Billet philosophique

Faut-il privilégier la raison ou les sentiments ?

17 avril 2009, par Roger Orlu

Dans le fonctionnement du cerveau humain, il y a d’innombrables atouts à valoriser, dans les domaines de la perception, de la mémoire, des sentiments, de la raison, de l’intelligence etc… L’éducation parentale et scolaire a un grand rôle à jouer dans ce domaine. Mais les conditions de vie et le système social déterminent également en bonne partie la façon dont ces différents facteurs intellectuels et mentaux vont fonctionner.
Nous avons déjà consacré deux "billets philo" à l’une des multiples expressions des dysfonctionnements cérébraux, à savoir : l’énervement. Et mes deux petits-enfants, âgés de 9 et 13 ans, avaient même apporté leur réflexion "philosophique" à ce problème en posant les questions suivantes : Pourquoi s’énerver ? Et que devons-nous faire pour éviter les énervements ?

Le poids des frustrations

En dehors des énervements, nous constatons tous les jours que les rapports entre les humains sont caractérisés en grande partie par des comportements liés à des sentiments plutôt qu’à la raison. Autrement dit, ce qui est privilégié ce sont les impressions plutôt que l’analyse ; les émotions plutôt que l’examen serein d’un événement ou d’une situation donnée ; les réactions impulsives plutôt que l’attitude cool et zen ; les postures irrationnelles voire démentielles plutôt que les positionnements intelligents.
Il en résulte des comportements agressifs et même violents, plutôt que des attitudes de dialogue et d’écoute de l’autre pour tenter éventuellement de le convaincre avec des arguments, au lieu de le menacer et de se défouler. Mais quelles sont les causes de ces phénomènes, où les sentiments prennent le pas sur la raison ?
Il semble que c’est en grande partie le poids des frustrations. Plus une personne est frustrée, plus elle est impulsive et réagit comme une écorchée vive.

La richesse des sentiments et les frustrations justifiées

Mais attention : il ne faut pas tout mélanger ni tout confondre.
Ainsi, toutes les émotions ne sont pas négatives voire dangereuses. Et la richesse de certains sentiments est une réalité à prendre en compte. C’est même un atout à valoriser. On pense aux sentiments d’amitié, de sympathie, de pitié, d’affection, d’amour, de tendresse. On pense aux émotions suscitées par les injustices, les discriminations et toutes les autres atteintes aux droits humains. Lorsque la colère des justes débouche sur la rébellion et la résistance à l’oppression, cela n’a rien d’insensé, bien au contraire.
De même, il ne faut pas avoir une appréhension trop partielle des causes de la frustration. Par exemple, comment peut-on dévaloriser les frustrations qui proviennent de la vie de souffrance imposée aux personnes opprimées et méprisées de notre société ? Comment peut-on ne pas comprendre les frustrations qui proviennent du chômage, du manque de logements, des discriminations de toutes sortes qui marquent notre société néo-coloniale ? Ce sont des frustrations dont nous devons chaque jour dénoncer et combattre les causes.

Est-ce l’envie qui doit commander notre vie ?

Les envies mesquines non satisfaites ne sont donc pas les seules sources de frustrations. Et si certaines personnes subissent les effets de leurs frustrations accumulées, on en mesure l’ampleur dans la mauvaise qualité de leurs relations avec les autres. Mais il est toujours important de voir d’où proviennent ces frustrations.
Lorsque des personnes accordent la priorité, dans leur existence, à leurs désirs et leurs instincts égocentriques, à leurs envies et ambitions personnelles, à leurs rêves ou fantasmes dans leur tour d’ivoire, quel est le sens de leur existence. Leur priorité n’est pas le service de l’autre, la relation fraternelle ou l’affection inscrite dans la durée.
Si l’on veut élever le niveau de notre conscience politique pour renforcer toujours davantage la cohésion et la solidarité sociale, il y a un choix fondamental à faire, des habitudes à changer et des remises en cause personnelles et collectives permanentes à effectuer. Tout cela repose sur notre réponse à la question suivante : est-ce l’envie égoïste qui doit commander notre vie ? Ou bien est-ce le devoir de lutter contre toute forme d’injustice et de construire la fraternité ?
Il suffit de voir ce que privilégie le pouvoir économique, politique et médiatique dominant pour comprendre la clarté de ce choix.

Roger Orlu

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