La fédération socialiste va-t-elle le fustiger ?

Henri Emmanuelli en campagne pour le “non”

5 mars 2005

Tour à tour Jean-Claude Fruteau et Gilbert Annette ont récemment critiqué les partisans du “non”. Vont-ils mettre au pilori Henri Emmanuelli qui fera campagne pour le “non” ? Vont-ils faire ce que n’ose pas faire la direction nationale du PS ?

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Vendredi 18 février, invité à prendre la parole dans une conférence-débat sur l’Europe, Jean-Claude Fruteau appelle à voter “oui” au référendum sur le projet constitutionnel européen. "L’élu socialiste y est allé de sa vindicte contre les partisans du “Non”. “Je n’apprécie guère le débat actuel sur la question. Si la discussion est nécessaire et légitime, elle doit rester honnête intellectuellement", écrit le “JIR”. Le député européen dénoncera les "absurdités" et "lectures partisanes" des militants du “non”.
Va-t-il tenir le même discours à l’encontre d’Henri Emmanuelli ? Le député des Landes, après plusieurs mois d’hésitation, vient d’entrer en campagne pour le “non”. Il l’a officiellement annoncé mercredi lors d’une conférence de presse : il mènera campagne. Plus seulement contre la directive Bolkestein ou les sorties ultralibérales de certains commissaires européens, mais bien pour le “non” au projet de Constitution européenne. Après Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez, l’ancien premier secrétaire du PS et ancien président de l’Assemblée nationale juge la situation "assez grave" pour entrer à son tour en piste. Il s’en explique longuement dans une lettre adressée "aux militants socialistes".
Le député des Landes a longtemps hésité, tiraillé entre "ses convictions" et sa "fidélité au parti". Mais il se dit aujourd’hui "surpris par le contenu du "oui" socialiste". "On est passé d’un PS unanimement réticent [avant que Jacques Chirac n’annonce la tenue d’un référendum - NDLR] à une campagne enthousiaste, dithyrambique", critique-t-il, fustigeant au passage ceux de ses camarades qui voient dans le traité des garanties contre les directives de type Bolkestein.
Les chaleureux applaudissements qui ont accueilli le discours du chef du gouvernement espagnol, le socialiste José-Luis Rodriguez Zapatero, mardi, dans les rangs de droite de l’Assemblée nationale, ont achevé de le convaincre de l’impossibilité de faire vivre un "oui de gauche" face à Jacques Chirac. Il est clair, de son point de vue, que le positionnement du PS empêche "l’opposition à un gouvernement qui poursuit son entreprise de démolition sociale, et qui n’a plus qu’un seul viatique : obtenir le "oui"". Fervent partisan, en 1992, du traité de Maastricht, Henri Emmanuelli voit désormais dans la volonté de substituer au clivage gauche-droite un clivage opposant européens et anti-européens "une vieille tentation", "une mystification dangereuse pour la démocratie". "Refuser cette orientation libérale de l’Europe signifierait un ralliement au camp des anti-européens. En réalité, on essaie aujourd’hui d’obtenir le feu vert de la gauche pour finir de légitimer cette construction libérale", déclare-t-il.
Henri Emmanuelli fera donc campagne. Mais en solo, pour l’instant. Son angle d’attaque : les délocalisations, parce qu’il faut "parler de choses concrètes aux gens". Et parce qu’il y voit la conséquence ultime et obligée de la libéralisation et de la levée de toutes les entraves à la libre circulation des capitaux et des marchandises. "Les délocalisations ne sont pas un phénomène marginal, elles vont devenir un problème central, car toutes les activités, à haute comme à faible valeur ajoutée, sont potentiellement délocalisables", argumente-t-il, promettant d’engager "un tour de France des délocalisés".
Voyant dans l’adhésion des socialistes au Traité constitutionnel une "erreur historique de la social-démocratie", l’ancien premier secrétaire du PS regrette que celle-ci ait abandonné le terrain de "la protection de l’industrie et des salariés", - ouvrant "un boulevard à l’extrême droite". Et de conclure, un brin grandiloquent : "Entre ma conscience et mon parti, je choisis ma conscience".
La direction du PS ne prendra aucune sanction contre lui. Mais ayant commencé sa campagne en exprimant toute sa hargne contre les partisans du “non”, la fédération socialiste va-t-elle inclure dans sa réprobation le député des Landes ?


La défection d’Annette

Le Parti socialiste reconnaît en son sein l’existence de courants. Lors du dernier congrès, face au courant majoritaire rassemblé autour de François Hollande et de Laurent Fabius, d’autres mouvements s’étaient constitués : celui d’Henri Emmanuelli, celui d’Arnaud Montebourg ou encore celui de Marc Dolez. À La Réunion, mécontents de l’attitude du courant majoritaire à leurs égards, Michel Vergoz et Gilbert Annette avaient défendu et soutenu les thèses d’Henri Emmanuelli tandis que Patrick Lebreton se rallia au groupe animé par Arnaud Montebourg. Ces deux courants réunis et ayant la majorité, ont pris la direction de la fédération.
Si, à l’occasion du référendum interne au PS, Patrick Lebreton a défendu le “non”, Gilbert Annette n’a pas suivi les consignes de son chef de file et a milité pour le “oui”. Les mauvaises langues vont même jusqu’à dire qu’il refuse de répondre aux coups de téléphone du député des Landes. Sa promotion au sein de la fédération explique-t-elle son attitude vis-à-vis de son chef de file ?
Tour à tour Jean-Claude Fruteau sur Télé-Réunion (journal de dimanche soir) et Gilbert Annette aux “Matinales” de lundi se sont exprimés sur le référendum portant sur le projet de Constitution européenne. Les deux dirigeants de la fédération locale socialiste n’ont pas manqué de critiquer les partisans du “non”.
Lors du référendum interne au PS sur la question, 42,58% des adhérents se sont prononcés pour le “non”. Soit pratiquement 1 militant sur 2. Cette opposition s’est exprimée en fonction du contenu même du Traité constitutionnel.
Quand on appartient à un parti dont pratiquement la moitié des membres se prononce contre le projet de traité, on ne peut pas dire n’importe quoi sur les partisans du “non”.
Si le courant majoritaire au sein de la fédération, celle se proclamant d’Henri Emmanuelli, avait suivi ce dernier et s’était prononcé en faveur du “non”, cette tendance l’aurait sans doute emporté. Or, les leaders réunionnais du courant Emmanuelli ont brusquement changé de camp. Quittant celui du député des Landes, ils se sont ralliés au courant Hollande. Au nom de quel argument ? Au nom de quel miracle s’est opérée cette opération ? Cela aurait mérité quelques explications.
Mais ce changement de cap justifie-t-il toute la hargne mise à condamner et critiquer les partisans du “non", dont Henri Emmanuelli ? La fédération continuera-t-elle à les considérer comme des imbéciles ?


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