Circonscription de l’Outre-mer aux européennes

Débat sur un recours

25 août 2004

L’élection des trois députés domiens au Parlement européen est suspendue à la décision que prendra le Conseil d’État sur deux recours déposés, l’un par un Martiniquais et l’autre par un Guadeloupéen. Les deux contestataires antillais demandent une annulation du scrutin en arguant du fait que l’étalement du scrutin sur deux jours a faussé celui-ci.

Si la tendance est de considérer les recours déposés par les antillais Marceau Périner et Patrice Louis comme pas très sérieux, cela ne semble pas être le sentiment du Conseil d’État qui considérerait être placé devant "un cas de figure sans précédent" selon un de ces récents interlocuteurs. La juridiction de la Place du Palais Royal, à Paris, envisage de prendre son temps pour se décider. On parle de quelques semaines, voire quelques mois avant la prise d’une décision.
Tout le monde pensait que le Conseil d’État prendrait un arrêté pour permettre au Sénat de fonctionner au complet dès le 1er octobre, soit au lendemain du renouvellement partiel qui aura lieu en septembre. Cette hypothèse pourrait être remise en cause.
Après l’élection présidentielle et les législatives de mars 2002, des observateurs faisaient remarquer qu’avec le décalage horaire, Antillais, Guyanais et Calédoniens étaient informés des résultats en Métropole et des tendances générales, avant même que le scrutin ne soit clôturé chez eux. Une telle situation aura eu pour effet de modifier le comportement de l’électorat antillais, guyanais et calédonien. Ces derniers, volant au secours de la victoire, auraient accentué, dans leurs votes, les tendances qui se dessinaient.
Pour corriger cela, le législateur a modifié le code électoral et a proposé d’organiser dans les territoires concernés, les élections nationales le samedi précédent le jour du scrutin. Si cette procédure semble acceptable pour la présidentielle ou les législatives, il n’en serait pas de même dans le cadre d’une circonscription de l’Outre-mer, semblent dire les deux requérants. Ces derniers mettent en cause des effets qui joueraient dans un sens différent que celui escompté par le nouveau dispositif.
Marceau Périner, le Martiniquais et Patrice Louis, le Guadeloupéen, affirment que les dirigeants politiques de la partie de la circonscription votant le dimanche savent - avant même que ne débute le scrutin chez eux- quels sont les résultats déjà enregistrés dans la partie ayant voté le samedi. Ils peuvent alors agir en conséquence.
Pour le scrutin des 12 et 13 juin derniers, les contestataires accusent implicitement un parti d’avoir eu connaissance des résultats défavorables enregistrés samedi par sa liste et d’avoir fait le nécessaire pour inverser la tendance dans la partie de la circonscription votant le dimanche. Rien ne prouve que les choses se sont passées ainsi. Mais le cas de figure évoqué par les deux contestataires peut inciter le Conseil d’État à interpeller le gouvernement et l’inviter à considérer la situation. L’idée - qui avait été évoquée dans la première version du mode du scrutin des européennes avant d’être rejetée - de créer trois circonscriptions outre-mer pourrait refaire surface.


Circonscription Outre-mer : ingérable

Sur le plan politique - et cela a été relevé -, la situation créée sur le plan politique par la circonscription d’outre-mer est ingérable : comment mettre dans le même pays des territoires qui ont des situations différentes et qui ont, vis-à-vis de l’Union européenne, des statuts différents ?
Comment avoir une plate-forme politique unique quand les DOM ont un statut de région ultrapériphérique (RUP), quand Mayotte qui compte devenir prochainement département, souhaite qu’on la considère dès maintenant comme une RUP, et quand les ex-TOM (Polynésie, Nouvelle-Calédonie...) ne peuvent revendiquer un statut identique ?
Mais à ce problème politique s’ajoutent des difficultés électorales : comment mener campagne sur un tel territoire où se rendre à Tahiti de Paris nécessite deux jours de voyage ? Comment construire une liste, faire imprimer les documents électoraux et obtenir de toutes les imprimeries qu’elles adoptent la même et unique démarche pour se faire rembourser par l’État ? Comment gérer et contrôler un compte de campagne ? Comment déposer en temps voulu les candidatures à Paris ? Seules des listes soutenues par un parti national peuvent vaincre plus ou moins bien de tels obstacles. Une situation qui, soit dit en passant, éclaire d’un aspect nouveau le résultat de l’Alliance outre-mer qui a bâti une liste dans l’urgence - après l’annonce du PS de partir avec une liste conduite par Fruteau - et qui a eu le résultat que l’on sait.
Dès qu’il avait été question de réformer le mode de scrutin des européennes, deux idées avaient été émises. La première, vite écartée, consistait à rattacher chaque territoire d’outre-mer à une circonscription métropolitaine. La seconde visait à construire trois circonscriptions élisant chacune un député.
Un argument a été avancé pour refuser cette alternative.
Une règle veut que les circonscriptions législatives aient des populations plus ou moins équivalentes, c’est-à-dire ne variant pas de plus ou moins 10%. Un exemple : si La Réunion devait avoir 7 circonscriptions législatives, la population de chacune d’entre elles devrait avoisiner les 100.000 habitants (soit la population totale de l’île, 750.000 habitants, divisée par 7) et varier entre 110.000 et 90.000. La même règle appliquée aux trois possibles circonscriptions de l’Outre-mer aurait donné de très fortes distorsions. Question, cependant : la règle en cause s’applique pour des circonscriptions législatives ; peut elle être étendue dans le cas de circonscriptions pour les élections européennes ? Enfin, compte-tenu des problèmes évoqués plus haut, sans compter ceux évoqués par le biais des deux recours devant le Conseil d’État et pour permettre une représentation équitable de chaque entité (Océanie, Océan Indien et Département français d’Amérique), la solution des trois circonscriptions outre-mer ne devrait-elle pas s’imposer ?


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