Chine

Explosions à Tianjin : conséquences économiques et politiques à prévoir

19 août 2015, par @celinetabou

A 150 kilomètres à l’est de Pékin, Tianjin abrite 14 millions d’habitants et est l’un des ports les plus actifs au monde. Le lieu des explosions est situé à « Binhai New Area », la nouvelle zone portuaire de Tianjin. Ce district a récemment connu une croissance exponentielle avec la construction de nouveaux parcs industriels et de bâtiments.

Les explosions du 14 août à Tianjin auront un impact sur l’économie de la région mais également du pays, car le port de Tianjin transite des milliers de conteneurs de minerai de fer, charbon, pétrole et d’autres matières premières importées par des sociétés chinoises. Au-delà des enjeux économiques, le manque d’information venant du gouvernement est une source de mécontentement de la part des familles des victimes.
Certaines d’entre elles veulent savoir comment vont leur proche, principalement des pompiers et force de police, d’autres veulent être indemnisées rapidement et être relogées. En effet, plusieurs centaines de familles ont vu leurs habitations soufflées par les explosions. Elles attendent désormais des actions concrètes de la part des autorités :
« Propriétaires de Harbour City, nous aimons le Parti, nous faisons confiance au gouvernement, et nous plaidons pour que nos appartements soient rachetés » par les autorités, indiqué en caractères blancs, une banderole rouge.

Un port durement touché

Pour permettre ce développement rapide, le gouvernement a mis en place des lois spéciales et des restrictions de propriété visant à favoriser le commerce international. Cette législation a permis à Tianjin d’être le 11e port au monde avec un trafic de marchandises dense. Ainsi, 14 millions de conteneurs standards ont été transportés en 2014, selon Alphaliner.
« Tianjin est un port absolument énorme… il a une importance capitale dans le commerce de biens, il approvisionne tout le nord de la Chine et en particulier la ville de Pékin », a expliqué un transporteur au Wall Street Journal, relayé par Les Echos.
Cependant à l’heure actuelle, certaines grandes compagnies ont décidé de faire appel à d’autres ports pour faire transiter leurs marchandises. Ainsi, le constructeur d’automobiles japonais Toyota a expliqué que les importations et exportations au port de Tianjin était « en cours d’évaluation ».
Ce dernier devrait faire comme son concurrent Mitsubishi Motors, qui a fait appel à d’autres ports pour ajuster les livraisons aux concessionnaires « et ainsi minimiser l’impact pour les clients », d’après ce dernier. De son côté, Volkswagen a annoncé qu’elle redirigera ses flux d’importation vers le port de Shanghai, où près de 2.000 véhicules auraient normalement dû transiter par Tianjin.

Un ralentissement économique avéré

Ce port est un véritable intermédiaire pour le commerce national et international, les explosions devraient avoir des répercussions importantes sur l’acheminement des marchandises.
Sur le plan national, certaines usines chinoises comptent sur le site de Tianjin pour transporter leurs produits et importer du minerai de fer, du charbon, du pétrole et d’autres matières premières. Pour Nicolai Hansteen, spécialiste du courtage maritime au Wall Street Journal, « les explosions pourraient avoir un effet immédiat sur le prix du minerai de fer importé par les sidérurgistes ».
Sur le plan international, près de 285 sociétés du classement « Global 500 » du magazine Fortune sont présentes à Tianjin. Le spécialiste américain des engins agricoles, John Deere, a décidé de fermer pour une durée “indéterminée” son site de production qui lui permettait d’alimenter une grande partie du marché asiatique. De son côté, Toyota a indiqué un arrêt de la production de trois jours.
Ainsi, en plus de la catastrophe humaine, l’explosion de mercredi soir pourrait avoir des conséquences sur l’économie du pays et le commerce international. D’autant que le drame s’est produit dans une zone qui précède le port industriel, un lieu où les marchandises sont stockées et une zone de transit pour les exportations industrielles.

Les assureurs et banques vivement sollicités

Le coût des préjudices causés par les deux énormes explosions pourrait s’élever à près de 1,3 milliard d’euros pour les assureurs, selon les analystes de Credit Suisse. Le gouvernement chinois a appelé les institutions financières à payer rapidement et à participer aux efforts après les explosions. Elles devront également mettre en place un service spécial pour accueillir les réclamations des sociétés touchées de près ou de loin par la catastrophe.
Pour faire face à l’ampleur des retombées économiques à venir, la commission de réglementation de l’État, la China Securities Regulatory Commission, a demandé de l’aide à la Banque pour le développement de la Chine, afin qu’elle subvienne aux besoins des entreprises avec des prêts d’urgence.
Les institutions chinoises tentent désormais de répondre rapidement aux attentes des entreprises, d’autant que les explosions seraient dues, selon le quotidien suisse Le Temps, à la passivité des autorités et aux malversations de la société Rui Hai.
Pour le moment les raisons exactes de la catastrophe ne sont pas connues, cependant pour le quotidien suisse, plusieurs pistes sont avancées. D’une part, la société Rui Hai, spécialisée dans le transit de produits chimiques dangereux, n’aurait pas respecté la réglementation du port de Tianjin. Par la suite, certaines entreprises avaient signalé la présence de fuites, mais les autorités n’auraient pas tenu compte de leurs réclamations.
Ne connaissant pas la nature des substances stockées, les pompiers auraient déclenché les explosions, en aspergeant d’eau les zones incendiées, où se trouvaient certains produits, dont le cyanure de sodium. Dans le cas où cette hypothèse s’avérait vraie, les autorités locales pourraient être directement incriminées dans cette catastrophe.

Manque de transparence et doutes

D’autant plus que les familles ne décolèrent pas face au manque d’information concernant les pertes humaines sur le site et aux alentours. En effet, une autre piste circule : celle de la corruption. Plusieurs médias chinois ont pointé du doigt le non-respect de la distance minimum exigé entre les habitations et les entrepôts à risque. Il semblerait que la société Rui Hai ait profité de ses relations avec plusieurs responsables de la ville pour construire ses locaux.
Le sinologue Jean-Pierre Cabestan a expliqué à Le Temps que les conflits d’intérêts s’ils sont avérés expliqueraient le « cafouillage des autorités, qui ont d’abord tenté de minimiser l’affaire. » Arrivé dimanche 16 août sur les lieux, le premier ministre, Li Keqiang a fait de cet évènement « une catastrophe nationale », mais le sinologue doute des promesses de transparence mises en avant par le Premier ministre.
Selon lui, « cette catastrophe soulève beaucoup de questions sur la culture de la gestion du risque en Chine et montre que le goût du secret met en danger des vies. En réalité, la sécurité de l’Etat passe avant celle des citoyens ». En effet, le gouvernement tente de rassurer la population sur les effets potentiels pour la santé des riverains et sur l’environnement dans la région. Mais il ne donne pas d’informations détaillées ni sur la cause des explosions ni sur les produits chimiques les ayant provoquées.
Interrogé par l’Agence France Presse, Willy Lam, spécialiste de politique chinoise à l’Université de Hong Kong a expliqué qu’"il y a un manque patent de transparence. Ils ne veulent pas publier toutes les informations à la fois, et cherchent surtout à calmer le public. L’ampleur réelle du désastre n’a pas été dévoilée pour l’instant. »

A la Une de l’actuChine

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus