave pro-française.
Ce procédé n’est pas sans rappeler la tactique mise en œuvre pour organiser la sécession de Mayotte des Comores. Ceci a permis à Paris de maintenir son administration sur un territoire d’un autre État souverain depuis 1975, avec tous les problèmes que cela peut causer.

La Province Sud « département français » comme Mayotte ?

Rappelons avant les élections la prise de position du député Metzdorf, qui voulait implicitement transférer à Paris de nombreuses compétences exercées par le gouvernement calédonien afin de gérer le territoire comme un département français depuis Paris.
Voici des arguments du discours de Sonia Backès, une cheffe des anti-indépendantistes qui fut ministre d’Emmanuel Macron avant d’être battue aux sénatoriales par le FLNKS. Anti-indépendantiste, prononcé ce 14 juillet :

« Le monde kanak et le monde occidental ont, malgré plus de 170 années de vie commune, des antagonismes encore indépassables ». « Une réforme institutionnelle visant à l’autonomisation des provinces doit être désormais sérieusement envisagée. Elle doit être perçue comme une nécessaire évolution vers une coexistence pacifique et respectueuse entre des communautés de valeurs qui, bien que différentes, partagent un même territoire », a-t-elle déclaré, « puisque le vivre ensemble est un échec et que l’affrontement n’est plus tolérable, marchons côte à côte ».

Pas question de « refouler les indépendantistes » dans les îles et la Province Nord

Le FLNKS a déploré les propos de l’ex-membre du gouvernement français.

Aloisio Sako, président du RDO (Rassemblement démocratique océanien), en charge de l’animation du bureau politique du FLNKS a rappelé que Sonia Backès est « adepte d’annonces très fortes qui mettent en tension le pays. Aujourd’hui elle veut refouler les indépendantistes à la Province des îles et à la Province Nord. Il n’en est pas question. Les provinces c’était pour partager les responsabilités avec les Calédoniens, et notamment le peuple Kanak qui, pendant très longtemps, était à la marge des responsabilités.
Mais il n’était pas question dans l’esprit des signataires (de l’Accord de décolonisation de Nouméa — NDLR) qu’ensuite on ait les Kanaks là-bas, les Océaniens là et les Européens là, ce n’était pas l’esprit de l’Accord de Nouméa et nous nous inscrivons dans cette construction d’un vivre-ensemble pour un destin commun ».

Paris laissera-il faire les chefs anti-indépendantistes qui refusent le destin commun et l’Accord de Nouméa ?

M.M.

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