Incertitudes sur le montant des fonds pour le développement

Crise de l’Europe : le prix à payer par La Réunion

21 juin 2005

Paul Vergès l’a rappelé dimanche lors d’une conférence de presse en présence des composantes de l’Alliance : l’incertitude qui pèse sur le budget européen aura de graves conséquences à La Réunion.

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Dans un communiqué diffusé samedi, au lendemain de la conclusion du sommet de Bruxelles, le président en exercice du Conseil européen, Jean-Claude Juncker rappelle l’objectif du sommet : "nous voulions doter l’UE de nouvelles perspectives financières pour les années 2007-2013, ça a raté". Enseignement à tirer de ce raté : "l’Europe se trouve dans une crise profonde", et elle connaît "aujourd’hui un affaiblissement qui m’inquiète".

Quels investissements ?

Conséquence directe pour notre île : les fonds destinés à compenser nos handicaps structurels ne sont pas budgétés pour la période 2007-2013. Ces fonds concernent les investissements matériels et humains. Cela veut dire qu’aujourd’hui, il est impossible de démarrer un chantier de plusieurs années dans le domaine de l’équipement ou de la recherche, a d’ailleurs précisé dimanche le président de la Région. Impossible car ce sont des programmes pluriannuels.
Ces fonds européens dont nous ne connaissons pas le montant pour les 6 prochaines années, sont ceux qui apportent une part importante aux constructions de lycées, de collèges, de routes, d’aéroport. Ils contribuent de manière significative aux actions de formations. Ce sont donc des milliers d’emplois qui sont dans l’incertitude. Ce sont des actions menées par la collectivité réunionnaise en charge de préparer l’avenir qui sont paralysées, ou pour le moins retardées.

Comment prévoir ?

Alors que les décisions tardent à être prises dans les hautes instances de l’Union européenne, notre retard structurel lui est toujours là.
Ce sont toujours de milliers d’heures de travail qui se perdent dans les embouteillages car nous n’avons pas encore pu mener à bien le projet d’une politique des déplacements adaptée à nos contraintes réunionnaises. Ce sont des milliers de jeunes qui ont droit à une éducation dans des conditions qui doivent être les mêmes qu’en France, ce qui veut dire que pour suivre l’accroissement démographique, La Réunion devra continuer à construire des écoles, des collèges et des lycées sur le même rythme que depuis que les collectivités locales sont en charge de cette compétence.
Ce sont des milliers de Réunionnais, jeunes ou plus âgés, qui luttent pour sortir du chômage et pour qui le droit à une formation peut signifier sortir de la crise par un emploi.
Tout ceci est maintenant retardé, car comment élaborer des actions sur le long terme quand on ne connaît pas le budget auquel on a droit pour les mener à bien ? C’est le prix de la crise européenne payé par La Réunion.

Manuel Marchal


À ceux qui veulent boucher les yeux

Les conséquences de l’échec du sommet de Bruxelles à La Réunion est un point sur lequel Paul Vergès déplore le silence de responsables politiques et de “faiseurs d’opinion”. La couverture de la conférence de presse tenue par le président de la Région dimanche par un média de presse écrite bien connu le confirme : on refuse de montrer la réalité aux Réunionnais, on passe sous silence les menaces qui se profilent, on préfère insister sur ce qui pourrait prêter à la polémique.
Mais le vote du 29 mai le prouve : les Réunionnais sont capables de voir la réalité en face et d’agir en conséquence.


Un échec voulu par certains

Pour le président du Conseil européen, un accord aurait été possible les 16 et 17 juin à Bruxelles. Selon lui, "les différences étaient minimales", le "Conseil européen était tout proche d’un accord". Dans son communiqué, le Premier ministre luxembourgeois affirme que "le nombre de délégations qui étaient prêtes à rechercher un compromis, "étaient autrement plus nombreuses que celles des pays qui se sont refusées à cet effort."" et a rendu un hommage appuyé aux délégations des 10 nouveaux États membres, prêts à faire des concessions sur des engagements budgétaires qui leur étaient acquis pour que le sommet débouche sur un accord : "De grands efforts ont été faits par ceux qui voulaient aller de l’avant dans ce difficile moment de l’histoire que connaît l’Europe".
Et de désigner les coupables de cet échec : "Ceux qui demandaient, au moment de conclure, une remise à plat des structures budgétaires de l’Europe savaient pertinemment qu’il était strictement impossible de mettre d’accord les 25 pays sur une ré-articulation intégrale de nos structures budgétaires, faisant fi de tous les arrangements que nous avons conclus par le passé. Qui demande une telle solution veut l’échec".


L’Europe et la crise budgétaire

Une période d’incertitude qui risque de peser lourd

L’échec du sommet de Bruxelles - qui a vu les pays membres ne pas se mettre d’accord sur le budget 2007-2013 - a plongé l’Union européenne dans une période d’incertitude qui risque de peser lourd sur son avenir. L’issue de la crise dépendra beaucoup de la capacité des 25 à dessiner ensemble les contours d’une Europe plus démocratique et plus sociale, comme l’exigent les “non” français et hollandais. Ce que ne laisse pas forcément augurer la nouvelle présidence confiée à la Grande-Bretagne succéder au 1er juillet.

"Il faudra réfléchir ensemble, mais en débattant ouvertement, de façon consensuelle et pas en rupture, à ce que nous voulons pour l’Europe, dans cinq ans, dans dix ans, dans 30 ou 50 ans", a affirmé dimanche la ministre française aux Affaires européennes Catherine Colonna. "Il faudra ensemble (...) tous ensemble et pas sur la volonté de quelques-uns", a-t-elle ajouté, dans une réponse à peine voilée à l’appel de M. Blair à ouvrir "un débat fondamental" sur l’avenir de l’Europe.
De son côté, le secrétaire au Foreign Office Jack Straw a convenu dimanche que l’UE traversait une grave crise, la pire qu’il ait connu, mais qu’elle pouvait être salutaire, à condition de la "transformer en catharsis de laquelle de meilleures choses sortiront". Moins d’une semaine après l’échec du sommet, Tony Blair viendra en personne à Bruxelles jeudi présenter les priorités de "sa" présidence de l’UE devant le Parlement européen. Il ne cache pas sa volonté de profiter de l’affaiblissement de M. Chirac et du chancelier allemand Gerhard Schröder chez eux pour chapeauter le "renouveau" d’une Europe à l’image de sa politique nationale.
La bagarre autour du budget communautaire illustrera donc l’affrontement croissant au sein des 25 entre deux conceptions de l’Europe, celle libérale et libre-échangiste défendue par Tony Blair, l’autre plus sociale et politique à laquelle est contraint le couple franco-allemand. Mais l’incertitude budgétaire qui en résulte risque d’avoir de lourdes conséquences. À long terme, c’est toute la construction européenne qui peut se retrouver hypothéquée ; à moyen et court terme, ce sont les régions les plus défavorisées de l’Europe - dépendant des fonds communautaires - qui feront les frais de l’indécision européenne.


Pour Valéry Giscard d’Estaing,
tout est de la faute du “non”

"Si la France avait ratifié la Constitution européenne, il n’y aurait pas eu de crise", affirme sans rire l’ancien président de la République. C’est se moquer des gens.

C’est le "non" français à la Constitution européenne qui a déclenché la crise, a osé prétendre hier Valéry Giscard d’Estaing. "Vous parlez tous de crise en Europe, mais qui a déclenché cette crise ? C’est nous. Si la France avait ratifié la Constitution, il y a quinze jours, il n’y aurait pas eu de crise en Europe", a-t-il assuré sur France Inter. "On ne peut pas à la fois être les auteurs des crises et en même temps s’interroger sur un ton dramatique sur les conséquences. Il fallait s’interroger avant".
Comment peut-on faire plus fort dans la mauvaise foi et le mépris ? Si l’on en croit Giscard, qui n’est pas à une “perle” près, Constitution et budget c’est du pareil au même. Il suffisait de voter la “bonne” constitution pour avoir le “bon” budget !


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