Faim

Des Haïtiens mangent de la boue

4 février 2008

La cherté des denrées alimentaires, les inondations, l’instabilité politique et une coopération internationale inadéquate sont en cause.

Quand il n’y a rien à manger, il y a encore de la terre. Le mélange, avec un peu d’eau, du sel et de la matière grasse végétale, donne une masse boueuse lisse. Découpée en rondelle plate et séchée au soleil, elle devient une sorte de “biscuit”, « pas appétissant et qui donne des maux de ventre », disent ceux qui en dégustent. Mais c’est bien le seul repas que prennent des milliers de Haïtiens trois fois par jour depuis quelques semaines. Autant dire que Haïti n’en finit pas sa descente aux enfers.

Comment en est-on arrivé là ? Charles Ridoré, un Fribourgeois d’origine haïtienne et ancien secrétaire romand de l’organisation caritative Action de carême, accuse d’emblée la classe politique de son pays natal. « L’instabilité et la guerre des clans ont empêché tout progrès. Les réformes, notamment agraires, n’ont pas eu lieu, et le pays importe l’essentiel des produits alimentaires de base », explique-t-il. En effet, la totalité de la farine consommée, soit 200.000 tonnes par an, est importée. Pour le riz, 75% de la consommation, soit 320.000 tonnes, vient de l’étranger.

Or, les prix du riz et de la farine ont pris l’ascenseur ces derniers temps sur le marché mondial. Les raisons sont multiples : mauvais temps, récoltes insuffisantes, fortes demandes de l’Asie émergente et utilisation de blé pour les biocarburants. « Pour les 6 millions de Haïtiens qui vivent dans l’extrême pauvreté, sur une population de 9 millions, la hausse des prix des produits alimentaires est insupportable », explique Mario Rapacosta, fonctionnaire à l’Organisation mondiale de l’alimentation (FAO), basée à Rome. Il fait aussi remarquer qu’il y a de moins en moins de vivres disponibles pour l’aide humanitaire.

Autre raison de cette catastrophe : Noël et Olga, deux cyclones tropicaux qui ont dévasté le pays en novembre et en décembre. « Ils ont frappé juste avant les récoltes des bananes plantains et des légumes et ont tout détruit », poursuit Mario Rapacosta. Selon lui, ce sont précisément les paysans des hauts plateaux qui ont tout perdu et qui sont aujourd’hui réduits à l’extrême pauvreté.

Marco Gilli, responsable de l’aide humanitaire suisse à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, n’est pas surpris que les gens démunis finissent par manger de la boue. « Nous voyons de plus en plus d’enfants à la campagne, ayant une teinte rouquine. C’est un indicateur fiable de l’extrême malnutrition », dit-il. La coopération suisse consacre environ 5 millions de francs par année à Haïti. L’essentiel est versé au Programme alimentaire mondial (PAM) qui achète et distribue les vivres.

Mario Rapacosta ne cache pas sa frustration face à cette situation. Il estime que le fonctionnement de la FAO, mais aussi de l’ensemble des organisations onusiennes et non gouvernementales, est en cause. « Nous agissons en cas d’urgence et négligeons les problèmes structurels, dit-il. Le travail de prévention des catastrophes - construction des infrastructures, éducation des paysans - passe à la trappe. »

Pour Charles Ridoré, il y a un autre coupable : les exportations subventionnées du riz, de la farine et d’autres denrées par les Etats-Unis et l’Europe. « Petit à petit, nos paysans ont abandonné les champs parce qu’ils ne pouvaient pas faire face aux importations à bas prix, explique-t-il. Aujourd’hui nous sommes dépendants des importations et payons le prix fort lorsque le marché international est à la hausse. »

Ram Etwareea,
Le Temps


Haïti en chiffres

Superficie : 27 750 km2
Capitale : Port-au-Prince
Population : 9 millions
Espérance de vie : 53 ans
PIB/habitant : 450 dollars
Population vivant avec moins de 2 dollars par jour : 78%
Population vivant avec moins de 1dollar par jour : 55%
Classement selon les Indicateurs du développement humain du PNUD : 146e sur 177
Population sous-alimentée : 46%
Aide internationale : 515 millions de dollars
Aide par habitant et par année : 60 dollars.
Dépenses publiques dans le domaine de la santé : 2% du PIB


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Messages

  • manger de l’argile set une vieille tradition en haiti,parfois quand les femmes sont enceintes,elles en mangent par envie et d’autres par habitude ils en mangent un tout petit peu,si vous pouvez faire le constat,seules les femment en mangent.Est-ce que ça veut dire que les hommes n’ont pas faim.Mes mais soyons sérieux,ces gens le font pour dénigrer notre beau Haiti.Ce n’est pas vraie,comment une personne peut-elle manger de l’argile 3 fois par jour,c’est une absurdité. Je suis haitiens, les gens qui font le reportage, sont des gens de mauvaise foi,ils ont besoin de l’argent pour leur ONG,ils disent n’importe qoi.Si haiti est véritablement dans cette misère atroce,pourquoi les étrangers quand ils arrivent en haiti,ils ne veulent plus retourner dans leurs pays ?
    Tout ça c’est de la propagande pour avoir des millions de dollards sur le dos des haitiens.

    Orange Rodlin
    From Haiti

    • Vous etes franchement incroyable. Je suis Haitienne et je n’ai jamais entendu parler de femmes qui mangent de la boue. Mais de quel coin du pays etes vous. En plus cette histoire est malheureusement vraie car je l’ai confirme avec des copains qui habitent Haiti. Le pays est devenue incroyablement pauvre et cela s’empire. Aujour’hui aucun etranger ou personne sensee voudrait habiter ou meme visiter un pays dans un tel etat. Comment les gens peuvent manger de la boue 3 fois par jour vous demander ? faut bien se rappeler que la population en Haiti creve de fin, ils mangeront n’importe quoi. Alors je comprends votre fierte haitienne qui refuse de croire que le pays est foutu, mais c’est vrai. Les haitiens d’aujourd’hui ne sont pas ceux, que moi, ou vous connaissiez dans les annees 60. Aujourd’hui, c’est un peuple violent, qui le devient de plus en plus car ils sont MISERABLES.

      anonyme

  • Famine : Manger de la boue.

    Celà me fait revenir en mémoire ce que me contait ma mère de la famine quelle a vécu : Manger de l’herbe ; puis à défaut gratter pour manger les racines de l’herbe ; puis enfin,à défaut encore : Manger de la terre.
    Et parfois à sec sans eau.

    Incroyable ? Vous avez raison.

  • "c’est le monde l’envers....contraire l’humanité !
    "Quand je pourrais je ferais de ma vie une consécration pour sauver les enfants du monde entier de la famine"

  • "cest le monde l’envers....contraire humanité !
    "Quand je pourrais je ferais de ma vie une conscration pour sauver les enfants du monde entier de la famine"


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