Moyen-Orient

Fernand Tuil : quinze ans de solidarité avec la Palestine

Le jumelage entre villes françaises et camps de réfugiés palestiniens :

9 janvier 2004

Inaugurant le 22 décembre dernier une série d’articles sur la solidarité, ’l’Humanité’ est allé à la rencontre de Fernand Tuil, de l’Association pour le jumelage des villes françaises avec les camps de réfugiés palestiniens. Cela fait plus de quinze ans qu’il milite pour rapprocher les peuples de cette façon. La première pierre de ce grand œuvre fut le jumelage de sa ville de Montataire, une municipalité dirigée par le PCF, avec le camp de réfugiés de Daisheh, près de Bethléem.

Comment une telle idée est-elle venue à Fernand Tuil, né à Tunis dans une famille juive dont la plupart des membres sont aujourd’hui israéliens ? « J’ai découvert le peuple palestinien en 1968 », raconte Fernand. « J’avais dix-huit ans et, dans la foulée de mai 68, j’étais parti vivre quelques mois dans un kibboutz, comme d’autres à l’époque sont allés dans les Cévennes ou sur le Larzac, avec surtout l’envie de vivre en communauté. Là, j’ai rencontré un ouvrier agricole palestinien qui m’a ouvert les yeux. Il habitait Jérusalem-Est. Il m’a fait découvrir sa famille et son peuple. Je suis rentré en France, mais, depuis ce temps-là, il y avait une petite lumière qui s’allumait en moi chaque fois qu’on parlait de la Palestine. J’ai commencé à devenir actif en 1982, après Sabra et Chatila. J’ai été horrifié par ce qui s’est passé là et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Pendant six ans, j’ai frappé à toutes les portes. Finalement, j’ai réussi à faire venir des enfants des camps de Baddaoui et Dar el Bared à Montataire, complètement traumatisés. C’était en 1988. Je n’oublierai jamais cela. Les jeunes sont arrivés dans un état de santé lamentable. Ils tremblaient de tous leurs membres quand ils voyaient un uniforme et couraient se cacher quand ils entendaient un avion. C’est l’année suivante que le maire de Montataire, Maurice Barbier, a eu le courage de jumeler sa ville avec Daisheh ».

Des grillages au mur

Courage, c’est bien le mot. Il fallait oser, en 1989, en pleine Intifada, aller en délégation dans ce camp de réfugiés parmi les plus déshérités de Palestine occupée. Les accès du camp étaient condamnés par d’énormes blocs de béton, sauf un, gardé en permanence par des soldats qui, de temps à autre, faisaient une "descente" dans les ruelles étroites et sans éclairage à la recherche d’un "suspect" à arrêter, défonçaient quelques portes, recevaient des pierres et répondaient par des balles.
C’était le temps de la première Intifada, celle que l’on a appelée "la révolte des pierres", qui devait déboucher sur la conférence de Madrid en 1991, et entraîner dans la foulée les accords d’Oslo, avec la reconnaissance de l’OLP par Israël et d’Israël par l’OLP.
Depuis les événements se sont précipités. Les barbelés et les grillages qui cernaient Daisheh et les autres camps de réfugiés, en Cisjordanie et à Gaza, sont tombés avec la mise en place de ce que l’on a appelé "l’autonomie". Un fantôme de semi-liberté évanoui avec l’échec d’Oslo et la seconde Intifada.
Les réfugiés sont toujours là, de plus en plus misérables et délaissés. Et des murs - de béton cette fois, ornés de miradors et cernés de fossés comme des châteaux forts - sont en train de pousser autour d’eux et de tous les Palestiniens de Cisjordanie. Comme si Israël, pour se débarrasser du problème, avait décidé de mettre tout un peuple en prison.

70 villes françaises engagées

Tout au long de ces quinze années où l’Histoire s’est précipitée, Fernand Tuil et son association ont continué leur travail sans jamais se décourager. « Au début », raconte Fernand, « c’était difficile. Il a fallu s’apprivoiser mutuellement entre habitants de Montataire et de Daisheh. J’ai eu la chance de rencontrer Ahmed Muhaissen, un type génial qui a tout de suite compris l’intérêt qu’il y avait à tisser de tels liens entre réfugiés palestiniens et Européens. On a mis des gens en contact, puis des associations, et finalement d’autres villes françaises avec d’autres camps de réfugiés, dans les territoires palestiniens et au Liban. Aujourd’hui, il y a 70 villes françaises dans le circuit, en majorité de gauche bien sûr, mais pas seulement ».
Pas plus tard que la semaine dernière, cinq villes de l’Aisne se sont jumelées avec le camp de Badawi (Liban), dont une délégation a été reçue par le président du Conseil général, en présence de Leïla Shahid. La déléguée générale de Palestine en France a toujours très vivement encouragé les contacts directs entre les sociétés civiles palestinienne et française, persuadée que la « coopération décentralisée » est aussi importante que les relations de gouvernement à gouvernement, « car c’est entre les gens que se tissent les vraies solidarités ».

Un maître mot : l’échange

Quand on demande à Fernand Tuil quelles sont, concrètement, les actions les plus importantes menées ces quinze dernières années, il répond sans hésiter : « La plus importante, c’est le contact avec l’autre. La première preuve de solidarité, c’est d’aller là-bas, de voir la situation sur le terrain, d’écouter ce que les Palestiniens ont à dire et de connaître leur vie telle qu’elle est. En novembre, j’ai conduit une délégation à Jénine. On a mis des heures pour parcourir 60 kilomètres et on s’est heurté à dix barrages qui nous ont tous rejetés. On a fini par passer par les collines. On a trouvé une situation terrible. Des gens qui crèvent littéralement de faim. Mais il y a pire : cette jeunesse enfermée dans des ruines, qui ne rencontre que des soldats et des colons. Quand j’ai demandé au responsable du camp de quoi il avait le plus besoin, il a dit : "Aidez nous à faire entrer nos jeunes dans la vie, à leur arracher la haine du cour et à leur donner de l’amour". J’ai trouvé cela extraordinaire et très poignant. Pour répondre à cette demande-là, il n’y a qu’une chose : l’échange. Rien n’est plus fort que cela. Les échanges entre les jeunes, entre les classes via Internet. Les jeunes qu’on invite en vacances chez nous, comme ceux qui sont venus cette année à Stains ou à Avion. Les échanges culturels, comme la tournée des enfants du théâtre du camp d’Aïda, l’été dernier ».
Il y a aussi l’aide à la formation professionnelle : des ingénieurs hydrauliques en formation dans la région de Grenoble, une femme médecin vient de retourner au camp de Jabalya, près de Gaza, après avoir reçu une formation très pointue en matière d’accouchements difficiles.
Quelques exemples parmi beaucoup d’autres, impossible à citer tous, comme les projets de toutes sortes, qu’ils viennent des villes ou des associations qui, dans les villes jumelées, sont à l’origine de bien des actions. L’un d’eux tient tout particulièrement à cour à Fernand Tuil : réunir en France, avec des femmes françaises, au printemps prochain, des représentantes des camps de réfugiés. « Je rêve de réunir des femmes qui ne se rencontrent jamais, y compris d’ailleurs quelques femmes israéliennes, et de leur donner la parole, surtout aux femmes palestiniennes, qui vivent dans un monde très machiste. Car, avec l’aggravation de la situation, il y a un retour en arrière très inquiétant en ce qui concerne la condition de la femme dans les camps de réfugiés. Cela pourrait déboucher sur l’élaboration d’une charte des femmes. Une charte pour faire avancer la paix et pour commencer à changer ce monde ».

Conspué par les extrémistes de son parti qui refusent l’existence du peuple palestinien en Palestine, critiqué par les dirigeants palestiniens
Ariel Sharon veut fixer arbitrairement la frontière entre États palestiniens et israéliens
Confronté à l’aile la plus extrémiste du Likoud, son parti, qui l’accuse de « trahison » parce qu’il envisage d’appliquer son "plan de séparation unilatéral" (démantèlement de quelques colonies, évacuation d’une partie des territoires occupés, fixation arbitraire d’une frontière) si Israël et l’Autorité palestinienne ne parviennent pas à un accord dans le cadre de la "feuille de route", Ariel Sharon s’est exprimé lundi soir devant les 3.000 délégués à la convention de son parti. Il s’agissait pour le Premier ministre de défendre sa politique face à une assemblée majoritairement composée d’éléments d’extrême droite, pour lesquels le "plan de séparation" est d’autant plus inacceptable qu’il permettrait la création d’un petit État palestinien.

Composée d’activistes comme Moshé Feiglin (un proche de la mouvance d’où est issue l’assassin de Yitzhak Rabin) et d’intellectuels nationalistes comme Dov Shilansky (un ancien président de la Knesset qui accuse Sharon de « renier le fondement de notre idéologie basée sur le grand Israël »), la coalition extrémiste du Likoud n’a pas le pouvoir de forcer le Premier ministre à quitter son poste. Mais elle peut paralyser son action en faisant voter par les délégués une motion obligeant « tout ministre à en référer aux instances du parti avant de prendre une décision politique ». Ou en convainquant la convention d’approuver une résolution obligeant tout élu du Likoud qui prendrait une position contraire à celle du comité central à abandonner ses mandats pour redevenir simple militant de base.

Certains des 800 projets de résolution présentés lundi soir à cette convention proposent aussi de transférer aux délégués le droit de désigner les futurs candidats du parti à la fonction de Premier ministre, de membre du gouvernement et de député. Ce qui leur permettrait d’éliminer les "modérés" et de choisir des personnalités encore plus extrémistes que les ministres du Likoud déjà en place. D’autres projets proposent d’inscrire dans les principes fondamentaux du parti l’obligation de procéder au "transfert" des Palestiniens vers d’autres pays arabes. L’un tente même de rallier des soutiens pour proposer la création d’un État palestinien indépendant… dans le Nord de la Syrie.

Du délire ? C’est le terme qu’emploient les chroniqueurs politiques de l’État hébreu pour définir le vent de folie qui semble s’être emparé des délégués à la convention du Likoud.

De leur côté, les travaillistes israéliens demeurent sceptiques sur la volonté d’Ariel Sharon de faire des concessions territoriales importantes aux Palestiniens. Ainsi le chef du parti travailliste, Shimon Pérès, a estimé que le discours du Premier ministre ne contenait rien de neuf. « La permanence de l’autorité de ce gouvernement promet seulement une confrontation constante et une plus grande détérioration de notre réputation dans le monde », a-t-il déclaré.

De son côté, le ministre palestinien Saeb Erekat a déclaré « que Sharon parle ou pas, sur le terrain, cela se passe comme d’habitude », évoquant l’extension des colonies juives et la construction de la barrière de sécurité en Cisjordanie.

Quant à Yasser Arafat, il a accusé hier le Premier ministre israélien Ariel Sharon de ne pas vouloir la paix après qu’il a menacé d’appliquer un plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, tout en leur faisant miroiter un État. Le président palestinien a rappelé que le mur continue à se construire, que la répression ne cesse pas, et que le gouvernement israélien tente de faire tout son possible pour faire échouer la "feuille de route". Les dirigeants d’Israël ont déjà déposé 14 réserves sur la "feuille de route", a souligné le président palestinien.


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