Cyclone en Birmanie : l’hostilité américaine entrave les secours

23 mai 2008

Le 2 mai dernier, l’une des plus sévères tempêtes du siècle a déferlé sur le delta de l’Irrawaddy, au Myanmar (c’est-à-dire la Birmanie, sur le golfe du Bengale), une région de très faible altitude et très agricole. Mais si la région est fertile, elle est également sous-développée et sa très faible altitude l’expose aux risques d’inondation. Le delta est habité par un quart des 57 millions d’habitants du Myanmar. Le dernier cyclone tropical à avoir touché la côte remontait à 40 ans.

Les météorologistes suivaient le cyclone tropical Nargis depuis une semaine. Mais, lorsque le cyclone frappa la côte, il emmenait avec lui un raz-de-marée imprévu, aux proportions énormes. Un mur d’eau de trois à quatre mètres s’est avancé sur plus de dix kilomètres dans les terres.
Plus d’un million de personnes ont été laissées sans abri et des dizaines de milliers ont été portées disparues. Les estimations font état de 20.000 à 100.000 morts. Yangon, l’ancienne capitale (ex-Rangoon) et le principal port commercial du pays, n’est plus qu’un vaste amas de décombres.
Les médias traditionnels américains débordent de récits sur l’ampleur du désastre et sur l’incapacité du gouvernement local de se charger de l’aide et des secours, tout en passant complètement sous silence le palmarès on ne peut plus négatif du gouvernement américain dans l’acheminement de secours en cas de désastre.
Chaque nouvel article répète les exigences de Washington en vue d’obtenir le plein accès militaire au Myanmar afin de fournir une aide urgente. Les médias sont outragés et choqués de ce que le Myanmar ne permet pas aux avions militaires américaines d’atterrir sur son territoire ni aux bâtiments de l’US Navy d’accoster dans ses ports. L’accusation prétendant qu’on ne peut se fier au gouvernement du Myanmar pour la distribution de l’aide revient sans cesse partout.
Ce que les médias ne disent pas, c’est que l’administration Bush, dans ses calculs et plannings criminels, a sciemment mis tout en œuvre pour compliquer encore plus les efforts d’aide. La veille du jour où le cyclone Nargis a frappé le Myanmar, mais alors que l’approche de la tempête gigantesque avait déjà été annoncée et qu’on la suivait même depuis une semaine, le président George W. Bush a signé une nouvelle flopée de sanctions économiques très sévères contre le Myanmar. Ces sanctions constituent un acte d’agression, une forme de guerre économique qui vise spécifiquement les plus pauvres et les plus désemparés.

Imposer des sanctions au moment même où un cyclone s’abat

Avec tous ses satellites espions, Washington était bien plus au courant de ce qui allait arriver que le peuple même du Myanmar. Les sanctions ont rendu quasiment impossibles les donations directes américaines et internationales en fonds et aide d’urgence. Le 2 mai, Xinhua News rapportait que l’ordre exécutif de Bush fut textuellement de « bloquer toute propriété et tout intérêt sur propriété d’entités et individus désignés comme appartenant ou étant sous contrôle du gouvernement de la Birmanie (Myanmar) ».
Cet ordre exécutif criminel de décréter des sanctions plus sévères encore fut suivi quelques jours plus tard d’expressions de vive inquiétude à propos de la population sinistrée. On ne pourrait afficher plus de cynisme et d’hypocrisie !
Les nouvelles sanctions empêchent les organisations humanitaires américaines et les citoyens américains considérés individuellement de faire des dons d’argent directs aux organisations qui s’occupent des secours dans ce pays très pauvre qu’est le Myanmar. Les organisations d’aide américaines, telle la Croix-Rouge américaine, ont estimé qu’elles ne pouvaient fournir qu’une aide limitée - pas de personnel et pas d’argent - aux efforts de secours, vu les sanctions imposées. Alors que les médias traditionnels américains ont rédigé des centaines de rapports faisant avec arrogance la leçon au Myanmar sur ce qui ne se fait pas, ils ne mentionnent même pas l’impact des nouvelles sanctions imposées par les États-Unis au moment même où la tempête déferlait sur le pays.
S’appuyant sur le monitoring des satellites météo, de nombreux spécialistes ont suivi la tempête au fur et à mesure qu’elle gagnait en intensité. Presque une semaine avant qu’elle n’atteigne les terres, le département indien de Météorologie a fourni des mises en garde très détaillées sur sa route, sa vitesse et les endroits qu’elle traversait. Mais alors qu’il recevait bien les messages écrits et les mises en garde de l’Inde depuis le 26 avril et qu’il les relayait même sur la radio nationale, le gouvernement du Myanmar ne dispose toutefois pas de radars côtiers lui permettant de détecter le parcours d’un cyclone et le pays, très pauvre, ne dispose pas non plus du moindre plan d’évacuation.
Le gouvernement américain a insisté pour que le Pentagone obtienne le droit de fournir de l’aide avec son personnel et ses équipements propres. Il est évident que ce riche pays impérialiste n’a pas d’autre moyen de fournir de l’aide humanitaire qu’à la pointe de ses baïonnettes !
Bien d’autres pays, pourtant, ont trouvé des moyens autres que militaires de fournir une aide immédiate. La radio nationale du Myanmar a rapporté que l’aide humanitaire internationale a afflué à partir de la Chine, l’Inde, le Lapon, Singapour, l’Italie, le Bangladesh, le Laos et la Thaïlande et que des avions venus de ces pays se sont posés à l’aéroport international de Yangon avec, dans leurs flancs, tentes, moustiquaires, génératrices électriques, médicaments, systèmes de purification de l’eau, patates et porc lyophilisés, pâtes à cuisson instantanée, biscuits, vêtements, feuillards de zinc, marteaux et clous, bougies, etc...
Le gouvernement américain exprime son indignation de constater que, tout en acceptant l’aide étrangère, le Myanmar ne permet pas à du personnel étranger de superviser la distribution de cette même aide. Le 9 mai, le journal géré par le gouvernement birman, "New Light of Myanmar", expliquait pourquoi il en était ainsi : « Le Pentagone est désespéré de ne pouvoir installer des bases militaires dans notre pays ».
Il ne s’agit donc pas de paranoïa délirante de la part de la junte militaire qui dirige le Myanmar. Le Pentagone a à peine dissimulé ses intérêts dans le renversement du régime. C’est ce qui apparaît au moment où la pression est mise sur le pays pour qu’il s’ouvre et pour qu’il autorise l’installation de bases américaines et l’accès des compagnies américaines aux vastes réserves de pétrole et de gaz qui, au Myanmar, ont été nationalisées.
Voici comment Shawn W. Crispin explique la chose dans un article intitulé "Arguments en faveur de l’invasion du Myanmar" ("The case for invading Myanmar”) :
« Alors que la marine et l’aviation de guerre des États-Unis sont prêtes et que plus d’un million de citoyens du Myanmar sont abandonnés à leur sort dans la boue, sans abri et exposés à toutes sortes de maladies apportées par le cyclone Nargis, le grand désastre naturel présente une opportunité de crise pour les États-Unis ».
« Une intervention militaire unilatérale des États-Unis - très susceptible d’être approuvée par les Nations unies - au nom de l’humanitarisme pourrait aisément changer le cours des choses en s’opposant aux dirigeants militaires impopulaires de ce pays appauvri et, en même temps, réhabiliter l’héritage de la politique militaire préemptive très controversée du président George W. Bush, considéré par beaucoup comme un canard boiteux ».
« L’aviation et la marine de guerre américaines - y compris les avions militaires américains C-130 se trouvant actuellement dans la Thaïlande voisine, ainsi que les navires de guerre USS Kitty Hawk et USS Nimitz - sont actuellement en position d’attente dans des eaux proches. (...) Il ne fait pas de doute qu’en ce moment, les décideurs politiques de Washington envisagent les potentialités - pour et contre - d’une mission humanitaire préemptive dans un pays constituant un pivot géostratégique et qui vient d’être brusquement affaibli ».
(Asia Times 0nline, 10 mai)

Une doctrine de choc

Bien des pays, même en plein désastre, craignent l’aide américaine et occidentale parce qu’elle débarque si souvent en étant attachée à des ficelles, y compris d’onéreuses conditions d’endettement et des exigences concernant la réorganisation de leur économie et la privatisation de leurs ressources lorsque celles-ci sont nationalisées.
L’ouvrage de Naomi Klein, "The Shock Doctrine : The Rise of Disaster Capitalism" ("La doctrine de choc : la naissance d’un capitalisme du désastre") décrit très minutieusement comment l’aide américaine, le FMI et la Banque mondiale sont utilisés pour tirer parti d’un pays en état de choc, même lorsque celui-ci est confronté à une infrastructure ruinée suite à une catastrophe naturelle du type ouragan, tsunami, sécheresse ou inondation. De telles crises sont considérées comme une opportunité d’imposer carrément une impopulaire « thérapie de choc » économique, telle que la vente des biens d’État et la privatisation des ressources naturelles. C’est une thérapie, OK, mais surtout au profit des banquiers internationaux, pas des pays affectés. (...)

Sara Flounders

Cyclones et ouragans

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus