Suite à la démission des élus indépendantistes UNI et UC-FLNKS et Nationalistes

Chute du gouvernement en Kanaky

3 février 2021, par Mathieu Raffini

Les élus indépendantistes membres du gouvernement ont annoncé leur démission hier, marquant de manière institutionnelle la crise politique majeure que connait actuellement le pays.

Un acte fort

L’acte de démission réalisée hier par les élus indépendantistes issus de l’UNI et de la liste UC-FLNKS et Nationalistes mérite que l’on s’y attarde. En effet, la chute d’un exécutif local n’est jamais une chose anodine, et cela l’est encore moins lorsque l’on connait le rôle, la nature et les prérogatives du gouvernement de Kanaky.
Il n’est en rien comparable à la Région par exemple, car depuis sa création à l’issue des Accords de Nouméa, il exécute les délibérations et lois du pays votées par le Congrès, le parlement du pays. Ces lois sont particulièrement importantes, car à l’exception de celles régaliennes (la nationalité, la justice, la défense et la monnaie), l’ensemble des compétences dépendent non pas de la France mais de Kanaky et cela permet ainsi une grande autonomie au pays.
De plus, le gouvernement par sa composition est transpartisan, car il représente l’ensemble des forces politiques membres du Congrès, et se retrouve donc garant de l’unité du pays.
Le gouvernement qui vient de tomber était ainsi composé à la fois d’anti-indépendantistes comme d’indépendantistes.

Crise de l’Usine Sud

Cette démission des élus indépendantistes issus de l’UNI et de l’UC-FLNKS et Nationalistes est un symbole de l’importante crise que connait actuellement le pays, représentée par les tensions qu’ont connu les habitants de Kanaky au cours des derniers mois.
Faisant partie des explications données par les élus démissionnaires, la question du nickel et plus particulièrement de l’Usine Sud et de sa reprise ont ainsi polarisé l’ensemble des débats.
Cette usine, située à Prony dans le Grand Sud de la Province Sud et dont dépendent 3000 travailleurs subit le départ de son gestionnaire, la multinationale Vale .
Depuis août dernier, le collectif « Usine du Sud = Usine du Pays » (USUP) se bat pour trouver une solution permettant aux travailleurs de garder leur emploi, de trouver une option respectueuse de l’environnement et une offre de reprise, qui, à l’image de ce qu’il s’est passé dans les années 90 pour l’Usine du Nord donnerait l’actionnariat majoritaire aux provinces et pourrait ainsi permettre un retour des terres, des outils de production et des capitaux vers le pays, combattant ainsi la logique coloniale que connait Kanaky.
Ce collectif est composé du Sénat Coutumier (la coutume est une juridiction parallèle à celle dite de droit commun), des 8 conseils coutumiers, de l’Instance coutumière autochtone de négociation sur l’avenir de l’usine du sud (ICAN), des partis politiques (FLNKS dont sont issus l’ensemble des membres du gouvernement démissionnaires, MNSK, etc.) de l’USTKE ainsi que d’autres organisations et associations. Il y a ainsi depuis de nombreux mois à l’initiative du collectif une forte mobilisation pacifiste. Néanmoins, le mouvement étant notamment porté par des organisations Kanaks - qui sont en majorité indépendantistes - les loyalistes, c’est-à-dire les anti-indépendantistes ont appelé à la mobilisation contre ces derniers.
Cela a notamment entraîné de nombreux affrontements dirigés par le camp loyaliste au cours du mois de décembre où l’on a même pu les voir armés menaçant le collectif USUP. Des violences rarement vues dans en Kanaky depuis près de 40 ans et la fin des « Evènements ». Si les violences se sont heureusement apaisées depuis, les tensions restent vives sur la question du nickel et de l’Usine Sud. Pour tenter de les apaiser, le collectif USUP a sollicité l’Etat afin de les aider à mettre en place un plan transitoire pour l’Usine Sud, sollicitation restée pour l’instant sans réponse.

D’autres raisons pour la rupture

Cette question, toujours non résolue de l’Usine Sud est particulièrement symptomatique du contexte ayant amené les membres de l’UNI et de l’UC-FLNKS et Nationalistes à démissionner et à faire chuter par conséquent le gouvernement. D’autres questions citées par les groupes des élus démissionnaires se posent également pour le pays.
Ils se questionnent en effet sur son avenir, ce dernier étant actuellement dans l’impasse et l’immobilisme, ce qui a pour conséquence de nombreuses difficultés économiques et budgétaires, à la fois dues à des questions structurelles et aux conséquences économiques de la crise sanitaire mondiale. En effet, si le COVID n’a certes que peu touché la population grâce à la fermeture des frontières et la quatorzaine obligatoire à l’arrivée, il y a néanmoins des conséquences notamment dues à la limitation des échanges internationaux.
La question sociale est également soulevée, les inégalités restant par exemple particulièrement marquées entre les Européens (Caldoches et Zoreys) et les Kanaks du fait de la question coloniale.

La question de l’avenir institutionnel

Enfin, la dernière raison de cette crise qui agit également en corolaire de celles précédentes est l’avenir institutionnel du pays.
Un processus d’autodétermination, prévu dans le cadre des Accords de Nouméa est en effet actuellement en cours.
Le 4 octobre dernier les citoyens de Kanaky ont ainsi pu se prononcer pour leur volonté ou non d’indépendance pour la 2e fois. Le non, majoritairement porté par les Européens s’est imposé à hauteur de 53.26% pour 46.74% en faveur du oui. Les Kanaks sont ressortis satisfaits du scrutin, le oui étant en effet en augmentation par rapport au 1er vote s’étant déroulé le 4 novembre 2018. Néanmoins, un dernier vote, qui pourra être demandé à partir du 4 avril doit toujours être organisé pour statuer définitivement sur l’évolution du statut du pays (indépendance, indépendance-association ou plus grande autonomie). Or les élus UNI et UC-FLNKS et Nationalistes constatent une absence de dialogue constructif avec l’Etat sur cette question, ce qui lorsque l’on prend en compte les tensions actuellement exacerbées rajoute encore des éléments à cette crise profonde que connait le pays.

Mathieu Raffini

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Messages

  • Votre texte est intéressant, clair, instructif mais aussi hélas, je pense trop long. Combien de réunionnais vont le lire, s’y intéresser même si nombre d’entre eux y sont partis s’y installer, vivre, travailler. Pas de chômage calédonien, on a besoin de main d’oeuvre. Ils y avaient introduit la canne, le café, le letchi, des mangues, le flamboyant, jacaranda, ananas Victoria, on les appelle "les Boudonnais" là bas.
    On ne comprend toujours pas pourquoi 3 référendums ont étaient prévus, enfin, c’est ainsi. espérons que le 3° et dernier sera la bon, sans arme ni violence, malgré les enjeux et le Covid. Il faut aussi préciser que la NC-Kanaky va vivre sa rentrée des classes ce mois-ci, pour cause d’été austral comme à la Réunion, en effet, placé sous la même latitude quasiment, le climat de ce TOM et du DOM Réunion sont quasiment sur le même parallèle. "Vivre ensemble", "Destin commun" sont plus qu’à la Réunion encore d’actualité en Kanaky. Un trésor à protéger, admirer, étudier, avec le plus grand lagon du monde ! Arthur.


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