Réactions, prises de position

Constitution européenne : ’cancer de notre démocratie’ ?

26 avril 2005

Un citoyen ordinaire, pétri par un idéal démocratique à tous les niveaux (quartier - commune - intercommunalité - département - région - nation - Europe - monde) ne peut rester coi devant un texte soumis à référendum.
Comme chacun de ceux qui sont pour l’Europe, j’essaye, avant de me déterminer, d’entendre, avec respect, les arguments des ’têtes d’affiche’ du ’oui’ et du ’non’. Certains d’entre eux sont sérieux et défendables, mais je cherche difficilement une réponse à ma question : cette Constitution est-elle démocratique ?

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Lors des dernières élections municipales, l’ADELS avait publié "30 propositions pour plus de démocratie à La Réunion". Parmi elles, cette association avait suggéré, qu’une fois par an, les députés européens organisent un débat citoyen, par commune, pour rendre compte de leur mandat. Je n’ai rien vu venir à l’horizon, laissant donc à penser que l’Europe ne serait que l’affaire des commissaires (dont la plupart ne sont pas élus), du Parlement et du Conseil... sauf à lire dans "Le Monde" du 30 octobre 2003, sous la plume de Marie-Noëlle Lenoir alors ministre déléguée aux Affaires européennes : "Il suffira de rassembler un million de signatures en Europe pour obliger la Commission à engager une procédure législative". Courage, citoyens !
Un ami m’a fait passer, via Internet, une excellente contribution d’Étienne Chouard, professeur de Droit à Marseille qui, comme il se doit dans une approche universitaire, ne prend pas parti, mais tente d’éclairer les consciences par rapport à ce champ démocratique.
Il n’a pas peur de dire : "les fondements du droit constitutionnel sont bafoués" autour de cinq principes transmis par nos aïeux :

1)"Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire"
Qui peut prendre le temps, en ayant la formation suffisante et sans être illettré (130.000 à La Réunion) de décoder, crayon à la main, 850 pages de ce texte ? Chiche ! Quels citoyens, quels ministres, quels parlementaires, quels maires, tous débordés, en ont les moyens ? Je serais curieux de connaître le pourcentage Européen, en commençant par les Espagnols qui ont voté ou se sont abstenus.

2) "Une Constitution doit être politiquement neutre"
L’est-elle quand elle impose, pour toujours, des choix de politique économique. Pouvons-nous accepter ce "dogmatisme aveugle" ?

3) "Une Constitution est révisable"
Le Traité de Nice l’est, puisqu’il expire en 2009, mais le texte qui nous est soumis est verrouillé par une exigence de double unanimité. Ceci est rappelé d’ailleurs, d’une curieuse manière, par un diplomate (“JIR” du 23 avril, page 49) : "Si on commence à dire qu’on pourrait renégocier, le “non” prend encore des points le jour d’après" (sans commentaire

4) "Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs"
Or, personne ne contredira que ce texte intronise un Parlement faible face à un exécutif tout puissant. Je rejoins totalement Étienne Chouard quand il dit : "Montesquieu doit se retourner dans sa tombe".

5) "Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants ; elle est établie par le peuple lui-même"
Nos élites de droite et de gauche se méfieraient-ils de la démocratie ? Il faut "rendre à César ce qui est à César". Notre président a eu le courage d’appeler le peuple à ratifier ou à ne pas ratifier ce texte, alors que de nombreux gouvernements vont le faire par leur Parlement national, privant le peuple de son droit d’expression directe et de contrôle des parlementaires (deux droits inscrits, en ce qui nous concerne, dans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789).

Un démocrate de progrès ne peut accepter ce qu’il entend et lit : "“Oui” à la Constitution = “oui” à l’Europe ; “Non” à la Constitution = “non” à l’Europe", ni le sacro-saint adage "il n’y a pas d’autre alternative".
S’il en est ainsi, alors, j’enlève le point d’interrogation à cette contribution pour dire : "“oui”, c’est un cancer pour la démocratie".
La proposition émise par le Professeur Chouard mérite d’être débattue démocratiquement. Je le cite : "la seule voie crédible pour créer un texte fondamental, équilibré et protecteur est une assemblée constituante indépendante des pouvoirs en place, élue (par le peuple) pour élaborer une Constitution, rien que pour ça, et révoquée après".
Si les politiques veulent s’en affranchir, il n’y a plus qu’une solution : résister, recueillir mille signatures pour l’exiger (droit de pétition).
Universitaires, journalistes, au boulot ! Il est encore temps d’éclairer les élus et les citoyens et de provoquer leurs réactions. Cette volonté de réflexion politique, heureusement, traverse toutes les opinions.
Citoyens, "faites de la politique". On ne fait pas de la politique, ni de la démocratie à coups de sondages. Allez voter bien-sûr, mais avant, pendant et après le vote, ne vous dispensez pas de vous préoccuper de la santé de notre démocratie, car elle est bien fragile.
Mais espérons, car on peut guérir d’un cancer.

Marc Vandewynckele


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