Le traité de Lisbonne et la présidence française selon Margie Sudre et Denys Simon

Confirmation des incertitudes

1er avril 2008, par Edith Poulbassia

Traité de Lisbonne et présidence française. Deux événements européens que la CCIR a jugé nécessaires d’aborder tant l’avenir de La Réunion dépend des grandes décisions de l’Union Européenne. Margie Sudre, Députée européenne, et Denys Simon, professeur de Droit public à l’Université de La Réunion, étaient face à une assemblée composée pour une grande part d’étudiants de l’École de Commerce.

La CCIR (Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion) a pris l’initiative d’organiser un débat sur le Traité de Lisbonne ou « nouveau traité simplifié européen », ainsi que sur les enjeux de la présidence française de l’Union Européenne dès juillet.
Margie Sudre, Députée au Parlement européen, et Denys Simon, professeur de Droit public à l’Université de La Réunion, étaient invités pour répondre à une question essentielle : “Quelles conséquences ces deux événements majeurs auront-ils pour l’Outre-mer ?”. En ouverture du débat, le Président de la CCIR, Eric Magamootoo, a cité les grands enjeux à relever : la création d’emplois, le développement économique, le pouvoir d’achat, la démocratie, et plus spécifique à La Réunion, les APE (Accord de Partenariat Economique), l’Octroi de mer, l’Agriculture.

Et La Réunion ?

Une matinée ne pouvait suffire à faire le tour de la question. C’est surtout à un travail d’explication que se sont livrés les intervenants, tant le Traité de Lisbonne et le principe de présidence de l’Union Européenne sont méconnus.
Margie Sudre a même affirmé qu’il ne fallait rien attendre de la présidence française pour les enjeux spécifiques que sont les Accords de Partenariat Economique, l’Octroi de mer, « trop particuliers » pour être abordés.
Quant au Traité de Lisbonne, qui devrait entrer en application au 1er janvier 2009, il donne la possibilité à la France de renoncer au statut de RUP dont bénéficie La Réunion.
C’est là le seul point qui concerne directement notre île.
Mais La Réunion, petit morceau d’Europe dans l’océan Indien, ne peut pas ignorer le nouveau cadre dans lequel l’Union Européenne lui propose d’évoluer. Margie Sudre se refuse à parler de mini-traité. Pour elle, il s’agit d’un véritable « Traité européen qui va aider à construire l’Europe », « une réelle victoire politique de l’Europe », même si Nicolas Sarkozy a refusé de le soumettre à referendum. De peur sans doute de se heurter au “non” qui avait prévalu en mai 2005 pour la Constitution européenne.

Une charte des droits fondamentaux

De la Constitution au Traité de Lisbonne (ratifié le 14 février dernier par la France), qu’est-ce qui a changé ? Denys Simon ne veut pas tomber dans l’excès. Pour le professeur de Droit, le Traité de Lisbonne n’est ni « un sous-marin de la Constitution Giscard », ni « un sous-traité dénaturé, sans ambition ». D’après lui, le nouveau traité jette les bases d’une « Europe plus modeste et plus démocratique ». Le traité ne reprend plus les symboles (drapeau, euro, fête de l’Europe), mais il affirme des valeurs communes et des objectifs communs grâce à une Charte des droits fondamentaux. Mais le principe de « concurrence libre et non faussée » tant décrié dans la Constitution Giscard est repris de façon plus dissolue dans le Traité de Lisbonne.
Pour Margie Sudre, le Traité de Lisbonne est plus adapté à l’Union Européenne des 27. Il permet de sortir du « carcan de la règle de l’unanimité ». « Le plus petit décideur, explique Margie Sudre, ne peut pas bloquer le fonctionnement de l’Union Européenne ». Désormais, une décision sera prise avec 55% des pays représentant au moins 65% de la population.
Le traité prévoit une présidence plus stable, élue pour 2 ans et demi renouvelable une fois. Aujourd’hui, l’Union Européenne a une présidence tournante tous les 6 mois. Autre modification : les Parlements nationaux pourront examiner les projets de loi du Parlement européen, et dans un principe de subsidiarité, « l’Europe n’interviendra que dans les domaines qui ne sont pas encore réglementés par les Etats ».

Le statut spécifique de La Réunion à défendre

Margie Sudre a enfin insisté sur « la clause passerelle » qui permet aux DOM de sortir du statut de RUP (Région Ultrapériphérique) et, à l’inverse, d’intégrer les collectivités d’Outre-mer, dont Mayotte, aux RUP. Reste à savoir si cet élément du traité constitue une menace pour le développement de La Réunion, si elle ne préfigure pas une perte des avantages des aides financières accordés par l’Europe.
La Réunion a atteint les 60% du PIB moyen européen, alors que les nouveaux pays comme la Pologne ne sont encore qu’à 25% de la richesse européenne. C’est dans ce contexte, fait remarquer Margie Sudre, que La Réunion devra se défendre. « Je m’engage à faire en sorte que soit consolidée notre situation, a déclaré la députée européenne. Nous sommes peu nombreux, nos demandes sont infimes et vitales pour nous. La Réunion a des handicaps permanents, alors que les nouveaux pays vont à un moment ou un autre s’intégrer ».
A partir du mois de juillet, la France est présidente pour 6 mois de l’Union Européenne. La France a défini 4 domaines d’intervention : l’immigration, l’énergie, l’environnement et la défense.
Au programme de la présidence, Margie Sudre cite ainsi la création d’un pacte européen de refus de toute régularisation massive des clandestins, pour éviter ce que l’Espagne a fait (800.000 régularisations). Pour les besoins en énergie, la France va proposer de reconsidérer la question du nucléaire, car « les nouvelles centrales produisent moins de CO2 et de déchets ». La présidence française pourrait aussi se démarquer en proposant une fiscalité écologique, afin de produire des voitures moins polluantes. Ambition difficile, car « les producteurs de grosses cylindrées comme l’Allemagne sont réticents », précise la députée européenne. Enfin, la France va demander à l’ensemble des pays de l’Union Européenne de participer avec elle, avec la Grande-Bretagne et l’Italie, à la défense extérieure.

Edith Poulbassia


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