De 15 à 25 États-membres : demain 1er mai, le grand rendez-vous

Élargissement : des conséquences pour La Réunion

30 avril 2004

L’élargissement de l’Union européenne (UE), qui passera demain à 25 membres est, à côté de la Fête des Travailleurs, le grand rendez-vous de samedi. Un rendez-vous qui ne pourra qu’avoir des conséquences pour La Réunion. Comme notre pays, la plupart des régions des 10 nouveaux États-membres sont éligibles à l’objectif 1 (aides destinées à combler les retards structurels). Dans un article que nous publions ci-après, la revue “Alternatives” donne quelques points de repères sur l’élargissement.

Jusqu’au conseil d’Helsinki de décembre 1999, une approche au cas par cas et incertaine de l’élargissement prédominait. Celui-ci était supposé résulter de l’application de critères de sélection, selon lesquels les candidats devaient, entre autres, être dotés d’une économie de marché susceptible de "faire face à la pression concurrentielle des forces du marché" et d’un régime démocratique respectueux des droits humains et des minorités. Mais, excepté le pluralisme politique, aucun pays candidat ne répondait à ces critères lorsque les négociations ont commencé en 1998 en privilégiant cinq pays d’Europe centrale, dits de la “première vague” : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovénie et l’Estonie. En réalité, en dehors sans doute de la Hongrie et de la Slovénie, leur situation économique n’était guère plus florissante que celle des autres pays candidats (la Lituanie, la Lettonie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie).

10 pays plus pauvres

La mise à l’écart de voisins immédiats avec lesquels des échanges majeurs et vitaux demeuraient a créé des frustrations chez les autres candidats. Elle soulevait également des interrogations sur la viabilité des nouvelles frontières de l’Union. Mais la guerre de l’OTAN au Kosovo (mars-juin 1999) a produit une dramatisation des enjeux géostratégiques. L’ensemble imposa le “big-bang” de l’élargissement en 1999 : le Conseil européen de décembre affirma comme choix irréversible l’intégration proche des dix candidats d’Europe de l’Est.
Tous ces pays ont subi, en plus de dix ans de transition “pacifique” aggravés par la crise et les guerres balkaniques, une dégradation sociale majeure. Au point que lorsqu’on parle hypocritement de “rattrapage” (en terme de PIB par habitant), il s’agit en fait pour tous ces pays de rattraper leur niveau... de 1989. De surcroît, la “croissance” s’est partout accompagnée des effets universels des recettes néolibérales : montée de la pauvreté, des inégalités et du taux de chômage, associés aux privatisations généralisées, à la suppression des protections sociales et nationales, à la flexibilité imposée du travail et à la perte de fonction sociale des États.
Au point que, vue de l’Europe de l’Est, l’adhésion à l’UE est perçue soit comme une interrogation croissante, soit, en partie, comme l’espoir d’un capitalisme moins sauvage en l’absence d’alternative progressiste crédible au plan national. Du côté des gouvernements de l’UE, si l’élargissement est perçu comme un moindre mal et le moyen de contenir les dynamiques les plus explosives, cela ne s’accompagne pas d’un changement de politique économique.

Les crédits maintenus à un niveau suffisant ?

Or les dix nouveaux membres sont à la fois plus pauvres et plus agricoles que la moyenne des 15 pays de l’UE : leur PIB cumulé est à peine celui des Pays-Bas. Ils sont aussi de petits pays (excepté la Pologne). Dans l’UE à 25 membres, six grands États concentreront 75% de la population. D’où les conflits accrus.
Les principaux enjeux seront en effet socio-économiques. Tous les nouveaux membres sont éligibles aux fonds structurels et à la Politique agricole commune (PAC) qui constituent l’essentiel d’un budget très faible de l’UE. La discussion du budget 2007-2013 s’avère déjà âpre. Si le budget est maintenu à son niveau actuel, il faudra soit donner moins aux nouveaux membres, soit prendre au Sud (Espagne notamment), pour donner à l’Est, soit donner moins à tout le monde. C’est une combinaison de tous ces processus qui est engagée : les paysans polonais ne recevront que 25% de l’aide que reçoivent les paysans français en 2004 avec alignement à 100% en 2013. Mais d’ici là, on aura revu l’aide à la baisse et la PAC elle-même.


Qui est “Alternatives” ?

Le journal “Alternatives” est un mensuel d’information internationale, nationale et culturelle publié par l’organisation bien connue de développement international du même nom. Il s’intéresse, depuis près de dix ans, aux grands enjeux qui bouleversent la planète et s’adresse à toutes les personnes qui ont soif d’information et entendent réfléchir sur le monde qui se fait.
Le journal “Alternatives” est maintenant publié en version intégrale à l’intérieur du quotidien “Le Devoir”, le dernier mercredi de chaque mois. Il publie des articles sur Internet à l’adresse suivante : http://www.alternatives.ca.


Conférence de presse du chef de l’État

L’élargissement : "une chance" pour la France

À deux jours de la naissance officielle de l’Europe à 25, le président de la République s’est attaché à dissiper l’euroscepticisme français lors d’une conférence de presse de près d’une heure et quarante-cinq minutes, consacrée principalement aux questions européennes.
Il a défendu le "pas de géant" franchi par l’Europe comme "une chance" pour la France. Insistant sur les atouts économiques et sociaux de cette Europe nouvelle, à l’heure où la France est confrontée à une hausse du chômage et à un net dérapage de ses comptes publics, Jacques Chirac a invité les Français à "se mobiliser" pour les élections européennes du 13 juin, afin de conférer à leur pays un poids et une influence "à la hauteur des enjeux".
"Je veux leur dire avec force combien l’avenir de la France et l’avenir de l’Europe sont intimement liés. L’Europe ne se substitue pas à nos nations, c’est une fédération d’États-nations", a-t-il insisté.
Dans cette perspective, il a mis en avant la singularité française en réaffirmant avec force que la France "se battrait" pour "une Europe qui marche", dans le cadre des négociations sur la future Constitution européenne, dont il juge toujours l’adoption "nécessaire et possible" au sommet des 17 et 18 juin. Au sujet du choix du mode de scrutin qui sera utilisé pour ratifier la Constitution européenne, Jacques Chirac a précisé qu’"il y a deux procédures en France pour ratifier un traité : la procédure parlementaire et la procédure du référendum. L’une et l’autre ont été utilisées dans le passé pour la ratification des traités européens. Il est pour moi prématuré de trancher en faveur de l’une ou l’autre option".
Par ailleurs, le chef de l’État a jugé que le projet de budget de la Commission européenne pour la période 2007-2013, qui dépasse en dépenses cumulées 1% du PIB de l’UE à 25, n’était "pas cohérent".
Les six pays contributeurs nets au budget communautaire (versant plus au budget qu’ils n’en reçoivent), dont la France et l’Allemagne, avaient demandé en décembre dans une lettre commune que ce budget ne dépasse pas 1% du revenu national brut. "On ne peut pas, notamment dans une période de croissance faible, dont nous sortons mais dans laquelle vivons depuis deux ans, leur demander une augmentation importante de leur dépense budgétaire", a affirmé le président.


La Turquie dans l’UE : "dans dix à quinze ans"

Sur l’autre débat lié à l’élargissement, l’adhésion de la Turquie, Jacques Chirac n’a pas hésité en revanche à contredire son propre camp en estimant qu’Ankara avait "une vocation européenne" et que son intégration ferait pièce aux tenants de la confrontation entre Occident et Islam. La direction de l’UMP, par la voix d’Alain Juppé, s’est clairement prononcé contre l’entrée de la Turquie.
Le chef de l’État s’est toutefois montré extrêmement prudent sur les perspectives d’adhésion de ce pays-candidat, "qui ne remplit pas aujourd’hui les conditions", évoquant une possible intégration "dans dix à quinze ans".


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