Le conflit implique deux pays qui représentent 30 % des exportations mondiales de blé

Crise en Ukraine : Risque d’émeutes de la faim dans des pays en développement

26 février 2022, par Manuel Marchal

La Russie et l’Ukraine sont deux grandes puissances agricoles. La Russie est le premier exportateur mondial et l’Ukraine le 4e. Ensemble, elles représentent 30 % des exportations mondiales, soit plus que la production annuelle de blé aux Etats-Unis. Si la crise et les sanctions duraient, alors de nombreux pays importants du blé de Russie et d’Ukraine devraient faire face à une hausse des prix. Les gouvernements concernés disposeront-ils des moyens financiers nécessaires pour empêcher des émeutes de la faim ?

Récolte mécanique du blé. Russie et Ukraine représentent 30% des exportations mondiales. (photo © Michael Gäbler / Wikimedia Commons)

La Russie et l’Ukraine sont d’importants producteurs de blé. Les données de la FAO datées de 2020 indiquent ceci :
Russie : 86 millions de tonnes de blé produites
Ukraine : 25 millions de tonnes produites
Soit au total : 111 millions de tonnes produites
Il est à noter qu’en 2014, date des sanctions de l’Union européenne visant la Russie, la production de blé était de 60 millions de tonnes. Des mesures ont donc été prises pour augmenter la production de près de 50 % en 8 ans.
A titre de comparaison, la production de blé en France en 2020 était de 30 millions de tonnes, et celle des Etats-Unis de 50 millions de tonnes.
En 2020, la production mondiale de blé était de près de 900 millions de tonnes. Russie et Ukraine en représentaient donc 12 %.

Comment compenser l’impact d’un conflit concernant 30 % des exportations mondiales ?

En termes d’exportations, la Russie est le premier exportateur mondial et l’Ukraine le quatrième. La Russie prévoyait d’exporter cette année 43 millions de tonnes. Pour sa part, l’Ukraine comptait vendre 25 millions de tonnes d’une production totale comprise entre 30 et 32 millions de tonnes l’an dernier suite à une récolte exceptionnelle.
Ensemble, Russie et Ukraine pèsent 68 millions de tonnes de blé exporté, soit près de 30 % des exportations mondiale. Or, ces deux pays sont en guerre, et leurs exportations de blé représentent plus que la production de blé annuelle des Etats-Unis, et deux fois celle de la France. Autant dire que les sanctions de l’Union européenne et des Etats-Unis visant à empêcher la Russie de commercer, et l’état de guerre en Ukraine vont sans doute réduire de manière importante les exportations de ces deux pays. Les spéculateurs ont déjà anticipé : le cours du blé a déjà commencé à augmenter.

« Jeudi, le cours du blé a atteint 344 euros la tonne au cours de la journée sur le marché européen Euronext, pour terminer la séance à 316,5 euros – contre moins de 300 euros la tonne en moyenne en novembre dernier, des cours déjà hauts comparés à la moyenne de moins de 200 euros la tonne observée sur ce même marché en 2021. Sur la place boursière de Chicago, le cours du blé a également atteint un niveau record inédit depuis la crise alimentaire mondiale de 2008. Celle-là même qui avait provoqué des émeutes de la faim dans plusieurs pays africains, du Maroc au Burkina Faso en passant par le Sénégal et le Cameroun », indique Jeune Afrique.

Ces dernières années, la Russie a grignoté des parts de marché dans les pays méditerranéens qui se fournissaient habituellement en France. La raison est simple, le blé russe est moins cher. En Egypte, pays de 102 millions d’habitants, sur 3,7 millions de tonnes de blé importées, Russie et Ukraine en fournissaient la moitié en 2014. Si ces sources d’approvisionnement n’étaient plus disponibles, alors le prix des produits dérivés du blé ne pourraient qu’augmenter.
Déjà en Tunisie, des produits à base de blé sont moins ou ne sont plus disponibles. Rappelons que la hausse des prix de première nécessité est un des facteurs déclenchant du « Printemps arabe » dans ce pays, qui fit ensuite tâche d’huile au Moyen-Orient.

Jeune Afrique précise cette dépendance : « Dans un continent qui importe près des deux tiers du blé qu’il consomme, le coup pourrait être brutal. D’une part parce que 8,3% du blé vient d’Ukraine et 22% de Russie avec laquelle les échanges pourraient se compliquer dans un contexte de sanctions lourdes. Le Maghreb est particulièrement dépendant des importations de blé mais aussi de maïs acheté à 70% à l’étranger. »

Les États importateurs de blé pourront-ils subventionner les prix longtemps ?

L’intervention russe en Ukraine et les sanctions qui en découlent risquent de provoquer une hausse des prix des produits de première nécessité à base du blé dans les pays en développement. Tout le continent africain est concerné, car il est importateur net de blé. Si les gouvernements concernés ne disposent pas des fonds nécessaires pour compenser cette hausse par des subventions pour empêcher la hausse prévisible des prix. Lorsque dans un pays, la majorité de la population dispose de moins de 2 euros par jour pour survivre, c’est le risque d’émeutes de la faim.
Compte tenu du filet offert par la Sécurité sociale à La Réunion, l’augmentation du prix du blé ne débouchera pas sur une famine et des émeutes de la faim. Mais de la même manière que la hausse du prix du pétrole, celle du cours du blé aura un impact compte tenu de l’occidentalisation de notre alimentation. En effet, si La Réunion produit du manioc, elle ne produit pas de blé.

M.M.

A la Une de l’actuUkraine

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus