Le COMESA après le 11ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement

Consolider les bases monétaires et financières de l’Union douanière

29 novembre 2006

Le 11ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres du Marché commun d’Afrique orientale et australe qui s’est achevé à Djibouti le 16 novembre a conclu ses 2 jours de travaux par un communiqué qui souligne les voies par lesquelles, selon le mot du Président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh, « l’Afrique [sera] capable d’unir ses forces ».

« L’Union douanière du COMESA : le meilleur mécanisme de consolidation de l’intégration régionale ». C’est autour de ce thème que se sont retrouvés à la mi-novembre les représentants des 19 pays membres, dont 7 chefs d’Etat - le Président de Djibouti et Président en exercice de la Conférence du COMESA, les Présidents du Zimbabwe, du Soudan, de l’Erythrée, du Kenya et du Malawi ainsi que le Président du Rwanda et Président sortant de la Conférence du COMESA. L’Ethiopie était représentée par le Premier ministre, Meles Zenawi ; l’Union des Comores par le Vice-président Ikilou Nidhoime et le Burundi par Marina Barampama, 2ème Vice-présidente. Neuf autres États membres du COMESA étaient représentés par des plénipotentiaires, Ministres des Affaires étrangères, du Commerce international, de l’Economie ou membres du corps diplomatique.
Également présents, les représentants spéciaux auprès du COMESA de Cuba, de la France, de l’Inde et des Etats-Unis d’Amérique (USA), ainsi que ceux de la Tunisie et du Yémen.
Avec les représentants des organisations supranationales africaines - l’Union africaine, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), la Communauté Est-africaine (EAC) et la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA), et les membres des institutions du COMESA, plus les représentants des organisations internationales - de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF) à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), c’est au total plus d’une centaine de représentants, accompagnés d’équipes d’experts et de techniciens, qui se sont réunis pendant 2 jours à Djibouti. Le Président de la République de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh, à qui revient pour 1 an la présidence de la Conférence du COMESA, a présenté dans son discours d’ouverture l’enclave portuaire de Djibouti, comme « la voie d’accès du COMESA sur le reste du monde ».

La France membre associé

Le COMESA regroupe l’Angola, le Burundi, les Comores, la République démocratique du Congo, Djibouti, l’Egypte, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Lybie, Madagascar, le Malawi, Maurice, l’Ouganda, le Rwanda, les Seychelles, le Soudan, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe - soit une population d’environ 374 millions d’habitants. C’est l’un des plus grands blocs économiques d’Afrique. Parmi ses pays membres, 13 ont déjà procédé à la suppression des barrières douanières, dont Maurice et Madagascar, 2 pays par ailleurs membres de la Commission de l’océan Indien (COI) à laquelle participe aussi La Réunion. Au sein du COMESA, la France dispose d’un statut d’observateur et souhaite devenir membre associé du fait de la proximité géographique de notre île avec l’ensemble sous-régional, et des liens déjà renforcés que le COMESA a tissés avec les 4 autres membres de la COI (Comores, Madagascar, Maurice et Seychelles) également adhérents du Marché commun d’Afrique orientale et australe.
D’autre part, selon les termes de l’accord de Cotonou, l’instauration d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et chacune des 6 régions ACP - AFOA (constitué de 13 pays du COMESA), Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, CEDEMO, la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC), le Pacifique et la Caraïbe - est motivée « par la nécessaire mise en conformité du régime préférentiel non-réciproque avec les règles de l’OMC ».

Renforcement de l’interconnexion énergétique

Ces différents aspects soulèvent des questions très spécifiques - et de nombreuses difficultés - qui ont animé les débats des pays membres.
Le Sommet a donné la priorité aux questions monétaires et financières. Le Protocole relatif au Fonds COMESA, entré en vigueur le 14 novembre 2006, a été l’un des sujets de satisfaction de cette rencontre, conforté par une décision des gouverneurs des Banques centrales de créer un Institut monétaire du COMESA chargé d’entreprendre les diverses activités préparatoires à la création de l’Union monétaire du cette Organisation régionale.
Ce Sommet aura également mis en exergue la nécessité d’une plus grande implication du secteur privé dans la stratégie d’intégration régionale du COMESA. Une des décisions du Sommet a été la nomination d’un Comité exécutif par intérim chargé de coordonner les actes du Conseil d’affaires du COMESA et de tout mettre en œuvre pour la constitution « d’une organisation d’affaires solide et dynamique ». L’Agence d’Investissement régionale (AIR), chargée de la promotion de l’investissement transfrontalier et des investissements directs étrangers, a mis en place des structures ad hoc et souligné l’importance d’une stratégie régionale d’information commerciale.
Le besoin d’une stratégie industrielle pour la région a été fortement réaffirmé dans ce Sommet, où ont été également abordés les domaines de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, le développement des infrastructures, en particulier tout ce qui a trait au transport (fluvial et transfrontalier ; trafic aérien), en vue de l’établissement d’un espace aérien unique entre les pays membres.
Dans le domaine énergétique, le Sommet a adopté l’East african power Pool en tant qu’institution spécialisée du COMESA pour le renforcement de l’interconnexion énergétique dans la région COMESA et le reste de l’Afrique. Dans les communications, l’importance de projets régionaux tels que COMTEL (COMESA Télécommunications Company) ou EASSy a été réaffirmée pour l’interconnexion des marchés et des communautés de la région.

La paix et la sécurité dominent les débats

Dans les débats du Sommet, plusieurs questions multilatérales ont permis de mesurer l’avancement des programmes, telle la mise en œuvre le l’Accord de Partenariat économique (APE) liant l’Union européenne aux pays ACP et l’amélioration de la collaboration entre le COMESA et les autres communautés économiques régionales - particulièrement avec l’EAC, l’IGAD et la COI dans le cadre du Comité interrégional de coordination (CIRC) : la mise en place d’une communauté économique africaine ne pourra s’affirmer réellement que dans des convergences de vue ouvrant à l’harmonisation des différents programmes.
Les questions relatives à la paix et la sécurité dans la région ont aussi beaucoup dominé les débats de ce 11ème Sommet. Le Traité du COMESA, en privilégiant « la bonne gouvernance, le bon voisinage et la résolution des conflits par le dialogue », a jeté les bases d’une solidarité accrue entre les Etats membres. Des félicitations spéciales sont allées aux peuples et aux gouvernements de Djibouti, de l’Egypte, de l’Ouganda, de la République du Congo, des Seychelles, de l’Union des Comores, de la Zambie et du Zimbabwe « pour avoir tenu avec succès des élections démocratiques paisibles », ainsi qu’au Kenya « pour le déroulement du référendum national sur la nouvelle Constitution ». Le Congo et la région des Grands Lacs continuent de faire l’objet d’une attention suivie, dans les instances du COMESA, où l’on exhorte aussi le peuple de Somalie « à donner une chance à la paix afin de permettre le développement et la stabilité de la région par un processus de négociation incluant toutes les parties prenantes... ».
Au terme de ce 11ème Sommet, la présidence est passée du Rwanda à Djibouti. Le prochain Sommet se tiendra en 2007, à Nairobi , capitale du Kenya.

P. David (sur un document COMESA de synthèse des travaux)


Wilfrid Bertile, vice-président du Conseil régional

Donner aux APE la dimension du co-développement

Le vice-président Wilfrid Bertile, ancien Secrétaire général de la COI, a représenté le président de la Région, Paul Vergès, auquel revenait la responsabilité de conduire la Délégation française à ce 11e Sommet du COMESA. Wilfrid Bertile, dont c’était la sixième participation à un Sommet de cette organisation régionale, a répondu aux questions de Témoignages.

Le passage du communiqué final évoquant la délégation française conduite par un élu réunionnais parle de la « crédibilité technique, politique et géographique de cet ensemble régional en devenir ». Sur quoi repose cette crédibilité selon vous ?
W.B
 : Le COMESA, avec 21 membres, allant de la Libye à la République Démocratique du Congo, en passant par l’Egypte, le Kenya ou Maurice est la principale organisation d’intégration régionale d’Afrique. Ses objectifs (zone libre échange, crée en 2000, union de douanière prévue pour 2008 et union économique et monétaire envisagée pour 2005) reprennent ceux de l’Union Africaine et s’inspirent de ceux de la construction européenne. Le COMESA a des institutions qui marchent bien (Cour de justice, Banque de Développement, sans oublier son Secrétariat Général et ses différentes instances politiques - Conseil des Ministres et Sommet de Chefs d’Etat). L’Inde, la Chine, les Etats-Unis, mais aussi la France, développent leurs partenariats avec cette organisation qui est Chef de file pour la négociation d’un APE (Accord de Partenariat Economique) avec l’Union Européenne.

L’idée de faire de chaque DOM une “Zone Franche” est-elle compatible avec les relations que la Région Réunion travaille à construire avec les pays du COMESA dans le cadre de leur projet d’union douanière ?
W.B
 : Les relations commerciales entre La Réunion et le COMESA sont régies par les dispositions de la convention de LOME qui organisent les échanges entre l’Union Européenne et les Etats ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), jusqu’en 2008 au moins. A partir de cette date, d’autres dispositions seront mises en œuvre dans le cadre des APE que prévoient les accords de Cotonou. L’APE entre la Région AfOA (Afrique, Orientale et Australe) et l’Union Européenne est en cours de négociation. Depuis 2002, date de lancement de ces négociations et surtout depuis 2004, qui marque le début de la discussion de l’APE entre l’Union européenne et l’Afrique Orientale et Australe, La Réunion agit pour que ses spécificités soient prises en compte. La Région a organisé pour ce qui la concerne plusieurs rencontres et colloques à cette question.

Y a-t-il un point particulier - ou plusieurs - que vous ayez pu faire avancer plus spécialement à l’occasion de cette rencontre ?
Cette rencontre a consacré la présence de la Réunion comme éléments central de la présence française aux réunions des instances du COMESA. C’était la troisième fois que je conduisais la Délégation française au Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement de cette organisation. La Réunion est davantage connue de cette organisation. La négociation de l’APE qui nous concerne approche de son terme (fin 2007). Les positions se crispent en conséquence. A La Réunion de définir les positions qu’elle veut voir défendues par la Commission Européenne en sa faveur dans le cadre de cet accord. La Région a toujours défendu, au-delà des échanges commerciaux, la dimension du co-développement, c’est-à-dire d’un développement mutuellement profitable de La Réunion et des pays de notre environnement géographique.


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Messages

  • Nous demandons à la Commission européenne ainsi qu’aux gouvernements français, belge et luxembourgeois :

    > l’arrêt de toutes les formes directes et indirectes d’aide à l’exportation des produits agricoles ainsi que l’élimination des excédents par la mise en place de mesures de maîtrise de l’offre en adéquation avec la demande ;

    > la reconnaissance et le respect du principe de souveraineté alimentaire. Cela signifie notamment que chaque pays africain doit pouvoir protéger son agriculture. Ce principe doit être pris en compte dans le cadre des négociations en cours d’Accords de Partenariat Economique (APE) entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

    > l’augmentation de l’aide de l’Union européenne et des états membres en faveur de l’agriculture des pays ACP et, en particulier, des agriculteurs familiaux. Les projets financés doivent associer de manière effective les bénéficiaires et leurs représentants.

    Cette pétition sera remise en mars 2007 aux commissaires européens et aux ministres français, belge et luxembourgeois chargés du commerce extérieur, de l’agriculture et de la coopération internationale.

    Voir en ligne : signez la petition du collectif "alimenterre"


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