Meeting pour le “non” à saint-Benoît samedi dernier

Choisir la résistance et la dignité le 29 mai

17 mai 2005

La visite de la députée guyanaise Christiane Taubira s’est clôturée samedi devant une salle comble à Saint-Benoît. Les différents intervenants ont rappelé les dangers pour l’Outre-mer des mesures prévues dans le Traité constitutionnel. L’occasion aussi de rappeler ce que les départements d’Outre-mer apportent à l’Union européenne.

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C’est devant une salle comble - plus de 500 personnes (430 chaises occupées) - que les représentants de plusieurs formations politiques ou associatives et un représentant syndical se sont exprimés samedi au Bouvet. Nous devons à la présence de Christiane Taubira, la députée guyanaise, ce rassemblement pour le “non” qui clôturait ses trois jours de visite dans notre île.
Jean-Dominique Atchicanon, responsable de la Coordination du “non” à Saint-Benoît, a présenté les porte-paroles des diverses formations qui allaient se succéder sur l’estrade. Yves Gigan, représentant la Coordination Est pour le “non”, a tout d’abord évoqué les problèmes d’emploi à Saint-Benoît et notamment ceux qui ont suivi la fermeture de l’usine de Beaufond, et de l’hôtel Harmoirie. L’Europe du Traité, pour Yves Gigan, porterait préjudice à l’agriculture dans une région comme celle de Saint-Benoît déjà éprouvée par les licenciements des salariés de la SANE.
Sur l’estrade, ont successivement pris la parole : Éric Delorme pour PSR ; Yoga Thirapati pour ATTAC ; Philippe Azéma pour MARON ; Éric Soret pour la FSU ; Jean-Hugues Ratenon pour “Agir pou nou tout” ; Pierre Vergès pour le PCR ; Christiane Taubira, députée guyanaise.
Chaque intervenant a exposé son approche critique du Traité pour une Constitution européenne en fonction des particularités de sa formation politique ou associative, mais on retrouvait cependant chez tous les intervenants les grands thèmes qui rassemblent les opposants au Traité : dérive ultralibérale de ce texte et danger pour la cohésion sociale, propos mensongers des tenants du “oui” et menace sans cesse répétée de ces mêmes partisans d’une catastrophe sans pareil en cas de victoire du “non”.
C’est, comme l’a rappelé Éric Delorme, une Europe des plus forts et du capitalisme que l’on nous propose. Les partisans du “oui” oseront-ils encore contester l’orientation libérale du Traité alors que, comme le fait remarquer Pierre Vergès, en présence d’un Jean-Claude Fruteau silencieux sur un plateau de télévision, Ibrahim Dindar a pu poser cette ahurissante question : "Pourquoi insulter le libéralisme ?"
Yoga Thirapati a ainsi rappelé que nous vivions dans un pays où chaque citoyen paye un impôt sur tout ce qu’il achète, où six millions sont pauvres alors que les revenus d’une minorité ne cessent d’augmenter, un pays où dix points de PNB (de richesse intérieure) sont sortis, depuis Maastricht, de la poche des travailleurs pour aller dans celle des patrons ; tout cela a un nom : la logique ultralibérale.

Logique ultralibérale

Les conséquences de cette dérive sont inscrites dans le texte-même de la Constitution :
"On en vient à mettre sur un même plan marchandises et citoyens", a souligné Philippe Azema en se référant à l’article I-4- du Traité et d’ajouter qu’on nous demande de voter pour tout autre chose qu’une Constitution.
La priorité, dans ce texte, c’est la lutte contre l’inflation et non pas celle contre le chômage a rappelé Éric Soret qui a ajouté que "le terme “banque” figure 176 fois dans le traité, celui de “marché” 78 fois, celui de “concurrence” 174 fois, celui de “progrès social” 3 fois et celui de “fonction publique” une seule fois". Pour lui, ce traité complète les propositions de l’AGCS (Accord général sur le commerce des services) et dévalorise la fonction publique.
"Ce traité ne va pas dans le sens d’une cohésion sociale, celle qui a poussé les travailleurs à voter “oui” à Mitterrand en 1981 contre Giscard, principal responsable de ce texte", a fait remarquer Jean-Hugues Ratenon.
Les intervenants ont tous fustigé les partisans du “oui” qui menacent la population des pires maux si le “non” l’emporte alors que Jacques Delors vient d’avouer que des renégociations étaient possibles.
En termes précis, Pierre Vergès, s’appuyant sur l’exemple d’un élu de l’Ouest, ancien président du Conseil général, a dénoncé les propos mensongers des partisans du “oui”, notamment en ce qui concerne l’économie réunionnaise, en rappelant que 10%, et pas plus, de crédits européens participent à la Route des Tamarins.
L’insulte, pour Pierre Vergès, c’est celle qui est faite au peuple quand on lui donne un texte illisible, que l’on demande à la population de le comparer au Traité de Nice que personne n’a lu et que personne ne possède. Il a repris, comme plusieurs intervenants, la phrase provocante et humiliante de Jean-Claude Fruteau : "Donn pa in kou d’pié dan out z’assiette mangé", en a appelé à la dignité des Réunionnais et les a encouragés à persister dans leur volonté de voter “non”.

Les DOM fiers de ce qu’ils offrent

Le meeting s’est terminé par l’intervention de Christiane Taubira, chaleureuse et émouvante qui s’est longuement attardée sur l’apport des départements d’Outre-mer à la Métropole et à l’Europe, avec notamment leur richesse pluriculturelle exemplaire et plus concrètement pour la Guyane, le don d’un site unique pour l’aérospatiale : la base de Kourou.
Les DOM peuvent être fiers de ce qu’ils représentent en offrant à la France une ouverture sur le monde dans tous les océans. Christiane Taubira a aussi évoqué la lutte des populations des DOM pour l’abolition de l’esclavage et leur courage face à la misère. "Ce que nous voulons", a-t-elle ajouté, "c’est une autre Europe que celle de ce traité, une Europe qui retrouverait ses principes d’égalité, de justice et de liberté, une Europe qu’il faut ramener dans le droit chemin". Pathétique sans excès, elle a clôturé son discours d’espoir par quelques vers du poète Léon Gontran Damas qui illustrent parfaitement le message contenu dans le “non” au traité :
Grand comme un besoin de changement d’air,
Beau comme une rose,
Fort comme l’accent aigu d’un appel dans la nuit longue.

Françoise Hamel

Christiane Taubira

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