Famine au Niger : un dossier paru dans “l’Humanité” - 3 -

Chaque gramme gagné est une victoire

1er août 2005

Visite du centre de Médecins sans frontières (MSF), à Tahoua, où les enfants réapprennent à s’alimenter. Un article paru dans “l’Humanité” de mercredi dernier, les intertitres sont de “Témoignages”.

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Ramatou à cinq ans et pèse 9 kilos. Ses bras et ses jambes font à peine quelques centimètres de diamètres et ses grands yeux aux cils interminables expriment les souffrances de son corps. Elle est arrivée la veille avec sa mère au Centre de rééducation et d’éducation nutritionnelle intensive (CRENI) que l’organisation humanitaire Médecins sans frontières a ouvert le 16 juin dans la ville de Tahoua, au centre du Niger. Comme elle, ils sont près de 150 gamins dont l’état de malnutrition a nécessité une hospitalisation d’urgence. Sous la grande tente blanche qui accueille les cas les plus graves, une vingtaine d’enfants aux membres décharnés gisent sous les yeux de leurs mères. Affaiblis par le manque de nourriture, "ils attrapent toutes les maladies qui passent", explique Hassia, l’une des infirmières. Paludisme, diarrhée, pneumopathie et autres augmentent encore leur vulnérabilité, au risque de les entraîner vers la mort. Ceux-là n’arrivent même plus à se nourrir. "Pour leur réapprendre, on leur donne du lait thérapeutique huit fois par jours", indique le docteur Michel Rasolonirina. Et chaque gramme gagné est une victoire. Issiaka Abdou, le responsable de terrain qui supervise l’équipe de Tahoua, regarde avec satisfaction la fiche d’un petit garçon de quatre mois. En deux jours, il est passé de 2,4 à 2,5 kg.

Mille enfants suivis

À en juger par la manière dont la petite Sibilla attrape le sein de sa mère, elle, au moins, a réappris à manger. Ses membres sont encore tous maigres, mais le goût de la vie semble avoir repris le dessus. D’ailleurs, dans les deux tentes qui abritent les enfants en phase de récupération, règne une ambiance de village. À l’heure du repas, les femmes discutent, blaguent, leurs petits dans les bras. Ici, les enfants sont passés à six repas par jours.
Lait thérapeutique et Plumpynut, un aliment miracle pour la malnutrition composé de lait et d’arachide, constituent l’alimentation quotidienne. Le temps de récupération peut varier. Certains enfants restent là un mois, d’autres sont en état de sortir au bout de quelques jours. Une fois sortis du centre, les enfants rejoignent le programme ambulatoire d’où sont orientés d’office ceux dont l’état ne nécessite pas d’hospitalisation. Près de mille enfants sont ainsi suivis à travers sept cités ambulatoires où les médecins passent une fois par semaine pour effectuer les pesées, prodiguer les soins et fournir aux familles les aliments nécessaires pour eux et leurs enfants. (...)

La majorité des enfants sauvés

Le système permet de sauver la majorité des enfants. "Mais quand ils arrivent trop tard, quand ils sont trop affaiblis, on les perd", se désole le docteur Rasolonirina. Pour l’instant, c’est 2% de près de 1.300 enfants qui ont ainsi perdu la vie. Mais, à MSF, on s’inquiète de voir depuis deux semaines les courbes d’admission de nouveau monter en flèche. Les travaux des champs sont terminés et on entre au cœur de la période de soudure, avec tous les risques que cela comporte. D’autant que, malgré les promesses des uns et des autres, aucun programme ne s’occupe des cas les moins graves qui, faute de soins, pourraient à leur tour basculer dans la malnutrition sévère. L’avenir proche inquiète Issiaka : "On est déjà débordé. Ce qu’on souhaiterait, c’est que d’autres organisations s’impliquent pour créer un deuxième centre de soins pour les mal nourris et prendre en charge les modérés".


Rôle clé des assistantes maternelles

"Je suis très contente qu’il aille mieux maintenant". Maïma, environ vingt-cinq ans, a laissé glisser sur son épaule sa large robe de tulle colorée pour la tétée du petit Issoufou. "Quand il est arrivé, il avait tout, des diarrhées, de la fièvre, des vomissements, je croyais qu’il allait mourir".
En un mois, Maïma a repris espoir au fur et à mesure qu’elle a vu son petit reprendre du poil de la bête. Un espoir essentiel au rétablissement des enfants.
"Elles savent qu’elles ont un rôle à jouer", explique le docteur Rasolonirina. "Parfois, elles sont découragées, mais quand elles voient un enfant qui sort au bout de quelques jours, elles voient que ça peut marcher et elles sont contentes".
Pour les aider à nourrir leurs bébés conformément aux impératifs d’un traitement médical pas toujours évident à comprendre, MSF a embauché des Nigériennes qui servent d’assistantes nutritionnelles.
Elles passent parmi les femmes, discutent et se livrent quotidiennement à "des séances de causeries". Mais si les questions techniques demandent des explications pour ces femmes de milieu rural, majoritairement illettrées, et dont les contacts avec le milieu médical ont souvent été jusque-là limités, elles font tout leur possible.
Certaines ont fait des kilomètres pour venir faire soigner leurs enfants.
D’autres ont tenté, avant l’existence du centre MSF, de trouver l’argent nécessaire pour payer les soins dans le système médical nigérien. Une gageure quand on sait qu’une consultation dans le système local peut coûter jusqu’à 1.000 francs CFA.


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