Rappel de quelques éléments historiques

Catalogne : de l’autonomie à l’indépendance

13 octobre 2017, par Christine Gillard

Les évènements du 1er octobre 2017 survenus en Catalogne ont mis un coup de projecteur sur l’organisation territoriale de l’Espagne, si mal connue des citoyens européens et du voisin si proche qu’est la France. Pour comprendre la demande d’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, et la réaction du gouvernement de M. Rajoy, il convient de rappeler quelques éléments historiques.

La Catalogne (Royaume de Catalogne et d’Aragon) a perdu ses privilèges au 18e siècle avec l’avènement des Bourbons au trône d’Espagne. Le mouvement autonomiste renaît à la fin du 19e siècle comme mouvement littéraire et politique, soutenu par la bourgeoisie industrielle et d’affaire. Contrairement au Pays Basque, le catalanisme alors n’est pas séparatiste. La Catalogne, région la plus industrialisée d’Espagne et donc la plus riche, revendiquait une autonomie de gestion au sein de l’État espagnol.

Un premier projet d’autonomie voit le jour en 1919 mais la Catalogne obtient pour la première fois un statut d’autonomie en 1932 après la proclamation de la 2e République le 14 avril 1931. La Constitution républicaine reconnaissait les peuples qui composaient l’État espagnol et en particulier prévoyait d’octroyer un statut d’autonomie à la Catalogne et au Pays Basque. Ce qui fut fait pour la Catalogne mais le coup d’État militaire franquiste du 18 juillet 1936 a mis un terme au processus ; l’Espagne franquiste ne reconnaissait qu’un seul peuple, le peuple espagnol, et faisait de l’Espagne un Etat/Nation : « España Una Grande Libre », interdisant l’usage des langues régionales.

Autonomie et enseignement en catalan

La monarchie parlementaire qui succède au Franquisme reconnaît dans la Constitution de 1978 les différents peuples qui composent la nation espagnole et réorganise le territoire en 17 communautés autonomes, mettant en place un lent processus de transfert de compétences. En principe toutes les compétences peuvent être transférées à l’exception de l’armée et de la monnaie. Les limites administratives des Communautés autonomes sont déterminées par un ensemble de traits communs historiques, culturels et linguistiques. La Catalogne et le Pays basque sont les deux territoires dont l’identité est incontestablement très forte sur les trois plans. La richesse économique se concentre essentiellement en Catalogne avec un réseau important de grandes entreprises mais aussi de PME. C’est pourquoi elle demande le maximum possible de transferts de compétences, sans toutefois toutes les obtenir de la part de l’Etat, alors que certaines Communautés autonomes sont obligées de rester dans le giron de l’Etat.

La langue catalane est le fer de lance de la catalanité. C’est pourquoi la Generalitat met en place l’enseignement en Catalan, considéré nécessaire pour intégrer la très nombreuse main-d’œuvre provenant des diverses régions d’Espagne. Elle se préoccupe donc, non seulement de sauvegarder la langue catalane et de permettre sa diffusion au sein de la communauté catalanophone mais aussi d’éduquer dans la langue et la culture catalanes les enfants nés sur le territoire de parents non catalanophones ou arrivant en cours de scolarité. Tous les enfants sont enseignés en catalan avec des cours de castillan ; c’est un système d’immersion. L’objectif est double : maintenance de la langue catalane et bilinguisme catalan/castillan.

Pendant les divers gouvernements du socialiste Felipe Gonzales, le processus d’autonomie suit son cours.

Le rôle du Parti populaire

Une rupture apparaît quand le Parti Populaire remporte les élections pour la première fois depuis la mort du dictateur ; José Maria Aznar, chef du parti, devient chef du gouvernement en 1996. Le Parti Populaire (PP) fondé en 1989 est un parti de droite, conservateur, avatar de l’Union Populaire, fédération créée en 1976 par des personnalités du régime franquiste. Aznar forme difficilement son gouvernement après des négociations avec les petits partis nationalistes. Très vite cependant les bonnes relations avec les partis nationalistes se dégradent. Lors du retour au pouvoir du Parti Socialiste en 2004, un nouveau statut des autonomies est mis en chantier très favorable à la Catalogne, en particulier concernant la langue ; il est approuvé par référendum en 2006 mais le Parti Populaire entame des recours auprès du Tribunal Constitutionnel contre le statut de la Catalogne.

Le Tribunal constitutionnel, dont bon nombre de membres sont proches du PP, annule en juin 2010 des pans entiers du nouveau statut des autonomies, affaiblissant la politique linguistique d’immersion. Dans son rapport il refuse que le catalan soit langue des administrations et qu’il ait une préférence sur le castillan. La réaction populaire est immédiate ; des milliers de Catalans défilent le 10 juillet 2010 à Barcelone.

Rupture du contrat de confiance

Le Parti Populaire revient au pouvoir en 2011. En 2012 le ministre de l’Éducation, José Ignacio Wert, très marqué à droite, commence un bras de fer avec la Catalogne. Il entend renforcer le contrôle sur l’enseignement afin « d’espagnoliser les élèves catalans ». Le projet prévoit, entre autres, de créer des écoles de langue castillane, sans épreuve de catalan au baccalauréat.

En 2014, le président calalan Artur Mas convoque pour le 9 novembre une consultation d’auto-détermination. Il s’est tenu mais a été déclaré nul par le Tribunal constitutionnel saisi par le gouvernement de Manuel Rajoy (PP). Deux questions étaient posées : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un état ? » « Dans le cas d’une réponse affirmative, voulez-vous que cet état soit indépendant ? » Le oui l’a emporté avec 80,76 % des voix avec 41 % (environ) de participation.

Le référendum du 1er octobre 2017 s’inscrit donc dans une opposition idéologique entre le parti conservateur, héritier du centralisme franquiste – Espagne Une – et les tenants d’une auto-gestion de la Catalogne.

Le statut d’autonomie qui répondait aux aspirations de la population était basé sur un contrat de confiance. Celui-ci a été rompu en 2010. C’est alors que le séparatisme - absolument pas historique – est apparu comme une solution pérenne.

Christine Gillard
Maître de conférences

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  • il n y pas d’autonomie sans indépendance réelle. et puis,l’Andalousie comme les autres régions espagnoles aspire à une indépendance de leur région qui est différente d’une autonomie ; car il s’agirait d’un budget propre aux ressources de la région et une relation rayonnante avec l’international et puis toutes ces régions sont en Europe qui devrait les inclure au sein de l’union européenne. il y a une démocratie à l’européenne qui vaut pas comme en Irak ou dans le Rif marocain...les gens sont désorientés par une présence d’une politique archaïque suivie par Bagdad ,par Rabat...Puigdemont, ne doit pas reculer devant Madrid car pour la simple raison , les catalans ne sont pas des simples cobaye ;il y a une démocratie populaire qui s’est exprimée , il faut en tenir compte. Dit autrement, un peuple qui se révolte ,c’est un peuple qui souffre et a le droit de s’exprimer , comme les suisses font cela nd’une façon, régulière !


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