Référendum du 29 mai

Femmes, sept raisons de voter “non”

17 mars 2005

Contraception, avortement... le projet de traité constitutionnel s’aligne sur les pays où ces droits ne sont pas reconnus. ’Cinquante-deux pour cent de l’électorat !’, s’exclame l’économiste Béatrice Majnoni d’Intignano dans une tribune publiée par “le Figaro” en se demandant comment les femmes voteront le 29 mai prochain lors du référendum sur le projet de constitution européenne.

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"Si le scrutin est serré, comme lors de la ratification du traité de Maastricht en 1992, l’attitude des femmes se révélerait déterminante en termes d’abstention comme d’adhésion", souligne Béatrice Majnoni d’Intignano, avant de réclamer "un effort de pédagogie" dans leur direction. Avec, selon elle, un argument massue : "La construction européenne est favorable aux femmes."
Et, si elle appelle Valéry Giscard d’Estaing à la rescousse, ce n’est pas en tant qu’auteur du projet de Traité constitutionnel, mais parce que, comme ancien président de la République, il "aurait une vraie légitimité pour s’adresser aux femmes pour voir fait voter la loi sur l’IVG et la contraception". Sur la teneur du projet lui-même, motus et bouche cousue.
Dans quelques semaines, c’est à ce texte qu’il faudra pourtant dire “oui” ou “non”. Mais Béatrice Majnoni d’Intignano, comme tous les partisans du “oui”, semble rechigner à en faire découvrir le contenu précis. C’est que, en y regardant de plus près, les femmes et tous ceux qui sont engagés dans le combat féministe peuvent y trouver au moins sept bonnes raisons de voter “non”.

1- Les conquêtes menacées

Le droit à la contraception et à l’avortement

Les groupes anti-IVG qui ont fait du "droit à la vie" leur slogan ne peuvent qu’être satisfaits de constater que celui-ci est devenu l’intitulé de l’article II-62 de la charte des droits fondamentaux alors même que le droit à la contraception et à l’avortement n’est reconnu nulle part. Or, ce droit des femmes à disposer librement de leur corps a été obtenu, en France en particulier, à l’issue d’une lutte âpre des femmes et des associations féministes. Dans plusieurs pays européens (Pologne, Portugal, Irlande, Chypre, Malte) ce droit n’est pas reconnu. Or, c’est sur la situation dans ces pays que le projet de Traité constitutionnel s’est aligné.

Le droit au divorce

Article II-69 : "Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice." Nulle part il n’est fait mention au droit au divorce.

Le droit de vivre sans violence

La reconnaissance du viol comme un crime a été en France l’objet d’un combat, comme l’est encore aujourd’hui le refus de la banalisation des violences faites aux femmes. Mais le projet de constitution ignore les milliers de femmes qui meurent chaque année en Europe, victimes de ces violences. Et il ne dit rien du viol.

La parité

L’article I-46 qui énonce le principe de la démocratie représentative ne prend pas en compte le principe d’une égale représentation des femmes et des hommes. Non seulement il n’inscrit pas la parité dans le texte, mais il n’en fait même pas un objectif.

La laïcité

Concernant les rapports avec les Églises, l’article I-52 précise que "reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintien un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Églises". En revanche, il n’est pas fait référence à la laïcité ou à la séparation des Églises et des États dans l’article I-2 consacré aux valeurs de l’Union. Ce refus d’affirmer le principe de laïcité doit être mis en rapport avec la non-reconnaissance des droits à la contraception, à l’avortement, au divorce et signe une mise en cohérence lourde de dangers pour les femmes.

2- Le libéralisme ravageur

Les services publics en danger

Article I-3-2 : "L’union offre à ses citoyens [...] un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée." Article III-166 : "Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général [...] sont soumises aux dispositions de la constitution, notamment aux règles de la concurrence [...]." Ces articles et plusieurs autres allant toujours dans le même sens programment la casse des services publics. Crèches, écoles, santé... les femmes sont touchées de plein fouet car ce sont elles qui sont mises à contribution lorsque le collectif se dérobe et que les solidarités s’affaiblissent.

L’emploi

Pas de "droit au travail" dans le projet de Traité constitutionnel mais seulement "le droit de travailler" et "la liberté de chercher un emploi" (Article II-75). L’objectif est aussi de "promouvoir une main-d’œuvre [...] susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie" (Article III-203). Quant à un SMIC européen, il n’en est pas question ! En fait le projet de Traité institutionnalise temps partiel, flexibilité et salaires partiels ouvrant la voie à l’accentuation de la surexploitation des femmes massivement employées dans ce type d’emploi.


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