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Crise des pays émergents : qui est responsable ?

4 septembre 2013, par Céline Tabou

Depuis plusieurs semaines, des pays émergents comme le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, la Turquie etc… subissent une chute brutale de leur monnaie, victime d’opérations spéculatives. Cette spéculation met en danger leur économie et l’économie mondiale. Qui est à la source de ces graves problèmes ? Cette question sera-t-elle prise en compte par les États membres du Groupe des 20 qui se retrouvent demain et après-demain à Saint-Petersbourg ?

Les Banques centrales des pays émergents en difficultés ont dû multiplier les actions pour arrêter la chute de leurs devises et l’écroulement de leurs marchés boursiers. Cette situation est due aux perspectives de réduction de rachat de la Banque centrale américaine, rendant méfiants les investisseurs qui ont retiré leur argent des marchés émergents afin de le réinvestir ailleurs.

Faute à la spéculation

Les marchés à terme non livrables (NDF) se sont développés ces dernières années dans les pays émergents, afin de permettre aux investisseurs étrangers de spéculer sur les devises de pays qui n’ont pas de marché au comptant.

Pour Dipak Dasgupta, le principal conseiller économique du ministère indien des Finances, « ces marchés ne possèdent pas de livraison de la monnaie achetée » et ont donc « exercé des pressions sur 12 des principales devises émergentes » , parmi lesquelles les monnaies du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de la Russie, de l’Afrique du Sud, de la Turquie et de la Malaisie.

Ce dernier a indiqué au quotidien "Les Échos", qu’en rassemblant quatre ou cinq de ces pays et en regroupant leurs réserves de changes pour atteindre une enveloppe de 900 milliards d’euros, cela permettrait d’agir directement sur cette crise. En effet, « une fois qu’ils auront décidé d’intervenir mutuellement en s’entendant sur un plancher, il n’y aura aucune force susceptible d’arrêter l’impact » , a indiqué Dipak Dasgupta.

Cependant, la mise en place de ce marché à terme non livrable a eu des effets négatifs sur le moyen terme, avec la chute des devises, mais aussi sur le long terme, car les investisseurs ne feraient plus confiance aux bourses émergentes. Auparavant prisé pour leurs actifs aux rendements élevés, les investisseurs se sont rapidement détournés de ceux-ci. D’un côté, les bourses émergentes ont perdu plus de 13% de leurs actifs, selon les indices MSCI libellés en dollars ; et de l’autre, les places financières des pays développés ont gagné près de 11%.

La responsabilité de la FED

Dès le mois de mai, la Réserve Fédérale Américaine avait averti qu’elle allait commencer à réduire ses injections de liquidités. En effet, depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, la FED s’était employée à soutenir l’activité, afin de maintenir les taux d’intérêt au plancher pour favoriser le crédit. La Réserve s’était alors engagée dans des programmes de rachat de la dette souveraine américaine.

Ce changement de cap aura agi comme un déclencheur de la crise actuelle, a indiqué au "Monde" Évariste Lefeuvre, une économiste en chef chez Natixis aux États-Unis. Cette dernière a expliqué que « le bilan macroéconomique de ces pays est plutôt mauvais. Les investisseurs ont pénalisé les plus exposés au commerce, les plus dépendants au financement extérieur, mais ils ont aussi fui les pays où l’inflation et les comptes publics semblent mal maîtrisés ».

Ces économies sont en grande partie dépendantes des exportations qui diminuent avec la crise. À quoi s’ajoutent l’inflation, la chute des monnaies, une croissance incertaine et une « impuissance des gouvernements » à rééquilibrer leur système économique.

À la différence de la crise asiatique de 1997, « beaucoup de pays émergents ont des taux de change flottants, ils ne sont donc pas contraints de défendre à tout prix le niveau de leur devise, comme dans le passé. Par ailleurs, leur dette extérieure a diminué ces dernières années, ce qui réduit le risque d’insolvabilité liée à un effondrement de leur devise » , a expliqué aux "Échos" Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo Securities.

Pour retrouver la confiance des investisseurs, les marchés émergents « vont devoir restaurer leur crédibilité et mener les réformes qu’ils avaient parfois repoussées pendant les années fastes, marquées par des liquidités ultra-abondantes. Ils doivent aussi s’appuyer sur leurs propres banques centrales, déjà très actives », a indiqué ce dernier.

Céline Tabou

Quel impact pour les pays émergents ?

Cette crise pourrait s’aggraver, si les dirigeants ne mettent pas en place une politique économique stable visant à endiguer les fuites internes de capitaux, notamment à travers la corruption et les déficits des gouvernements locaux. Cette situation s’ajoute au ralentissement de la croissance dans ces pays émergents, qui serait selon Sylvain Broyer, économiste chez Natixis, « durable » , car « certaines de ces économies, comme l’Afrique du Sud, le Brésil ou la Russie, souffrent du ralentissement du prix des matières premières. 62% des exportations brésiliennes, par exemple, sont des matières premières agricoles ou énergétiques » .

Dans un tel contexte, ce sont les économies les plus fragiles qui soufrent le plus, notamment l’Indonésie et l’Inde. En effet, l’Inde accuse les plus fortes turbulences, car « ses fondamentaux sont fragiles. Sa croissance est décevante. Elle est passée en un an de 8% à 5% et le pays a du mal à attirer les capitaux étrangers nécessaires pour financer ses investissements » , a expliqué Johanna Melka, chez BNP Paribas au quotidien "La Croix".

Pour réduire l’effet de cette crise, les autorités indiennes ont augmenté les taux d’intérêt pour attirer les capitaux, tout en veillant à ne pas casser la croissance par des taux trop élevés.
Les pays développés s’en sortent mieux

L’afflux des liquidités américaines devait soutenir l’activité américaine mais surtout financer les dettes souveraines des pays émergents. De plus, ces capitaux étrangers ont permis aux pays émergents d’obtenir des taux d’intérêt bas, soutenant ainsi leur croissance.

Mais la remontée des taux aujourd’hui a conduit les investisseurs à récupérer leurs actifs des bourses émergentes pour les réinvestir aux États-Unis. En effet, l’économie américaine montre des signes de solidité.

« Aux États-Unis, la reprise est là, et bien là. Elle n’est pas extraordinaire. Elle est autour de 2%, soit un point de moins qu’une reprise normale. Mais, elle paraît bien établie, basée sur l’immobilier et l’amélioration du marché de l’emploi » , a constaté Frederik Ducrozet, chez Crédit agricole CIB, sur "la-croix.com".

En Europe, des signes de satisfaction sont observés, car la croissance du second trimestre a été positive, selon "La Croix". De plus, les taux d’intérêt à long terme en Allemagne et en France sont bas et ceux de l’Italie et l’Espagne sont stabilisés. « La demande pour l’euro est toujours aussi forte. C’est une monnaie stable et crédible » , a indiqué Frederik Ducrozet.
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