Changements climatiques, rivalités entre Washington et Pékin et troubles en Nouvelle-Calédonie

Une « polycrise » au sommet des îles du Pacifique

26 août 2024

Les dirigeants du Forum des îles du Pacifique (FIP) se retrouvent le 26 août à Nuku’alofa, la capitale du royaume de Tonga, pour un sommet consacré à la « polycrise » à laquelle font face ces territoires. Parmi ces crises, la montée de l’océan, la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine, et entre autres les troubles en Nouvelle-Calédonie.

Invité du sommet, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a annoncé son intention d’apporter le soutien de l’ONU au Pacifique et « faire monter la pression » sur la communauté internationale.

Le Forum des îles du Pacifique (FIP) regroupe 18 États et territoires, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, membres de plein exercice depuis 2016. La plupart de ses membres sont aujourd’hui menacés d’anéantissement pur et simple par la montée du niveau de l’océan due au réchauffement climatique.

Ainsi, les Tuvalu (point culminant : 4,6 mètres) pourrait disparaître sous les flots d’ici à 30 ans. Dans un tel contexte, « le changement climatique reste, comme toujours, la priorité absolue des dirigeants » du FIP, a déclaré Mihai Sora, directeur de la recherche sur le Pacifique à l’Institut Lowy, en Australie. « La présence du secrétaire général des Nations Unies a pour but d’attirer l’attention de la communauté internationale et de faire monter la pression ».

Antonio Guterres avait déjà averti qu’il rappellerait aux partenaires que « le niveau élevé et croissant des mers constitue une énorme menace pour les Samoa, le Pacifique et d’autres petits États insulaires en développement, et ces défis exigent une action internationale résolue », parlant de territoires qui risquent d’être « anéantis » dans un futur proche.

L’Australie, à la fois membre du FIP et grande puissance minière qui tente tardivement redorer son blason en matière environnementale, est dans une position délicate vis-à-vis de ses partenaires. Le pays souhaite accueillir la conférence sur le climat COP31 en 2026 avec le soutien de ses voisins du Pacifique, mais elle doit avant tout les convaincre de sa réelle volonté de réduire ses émissions.

Rivalité entre la Chine et les Etats-Unis

L e sommet FIP sera le premier du nouveau secrétaire général du Forum, Baron Waqa, anien Président de la république de Nauru. « On ne veut pas de leur bagarre dans notre arrière-cour. Qu’ils aillent faire ça ailleurs », a-t-il lancé en juillet dernier à l’intention de la Chine et des Etats-Unis.

Un point de vue partagé par le secrétaire général des Nations Unies qui atteste que « le Pacifique est mieux géré par les habitants des îles du Pacifique. Il ne doit jamais devenir un forum de compétition géostratégique ».

La Chine a une influence de plus en plus importante dans les petits pays du Pacifique, vis son Initiative La Ceinture et la Route, et les nombreux accords bilatéraux signés ces dernières années. Craignant que la Chine n’en profite pour installer des bases militaires permanentes dans la région, les États-Unis et l’Australie ont contre-attaqué en mettant en place l’AUKUS, en distribuant de l’aide, en signant des accords bilatéraux et en rouvrant des ambassades désaffectées depuis longtemps.

« Polycrise » néfaste pour les territoires du Pacifique

Ces tensions géopolitiques et menaces climatiques ont été qualifié de « polycrise » par le Premier ministre des Fiji, Sitiveni Rabuka. D’autant plus qu’à ces problèmes s’ajoutent cette année les mouvements de révolte en Nouvelle-Calédonie, membre à part entière du FIP.

Le Forum a envoyé en Nouvelle-Calédonie une « mission d’enquête de haut niveau » pour aider à résoudre la crise, dont le détonateur a été un projet de réforme du corps électoral dans l’archipel. Mais cette mission a été reportée au dernier moment en raison d’un différend entre les autorités calédoniennes et Paris concernant son programme.

« L’État français a décidé de contrôler seul le sujet et l’objet de la mission ainsi que ses futures conclusions », a déclaré Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, auprès de RNZ.

L’État français avait de son côté rappelé ses prérogatives en matière de diplomatie et pointé, d’après Les Nouvelles calédoniennes, un manque de coopération du gouvernement local.

Les violences en Nouvelle-Calédonie, qui ont fait onze morts, ont éclaté le 13 mai pendant l’examen au Parlement français du projet de réforme électorale accusé de marginaliser la population autochtone kanak. Cette réforme a été depuis suspendue mais les indépendantistes, en demandent l’abandon pur et simple, restent mobilisés.

La cause kanak trouve un large écho dans le Pacifique, qui regorge d’anciennes colonies aujourd’hui fières de leur indépendance. Baron Waqa a d’ailleurs vivement critiqué le transfèrement en France métropolitaine de détenus indépendantistes arrêtés pendant les émeutes.

« La façon dont la France se comporte en Nouvelle-Calédonie suscite beaucoup d’inquiétude », a affirmé Tess Newton Cain, de l’Institut Griffith pour l’Asie, selon qui « la rhétorique française préoccupe vraiment les dirigeants du forum ».


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