Conférence débat hier soir au Port avec Shantala Hoarau

Des jeunes mobilisés pour défendre La Réunion

11 mai 2005

Les jeunes Réunionnais ont soif d’information quand elle est digne de ce nom. On en a eu la preuve encore hier soir au Port. Un groupe de jeunes militantes et militants portois ont invité Shantala Hoarau, étudiante en histoire, spécialisée par son sujet de doctorat dans l’histoire des relations entre La Réunion et l’Union européenne, afin qu’elle anime une conférence débat. Une centaine de jeunes ont répondu à l’appel. Ils sont repartis avec une conscience renforcée des dangers que ferait courir le traité constitutionnel européen à La Réunion, à son économie, à son avenir - un avenir qui est le leur.

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La jeune conférencière a tout d’abord remonté le temps pour évoquer la place qui a été celle de La Réunion (et des autres DOM) dans l’Union Européenne depuis sa création. À partir de cette remarque en forme de boutade : "Les DOM ont toujours fait figure d’OVNI dans le paysage européen", elle explique que la règle vis-à-vis de La Réunion a été depuis l’origine celle de financements "au coup par coup". Le changement de regard s’opérera dans les années 80, grâce à l’action du député européen Paul Vergès, qui fut "porteur de la valorisation de l’identité domienne et réunionnaise". Plusieurs rapports sous son impulsion vont imposer un début de "vision globale de développement". Et on en arrive au traité de Maastricht (1992), où les DOM apparaissent mais sont cantonnés aux annexes, puis au traité d’Amsterdam (1996), où ils apparaissent en tant que Régions ultra-périphériques (RUP) légitimant des "mesures spécifiques".

Et Shantala Hoarau de s’interroger, face à un auditoire suivant de près son exposé, sur "ce que cette Constitution changerait dans les relations Réunion - Union européenne". Les réponses à la question posée sont claires pour tous ces jeunes manifestement désireux de comprendre la réalité de la situation de leur pays. Shantala explique en effet qu’avec la disparition dans le texte des "mesures spécifiques", on retourne plus de 30 ans en arrière, à l’époque du "coup par coup" et du "bon vouloir" des instances européennes, sur des mesures aussi vitales que la politique agricole, l’octroi de mer, la politique fiscale... C’est le fondement même des liens tissés avec l’Europe - placés sous le signe de la "dérogation", de l’"adaptation" - qui est ainsi "remis en cause".

Alors que de nouveaux pays de l’Union ont des régions extrêmement défavorisées, rien ne garantit plus le maintien des aides aux RUP. Il faut donc défendre les intérêts de La Réunion, en se mobilisant contre ce projet de constitution, qui, s’il passait, pèserait gravement sur au moins une génération.

Après l’exposé, place fut donnée à la discussion. Elle fut riche d’interventions qui se sont croisées à un rythme soutenu. Des questions trouvèrent leurs réponses. "Comment cette constitution a-t-elle été élaborée ?" (sans la moindre assemblée constituante !)... "La démocratie a-t-elle été respectée ?" (Non, bien sûr, le fonctionnement même des pouvoirs de L’Union prive les représentants des peuples de tout contrôle véritable)... "Quelle place y a-t-il pour la solidarité et le social ?" (Une réponse a fusé dans la salle : "Na point d’place !")... "Quelles conséquences pour l’emploi à La Réunion ?". À partir de cette dernière question, le syndicaliste qu’est Michel Séraphine, invité par les jeunes avec bon nombre de ses camarades du port, a répondu en faisant découvrir le danger mortel pour toutes les professions portuaires de la directive ‘de Palacio’, de la même veine que la directive Bolkestein, et qui est prête à ressortir de sa boîte dans le cas d’un oui gagnant. "Ce traité constitutionnel casse l’emploi, tue le service public, tire les salaires et les conditions de travail vers le bas" dit-il en terminant.
Après que Firose, une des responsables du groupe qui a organisé cette soirée réussie, eut invité chacun à expliquer autour de soi les raisons de voter NON le 29 mai, Monica Govindin s’exclama : "Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’on est des anti-européens ! Avec Paul Vergès et les forces progressistes, nous avons toujours été pour une Réunion forte dans l’Europe". Bonne conclusion pour une soirée d’un très bon niveau, encourageante et dynamique.

A. D.


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