’I peut pas donne un coup d’pied dan son z’assiette manzé’, dit Fruteau

Avec le “oui”, les crédits européens resteront-ils ce qu’ils sont ?

8 avril 2005

Les instances européennes ont engagé des négociations pour définir les perspectives financières sur la période 2007-2013. De fortes pressions sont exercées pour que les dépenses communautaires ne dépassent 1% du produit brut de l’Union. Faute d’accord, l’union serait bloquée et les régions défavorisées comme La Réunion handicapées.

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"Il faut voter “oui” car le Réunionnais i peut pas donne un coup’d pied dan son z’assiette manzé" : tel est le slogan que Jean-Claude Fruteau compte utiliser tout au long de la campagne du référendum du 29 mai prochain. Répéter que voter “non” signifierait une diminution, voire une perte des crédits européens pour La Réunion, est un argument exprimant un profond mépris vis-à-vis de l’électorat réunionnais. En recourant à sa formule, le député bénédictin laisse entendre qu’il y a une relation entre les aides européennes attribuées à La Réunion et la Constitution.
Nous lui rappelons notre question (voir “Témoignages” de lundi dernier) : "êtes-vous certain, vous, que si le “oui” l’emportait, les crédits européens pour La Réunion resteront ce qu’ils sont ?" Ou alors Jean-Claude Fruteau veut-il dire qu’en cas de succès du “non” chez nous, notre île sera considérée comme une mauvaise élève et connaîtra des sanctions financières ?
Mais, Constitution ou pas, le niveau des fonds structurels européens dont bénéficient La Réunion court le risque de diminuer.
Du dernier Sommet européen réuni les 22-23 mars derniers à Bruxelles, on a surtout retenu l’accord intervenu à propos du Pacte de stabilité et la promesse d’une réécriture de la directive Bolkestein. Mais au cours du conseil, le président en exercice, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a présenté aux 25 chefs d’État et de gouvernement, les principales données en vue de tracer les perspectives financières pour l’Europe sur la période 2007-2013. Après la réforme du Pacte de stabilité et avec la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, la définition d’une politique financière européenne pour les années 2007-2013 est le troisième point sensible auquel la présidence luxembourgeoise doit contribuer à trouver une solution. C’est en juin que Jean-Claude Juncker présentera un projet de compromis.
Car pour l’heure, rien n’est joué.
Deux options s’opposent.
D’un côté la Commission de Bruxelles qui souhaite que les dépenses se montent à 1,14% du Revenu national brut (RNB) communautaire en moyenne, contribuent à hauteur de 1,24% de leur Produit intérieur brut (PIB) tandis que huit États-membres (dont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Pays-Bas, la Suède, et l’Autriche) demandent un plafonnement à 1% du produit brut de l’Union. Les trois quarts du budget européen sont absorbés par la Politique agricole commune (PAC), chère à la France, et les aides aux régions, principalement envers les plus défavorisées de l’UE. Le rapporteur au Parlement européen, le conservateur allemand Reimer Boege, a adopté une position proche de la Commission. La semaine dernière, il a proposé un chiffre de 1,10% et a jugé le volume de crédits accordé à l’agriculture "disproportionné".
La question du niveau auquel il faudra fixer les dépenses est capitale car elle détermine le niveau de la contribution de chaque État-membre.

Un compromis en juin

La présidence luxembourgeoise devra donc trouver un compromis et le présenter en juin. Faute d’accord, l’Union serait bloquée.
Si ce premier problème est réglé, il faudra en solutionner d’autres : la définition de ce que les 25 souhaitent faire, le choix des priorités en quelque sorte ; la répartition des dotations, les modalités de gestion et de distribution des fonds. Il restera aussi à trouver un accord sur les recettes, c’est-à-dire le niveau de contribution de chaque État-membre. Ce n’est qu’au bout de ce long processus que l’on saura réellement quelle politique financière sera celle de l’UE pour les années à venir. La pression est forte pour qu’elle ne dépense pas plus de 1% du Produit intérieur brut et qu’elle réoriente vers d’autres domaines ses actions.
Ainsi, la nécessité de trouver des moyens financiers pour faire face aux déséquilibres de développement entre les anciens et les nouveaux États-membres a été élevée au rang de principe par la Commission. Autant de perspectives qui laissent entendre que le niveau des fonds européens que l’Union verserait à La Réunion diminuerait.
D’une manière générale, la France serait globalement perdante pour la période 2007-2013. Son agriculture devrait le plus pâtir de la baisse prévisible des aides. Le chef de l’État qui avait prévu d’organiser le référendum sur le projet de Constitution, a fini par le précipiter et le fixer au 29 mai, c’est-à-dire avant que le compromis sur les perspectives financières 2007-2013 soit connu.

J. M.


La droite européenne

Pour une limitation des dépenses à 1%

La question de la politique financière de l’Union pour la période 2007-2013 est une forte préoccupation au sein des instances de l’UE. La Commission a fait connaître en décembre dernier sa position. Avant-hier, mercredi, le Comité du Développement régional et le Comité des Régions ont organisé une conférence commune sur le thème de la future cohésion européenne et son financement. Lundi, les présidents de Groupes PPE (Parti populaire européen) du Parlement européen auquel adhérent les élus de l’UMP ont tenu un “sommet” consacré à la question des finances de l’Union 2007-2013 et sur la relance de la compétitivité européenne.
Le communiqué diffusé à l’issue de cette réunion indique que le “sommet” souhaite "que le Conseil européen de juin, qui clôturera la présidence luxembourgeoise de l’Union, parvienne à un accord sur ce sujet essentiel".
Il ajoute : "le budget européen, qui avec un peu plus de 1% du PIB des États membres, reste modeste et parfaitement maîtrisé, doit être adapté pour faire face à deux défis essentiels.
Premier défi, réussir l’élargissement, et permettre aux dix nouveaux pays membres de faire aussi bien que l’Espagne ou l’Irlande, grâce aux efforts de solidarité de l’Europe : c’est l’intérêt bien compris des 25. Deuxième défi, réduire la dette de l’Europe, pratiquer une "éthique du désendettement" en faveur des générations à venir, et faire les efforts d’innovation nécessaires pour rendre l’Europe plus compétitive dans le monde, donc créatrice d’emplois et de richesses".
La droite européenne - et donc l’UMP - est pour une limitation des dépenses de l’UE à 1% du produit brut de l’Union. Elle propose comme priorités financières : la réussite de l’élargissement et la réduction de la dette de l’Europe pour rendre celle-ci "plus compétitive".
Une orientation qui fera naître des inquiétudes dans les DOM quant au maintien du niveau des aides européennes qui leur sont attribuées.


Faute de compromis

Les régions défavorisées pénalisées

Au cours d’une conférence de presse donnée avant-hier à Bruxelles, la commissaire européenne au Budget, Dalia Grybauskaité, a demandé avec insistance aux 25 États-membres de l’Union de parvenir à un accord en juin sur le futur budget communautaire 2007-2013. Sinon, les programmes d’aides aux régions défavorisées pourraient êtres compromis. "S’il n’y a pas d’accord en juin, seules les dépenses agricoles et administratives pourront être exécutées car il faut entre 12 et 18 mois pour fournir une base légale aux nouveaux programmes (...) Ce qui souffrirait le plus serait la politique régionale", a-t-elle déclaré.
Mme Grybauskaité a apporté quelques précisions sur les orientations budgétaires souhaitées par la Commission. Elle a rappelé que Bruxelles propose de fixer sur la période le plafond des dépenses (en crédits de paiement) à 1,14% du Revenu national brut (RNB) communautaire en moyenne, soit 928 milliards d’euros tandis que 8 pays dont 6 contributeurs nets aux finances de l’UE (Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Autriche) réclament un plafonnement à 1% du RNB. "Les négociations finales se feront à 25", a tenu à affirmer Mme Grybauskaité, qui a souhaité une "solution médiane" mais sans préciser laquelle.


An plis ke sa

Dix sur dix pour le “non”
Selon un sondage TNS-Sofres-Unilog pour “Le Monde” paru hier dans les colonnes du journal parisien, le “non” l’emporterait avec 53% des suffrages à propos du référendum sur la ratification du projet de Traité constitutionnel européen. C’est le dixième sondage consécutif depuis la mi-mars qui place le “non” en tête.
Pour les analystes, la proportion des avis favorables à la ratification diminue partout, en particulier chez les personnes qui se sentent proches des opinions progressistes.
Dix sur dix pour le “non” : le signe révélateur d’une lame de fond qui prend de l’ampleur.


Pour le “oui”, certains sont prêts à faire voter les morts

Le 25 mars dernier, “l’Humanité” affichait son indignation au sujet du détournement d’une photo d’un discours du fondateur de ce journal. En effet, la Direction du PS a fait éditer une affiche où, aux côtés de Jean Jaurès prenant la parole, le drapeau rouge des meetings de la SFIO d’avant la Première guerre mondiale est remplacé par le drapeau de l’Union européenne. Une instrumentalisation d’un illustre défenseur des plus démunis, pour tenter de faire croire que si Jean Jaurès était vivant, il voterait pour le projet de traité.
Mêmes méthodes chez les partisans UMP du “oui”. Pas plus tard que mercredi, le député UMP, Patrick Ollier, a affirmé dans “Le Parisien” que le Général de Gaulle serait "dans le camp du “oui”" à la Constitution européenne.
Patrick Ollier a été aussitôt remis en place par un autre député UMP, Nicolas Dupont-Aignan. Ce dernier a affirmé qu’"utiliser le gaullisme pour inciter à voter “oui”, c’est indigne".
Alors qu’il reste un peu plus de 50 jours avant le vote, certains partisans du “oui”, au lieu d’élever le débat, n’hésitent pas à faire voter les morts.


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