Centre de rétention de Mayotte : territoire de non-droit

12 juillet 2008

Immigration. Un rapport officiel, très critique, sur le centre de Pamandzi parle de « déni de dignité accepté par la puissance publique à l’encontre de personnes en situation précaire ».

Saisie le 7 décembre dernier par la sénatrice communiste Nicole Borvo, et la veille par le député UMP Étienne Pinte, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a enquêté sur les « conditions d’accueil et d’hébergement » dans le Centre de Rétention Administrative (CRA) de Mayotte. Elle a récemment rendu ses conclusions. Lesquelles s’avèrent accablantes. Tant en ce qui concerne le CRA lui-même que l’événement ayant provoqué cette démarche : le naufrage, durant la nuit du 3 au 4 décembre 2007, d’une embarcation de fortune transportant une quarantaine de “clandestins” en provenance de l’île voisine d’Anjouan. Les 26 rescapés de la catastrophe, dont un enfant d’un an et 5 adolescents, étaient placés au centre de Pamandzi. Construit en 1995, celui-ci « est composé de bâtiments vétustes de type Algeco, il comprend 3 grandes pièces pour les retenus, sans lit, les personnes sont allongées sur de pauvres nattes qui recouvrent parfois un sol en béton brut dégradé. Les sanitaires sont composés de 4 douches et 6 WC, communs aux hommes et aux femmes, l’état de ces équipements est pitoyable ».
Les dispositions de l’ordonnance du 26 avril 2000 relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte « ne sont pas appliquées ». Pas de cour de promenade, ni aucun contact avec une association reconnue ayant pour objet la défense des droits des étrangers.
La Cimade, alertée par un naufragé hospitalisé, a demandé à entrer en contact avec les rescapés retenus au CRA ; « sans que cela lui ait été formellement refusé par le directeur de la Police aux frontières, dans les faits, cela fut impossible ». Quant à l’Agence Nationale de l’Accueil des Étrangers et des Migrations (ANAEM), ayant passé une convention avec l’État pour être présente dans tous les CRA, elle « n’est pas présente à Mayotte » !
Pamandzi avait été conçu pour regrouper une soixantaine de personnes. Cette capacité théorique « est très régulièrement dépassée pour atteindre 80 à 90
+ personnes. Ce nombre peut s’élever à 200, voire 220 personnes, lorsque plusieurs kwassa-kwassa
(les embarcations de fortune - NDLR) sont arraisonnés pendant la nuit ou que le gouvernement du pays de destination refuse le débarquement des personnes expulsées ». Commentaire formulé par le chef de centre : « Cette situation est ingérable à la fois pour les fonctionnaires qui y travaillent et pour les personnes retenues ». Il précise avoir proposé à plusieurs reprises des aménagements, « sans réponse de la Préfecture »...
Les autorités évoquent de « supposées traditions ancestrales » pour justifier l’absence de lits ou de couverts à la disposition des retenus, relève le rapport, qualifiant cet argument « d’irrecevable ». La commission se déclare en particulier « très préoccupée par la présence d’enfants en attente d’expulsion. Cette situation, contraire à la réglementation française et internationale (interdisant le placement en rétention des mineurs - NDLR), porte gravement atteinte à l’intérêt supérieur des enfants ».
De façon générale, conclut le document, la commission « condamne une organisation qui soumet chaque fonctionnaire à une grande pression, tout en engendrant une zone de non-droit, où le déni de dignité est accepté par la puissance publique à l’encontre de personnes en situation précaire. (Elle) estime que le CRA de Mayotte est indigne de la République »...

Jean Chatain, L’Humanité


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