12 janvier 2010, un séisme tue 250.000 personnes à Haïti

Deux ans après, le chaos persiste

12 janvier 2012, par Céline Tabou

Le 12 janvier 2010, Haïti subit un tremblement de terre de magnitude 7, causant la mort de près de 250.000 personnes. Ce séisme a entrainé une vague de migrations, la destruction de centaines de bâtiments publics et de milliers d’habitations. Parmi les principales difficultés subites par les Haïtiens, les problèmes sanitaires et sécuritaires restent encore aujourd’hui prioritaires.

Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde, après avoir vécu une série de cyclones en 2008, qui avait provoqué plusieurs centaines de morts et des dégâts matériels représentant près de 15% de la richesse nationale, le pays subit un nouveau choc.
12 janvier 2010, la terre tremble. Habitations, écoles, universités, bâtiments publics et routes ont été dévastés dans tout le pays, particulièrement dans la capitale Port au Prince et plusieurs villes voisines. Deux ans plus tard, la situation reste dramatique, bien que des infrastructures et logements commencent à se reconstruire.
Quelques heures après le séisme, l’aide internationale s’est organisée, à travers des aides financières venus de plusieurs gouvernements, grandes sociétés mondiales et célébrités. Présent de façon permanente en Haïti depuis 1994, le Comité international de la Croix Rouge a déployé un important dispositif pour secourir les victimes. Aujourd’hui, la Croix Rouge française a précisé dans un communiqué de presse, publiée le 11 janvier, que « les difficultés auxquelles est confrontée la population continuent ».

La lutte contre l’insalubrité

Selon l’ONG, « depuis (le séisme, NDLR), les urgences ont succédé aux urgences. L’année 2010 a ainsi été marquée par le passage du cyclone Tomas, des inondations successives, puis par deux épidémies majeures de choléra, en octobre puis en mai 2011. A cela s’ajoutent de très fortes vulnérabilités liées à la grande pauvreté de ce pays. » Les problèmes sanitaires après le tremblement de terre sont considérables, parmi lesquels l’incapacité des morgues et cimetières à inhumer les corps des 70.000 haïtiens mort au 6ème jour de la catastrophe ; le manque d’eau potable, les rations alimentaires standards ne servant à rien, faute de pouvoir les cuisiner et entre autre la propagation d’infections.
Malgré plusieurs campagnes de vaccinations contre certaines maladies, notamment la rougeole, les oreillons, la rubéole, la poliomyélite, la diphtérie, la coqueluche et le tétanos, une épidémie de choléra est apparue, en octobre 2010, dans le pays suite aux dégradations des conditions sanitaires, tuant en une année plus de 5.000 personnes.
Selon le communiqué de presse commun de l’Organisation panaméricaine de la santé, de l’Organisation mondiale de la santé, des Centres pour la prévention et le contrôle des maladies et de l’UNICEF, « à la date du 25 décembre 2011, Haïti a notifié 522.335 cas, 281.440 hospitalisations et 7.001 décès, ce qui fait de cette épidémie de choléra la plus importante au monde depuis des décennies ». Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement haïtien en collaboration avec la communauté internationale et la République dominicaine ont mis en œuvre des « stratégies cruciales de prévention et de contrôle afin de réduire le nombre affligeant de victimes du choléra et de sauver des vies », notamment l’amélioration de l’accès à l’eau potable à l’aide de la chloration de l’eau au point d’eau, au foyer, en milieu scolaire et dans d’autres endroits clés ; la promotion d’une hygiène sûre et d’autres pratiques préventives de santé publique et l’assurance des soins cliniques et d’un traitement de qualité au niveau des établissements de santé et de la communauté.

515.000 réfugiés dans des camps

Dix mois après le séisme, 70% des quelque 1.300 camps de réfugiés établis n’étaient toujours pas supervisés correctement par la communauté internationale, avait conclut un rapport de Refugees International (RI), le 8 octobre 2010. Aujourd’hui, ce sont plus de 515.000 personnes qui vivent encore dans les camps en Haïti, mais selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), « la situation est en voie d’amélioration mais que les fonds manquent pour sortir l’île de l’ornière ». En juillet 2010, 1,5 million de personnes résidaient dans des camps, depuis le nombre de réfugiés à chuté de 66%, passant à 515.819 dans 707 sites, a déclaré le porte-parole de l’agence onusienne, Jumbe Omari Jumbe, à "l’Humanité".
L’OIM fait état d’une population mixte, composée en grande partie de personnes sans abri déjà avant le séisme et de familles sans solution de relogement. « La population des camps est particulièrement vulnérable, c’est pourquoi il faut rester à leurs côtés et les accompagner vers un retour à l’autonomie » a indiqué la Croix Rouge dans un communiqué. Cependant, à l’instar des autres ONG, celle-ci fustige la dégradation des conditions sanitaires avec le temps, donc pour éviter que « la situation empire, il devient urgent que les habitants et les structures locales gèrent eux-mêmes les services, les infrastructures et l’aménagement de leur zone de vie ». C’est dans cet esprit qu’un programme de formation à la gestion et à la maintenance des abris d’urgence, des services de l’eau et de l’assainissement a été lancé récemment, en collaboration avec les organisations locales dans les camps et dans les quartiers a été mit en place par la Croix Rouge.
En dépit de toute la bonne volonté, « les acteurs humanitaires ne peuvent agir seuls sans la mise en œuvre de grandes politiques publiques de rénovation urbaine et de reconstruction qui seules permettront de trouver des solutions durables pour le plus grand nombre ».
Après avoir assisté à la destruction de certains ministères et lieux de pouvoir, les Haïtiens ont élu, fin 2011, l’ancien chanteur Michel Martelly, sous la bannière du parti jusque-là inconnu « Repons Peyizan » (Réponse des Paysans), qui devrait en 2012 répondre aux attentes de ses concitoyens notamment dans le domaine du logement. Car comme l’a indiqué AlterPress, 2012, année charnière sera également le moment de mettre en place un nouveau processus politique avec l’amendement constitutionnel, l’établissement du Conseil Électoral Permanent, ainsi que la mise en place du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la réalisation des sénatoriales partielles et le renouvellement des municipalités et autres pouvoirs locaux.

Céline Tabou



Haïti, entre les mains des Occidentaux

Dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, Lyonel Trouillot, romancier haïtien, fustige l’emprise des Occidentaux, « Il y a une notion que j’aime bien, c’est celle d’autorité discursive. On n’a jamais entendu un Haïtien définir le Québec, on n’a jamais entendu un Haïtien définir la France, mais on entend les Québécois, les Français ou les Américains définir Haïti. Voilà ce que j’appelle l’autorité discursive ». L’auteur dénonce l’injustice vécue par son peuple, « rien n’est plus terrible pour un peuple que de perdre la capacité de se nommer lui-même. Et c’est ce qui se passe avec Haïti. Lorsqu’on évoque ce pays, on écoute beaucoup plus les autres que les Haïtiens eux-mêmes, ce qui me semble être une injustice ».

Dans le même ordre d’idée, Frantz Duval, rédacteur en chef du "Nouvelliste", quotidien de référence du pays, « c’est tout le paradoxe de l’aide : il n’est pas souhaitable que les ONG s’en aillent, mais ce n’est pas soutenable non plus d’être aussi longtemps sous perfusion internationale. Durant ces deux ans, on n’a pas réfléchi comment le malade allait continuer à vivre sans sa béquille », a indiqué ce dernier au site Swissinfo.



N’oublions pas Haïti


Dans un rapport diffusé le 10 janvier, l’organisation non gouvernementale Oxfam international a annoncé que deux ans après le séisme, la reconstruction du pays se faisait lentement. De plus, les donations n’ont pas toutes étaient utilisées, ni envoyées comme promis.

L’ONG fustige les promesses de dons faites par certains gouvernements, car selon les Nations unies, dans une note datée de septembre 2011, « les donateurs n’ont déboursé que 43% des 4,6 milliards de dollars qu’ils ont promis en vue de la reconstruction en 2010 et 2011 ». A l’instar d’Oxfam, des ONG ont appelé à ne pas oublier Haïti.

La mobilisation internationale aura permis, selon l’État français, le transfert de 5,6 milliards de dollars, le déboursement de 2,4 milliards décembre 2011 sur les 4,5 milliards promis pour l’aide à la reconstruction et l’ajout de 650 millions additionnels et de 2,6 milliards d’aide humanitaire.

Lors d’une conférence de presse à Genève, la porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Elisabeth Byrs, a précisé que les bailleurs de fonds ne se détourneraient pas Haïti, même si la totalité des sommes versées n’ont pas été versées et des promesses non respectées. L’appel de fonds humanitaire pour le pays en 2012 devrait s’élever à 231 millions de dollars, nécessaires pour continuer les programmes humanitaires, dont le combat contre le choléra.

En dépit de toutes ces annonces, il manque des infrastructures, notamment des habitations, écoles, administrations et hôpitaux. Selon les normes sanitaires, il faut un hôpital pour 150.000 habitants, a expliqué à l’AFP un des responsables de la coordination des projets en Haïti pour l’ONG Médecins Sans Frontières, Kenneth Lavelle. Mais actuellement, il existe quatre hôpitaux accessibles gratuitement à Port-au-Prince, qui compte près de trois millions d’habitants.

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