Pour avoir le pouvoir, la droite veut s’allier aux racistes

Contre la banalisation l’extrême droite : mobilisations en Allemagne

3 février

Ce week-end, plus de 160 000 personnes ont manifesté à Berlin contre l’extrême droite, dénonçant l’alliance entre la CDU et l’AfD sur l’immigration. Brandissant des slogans comme « Le pare-feu, c’est nous ! », les protestataires ont réaffirmé leur rejet de la normalisation des idées racistes. D’autres villes ont suivi, illustrant une inquiétude croissante face à l’érosion du « cordon sanitaire » politique.

Ce week-end, l’Allemagne a été le théâtre de manifestations massives contre l’extrême droite, notamment à Berlin où environ 160 000 personnes se sont rassemblées, selon la police, tandis que les organisateurs avancent le chiffre de 250 000 participants. Les manifestants ont exprimé leur opposition à la collaboration récente entre l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite.
Le cortège s’est initialement réuni devant le Bundestag, le Parlement allemand, avant de défiler jusqu’au siège de la CDU. Les participants brandissaient des pancartes avec des slogans tels que « Shame on you CDU » (« honte à toi CDU ») et « Merz sans cœur », en référence à Friedrich Merz, le chef de la CDU. Cette mobilisation intervient après que la CDU a soutenu une motion non contraignante visant à retenir tous les étrangers sans papiers à la frontière, y compris les demandeurs d’asile, en s’appuyant sur les voix de l’AfD.
Cette alliance inédite entre la droite traditionnelle et l’extrême droite a suscité une vive indignation au sein de la société allemande. Les manifestants ont scandé « Le pare-feu, c’est nous ! », affirmant leur rôle de rempart contre la normalisation de l’extrême droite dans le paysage politique. Des figures politiques de premier plan, notamment des membres du Parti social-démocrate (SPD) comme Lars Klingbeil et Saskia Esken, ont participé à la manifestation, soulignant l’importance de défendre les valeurs démocratiques.
Parallèlement à Berlin, des manifestations similaires ont eu lieu dans d’autres villes allemandes, telles que Cologne et Ratisbonne, sous le slogan « Bunt statt braun » (« Multicolore plutôt que brun »), en référence à la couleur historiquement associée au nazisme. Ces mobilisations témoignent d’un rejet croissant de toute forme de collaboration avec l’extrême droite et d’une volonté de préserver les principes démocratiques du pays.
Depuis 1945, jamais un grand parti allemand n’avait collaboré avec l’extrême droite. Pourtant, la CDU vient de franchir cette ligne en s’appuyant sur les voix de l’AfD pour faire adopter un texte controversé sur l’immigration au Bundestag. Ce projet vise à durcir les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, renforçant notamment les expulsions et réduisant les aides sociales. Si la CDU justifie ce choix par un « réalisme nécessaire », le soutien de l’AfD, parti nationaliste et anti-immigration, a provoqué un tollé.
L’Allemagne s’est longtemps construite sur un rejet absolu de l’extrême droite, conséquence de la dénazification d’après-guerre. Or, ce vote symbolise une rupture. L’AfD, fondée en 2013, a progressivement glissé vers des positions radicales et connaît une ascension électorale fulgurante, dépassant 20 % dans certaines régions et devenant la deuxième force politique aux européennes de 2024.
Friedrich Merz, chef de la CDU, assume cette stratégie, cherchant à reconquérir l’électorat conservateur. Mais cette décision divise profondément le parti. Annegret Kramp-Karrenbauer, ex-présidente de la CDU, y voit une « erreur historique », tandis que de jeunes militants dénoncent un reniement des principes démocratiques. Cette alliance ponctuelle avec l’AfD risque de marquer un tournant dans la vie politique allemande, interrogeant la solidité du « cordon sanitaire » face à l’extrême droite.

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