Beau meeting pour le “non”, hier à la salle Candin

’Ce traité ne verra pas le jour’

29 avril 2005

La salle était comble, hier soir, à la salle Candin à Sainte-Clotilde. En présence d’Henri Emmanuelli, les partisans réunionnais du “non” à la Constitution européenne ont fermement expliqué pourquoi le vote devra être “non”.

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"Je ne signe pas un texte que je ne comprends pas", déclarait Henri Emmanuelli, lors de son passage sur Antenne Réunion. La salle Candin est branchée sur la chaîne, et l’assemblée profite en avant-goût des propos de l’élu socialiste français, en campagne sur notre île. Henri Emmanuelli bat campagne pour le “non” à cette Constitution européenne, à cette Europe antisociale proposée par les plus nantis européens. "On veut nous proposer un modèle qu’on ne veut pas nous présenter directement", explique-t-il. La voie référendaire est un leurre.
Le responsable politique français en est convaincu. "Une Constitution ne doit être ni de gauche, ni de droite", note Henri Emmanuelli, qui déplore le manque flagrant de neutralité dans ce choix historique. Le temps qu’Henri Emmanuelli quitte le technopôle, il trouve une assemblée chaleureuse, qui l’accueille sous les applaudissements. Tous sont, dans la salle, "des Européens convaincus", note Guy Ratane-Dufour (MGER), qui ouvre le meeting.
Plusieurs fois, il sera rappelé que voter “non” n’est pas voter contre l’Europe. C’est peut-être un acte courageux, pour faire barrage à l’offensive des capitalistes européens. Philippe Azéma (MARON) note quant à lui que, "dans le collectif "apolitique" pour le “oui”, il y a beaucoup de patrons, pour qui il y a tout intérêt d’installer le libéralisme. Le “oui” que l’on vous demande, c’est le “oui” du patronat".

Comment voter pour une Europe sociale ?

"Votez “non”", répond Ivan Hoareau, secrétaire général de la CGTR. Il fustige dans son discours tous ceux qui "font dans l’angélisme". Il déplore notamment "cette volonté d’infantiliser les Réunionnais", par le catastrophisme par exemple. Pour le syndicaliste, il est maintenant temps de répondre à ces attaques européennes. Et c’est le cas de le dire. L’Organisation mondiale du commerce vient de donner raison au Brésil, à l’Australie et à la Thaïlande dans le litige qui les opposait à l’Europe, principalement ses pays producteurs de sucre. La Réunion est ô combien concernée. Coup dur pour les nombreux planteurs réunionnais. La filière-canne ne sera plus autant soutenue qu’auparavant par l’Europe, cela pour faire jouer une concurrence “non” faussée. Quand on sait que la directive Bolkestein propose de faire jouer ce type de concurrence dite libre dans les frontières de l’Europe, on comprend pourquoi les partisans du “non” tirent la sonnette d’alarme, appelant à plus de concertation avec les peuples. Aujourd’hui, on sait que le chômage touchera encore plus de malheureux.
Wilfrid Bertile, de l’Union des démocrates socialistes de La Réunion (UDSR), demande une lecture attentive de la copie. "Cette Constitution n’est pas une Constitution", déplore-t-il, à peine un copier-coller. "Nous voulons une Europe (...) responsable devant les peuples, et non pas une Europe qui ne veut rendre compte de rien", poursuit-il.
C’est donc un vote important pour l’avenir de l’Europe qui se dessine. Dans un mois, nous aurons tout intérêt à voter “non”, "pour stopper la politique économique ultra-libérale" explique Éric Delorme, président de Priorité Socialiste Réunion (PSR), qui regrette cependant que "la politique du gouvernement [soit] liée à l’Europe". Les orateurs le diront presque tous, c’est aussi un moyen de sanctionner la politique du gouvernement. L’heure est donc venue de "donner une leçon de démocratie aux responsables politiques locaux et français", scande Alain Armand, sous les applaudissements de l’oratoire. "Nou pé pa mèt la kord dan nout kou, é dir ral desù", poursuit-il. Les Réunionnais ne seront pas crédules.

Allons fermer la porte au libéralisme

"Petit père Fruteau, Grand papa Jospin, nou la pa besoin persone pou travèrs la rivièr. Nou vé Lérop, mé pa la Constitution", déclare Pierre Vergès, encore sous les applaudissements de l’assemblée. Il indique que d’ici deux ans, en votant “non”, la majorité, cette fois-ci sociale, pourra renégocier cette mauvaise copie. Aujourd’hui, il faut réagir. La rue ne gouverne peut-être pas, mais elle vote, et peut le faire efficacement. Avant de céder la parole à l’élu socialiste français, Pierre Vergès appelle à lutter, à contribuer "à fermer la porte au libéralisme".
Henri Emmanuelli note quant à lui que la Constitution, telle qu’on nous la présente, "est une curiosité", autant la Constitution que la concertation, disons plutôt ce semblant de consultation. Le chef de l’État risquerait de passer outre le choix des Français, au cas où le “non” l’emporterait. Pourquoi donc faire appel au mode référendaire ? En tous cas, il pressent une situation bien plus catastrophique si le “oui” gagnait. Il constate déjà le chantage auquel se livre certains grands patrons, Thomson et Bosch par exemple, qui menacent de délocaliser si les employés n’entrent pas dans leur jeu.
La directive Bolkestein propose quant à elle de "lâcher les pauvres contre les pauvres". Cette directive, quoique l’on dise, n’est pas retirée. Elle sera examinée après le référendum (comme par hasard). Cette Europe-là, celle dont la copie mérite fortement d’être revue, emploie dans sa Constitution 172 fois "concurrence non faussée", synonyme selon plusieurs intervenants de condamnation des services publics, suppression des subventions aux entreprises, même celles en grande difficulté. "Ce traité ne verra pas le jour", lance-t-il, notant par ailleurs que la Hollande et la Pologne risquent bien de ne pas signer une telle ignominie.
Ce soir, c’est à Saint-Louis que vous retrouverez Henri Emmanuelli pour un autre meeting pour le “non”.

Bbj


Rencontre avec Jean-Hugues Savigny, secrétaire fédéral du P.S. et partisan du "non"

"Du baume au cœur pour ceux qui ont mal à leur parti"

Il y avait des militants de la Fédération de La Réunion du Parti socialiste hier soir dans la salle Candin. Nous avons même rencontré un responsable fédéral. Membre du secrétariat du PS, Jean-Hugues Savigny est chargé des relations avec Paris et de diverses études ; nous avons voulu savoir ce qu’il pensait de la prise de position d’Henri Emmanuelli.
"C’est une bonne chose" nous répond-il, "d’après la lecture des sondages locaux et nationaux, c’est une position conforme à celle de l’électorat socialiste. C’est plutôt rassurant pour ce qui peut se produire au lendemain du 29 mai. C’est bien qu’il y ait des socialistes en phase avec l’électorat."
Il se réjouit également qu’Henri Emmanuelli parle pour le prochain congrès socialiste d’un "nouvel Épinay" (du nom de la ville où a eu lieu le congrès fondateur du nouveau PS avec François Mitterrand), un programme commun à gauche pour la recherche d’une unité socialiste : "c’est ce que je recherche comme de nombreux socialistes", nous dit Jean-Hugues Savigny.
Lui qui avait déclaré avoir "mal à son parti" nous confiait hier soir "ça me fait un peu moins mal. Il ne s’était pas positionné publiquement, c’est une grande bataille, ça me met un peu du baume au cœur. "
Bien qu’il ne s’aligne pas sur le "oui" du PS, Jean Hugues Savigny reste au secrétariat fédéral du PS. "Je n’ai pas l’impression que les militants se mobilisent pour le “oui”."

Eiffel


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