« Tout le pouvoir aux plénums »

Huit jours de mobilisation en Bosnie

15 février 2014, par Céline Tabou

Les manifestations veulent le départ du gouvernement gangréné par la corruption, qui ne parvient pas à réduire la pauvreté et le chômage. En dépit d’un essoufflement de la mobilisation, les manifestants tentent de s’organiser.

Manifestation à Zénica. (photo BiH)

Selon le correspondant du journal « L’Humanité » à Sarajevo, « le mouvement de révolte s’est politisé pour exiger une remise à plat de l’échafaudage élaboré dans les accords de Dayton ». Ces accords partagent la Bosnie-Herzégovine entre la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (croato-bosniaque) et la République serbe de Bosnie (serbe), ainsi que le déploiement d’une force de paix multinationale.

Rejet des accords de Dayton

Face aux exigences des manifestants, les deux principaux partis, le Parti social-démocrate (SDP) et les nationalistes musulmans du Parti de l’action démocratique (SDA), ont proposé des élections anticipées. Une proposition qui devrait être rejetée par les contestataires, qui dénoncent le système actuel et ses institutions, définies par les accords de Dayton. De nombreux manifestant veulent l’abolition des cantons et des deux entités du pays.

La crainte des contestataires est de manifester à visage découvert, surtout à Sarajevo, capitale politique et administrative. 40% des emplois du pays sont dans le secteur public, et pour y accéder, il faut prendre la carte d’un parti. Raison pour laquelle, la foule reste limitée. En attendant, les manifestants, pour la plupart sans emploi, tentent de maintenir la pression et souhaitent des « experts qui s’attaquent vraiment aux problèmes, au lieu de ces politiciens qui ne pensent qu’à se remplir les poches », a expliqué Elmir au quotidien « Le Monde ».

Face aux manifestants, des contre-manifestants ont défilé en criant « Pas de révolution en Republika Srpska ! ». De son côté, le président de Bosnie-Herzégovine, Milorad Dodik, a déclaré à plusieurs reprises que les manifestations de Sarajevo étaient une « menace » pour la Republika Srpska. Ce dernier a refusé la mise en place d’élections anticipées.

Au delà du conflit ethnique

La classe politique et notamment Milorad Dodik, ont bâti leurs carrières sur les divisions ethniques. Cette fois-ci, le président espère apaiser la colère sociale en mettant en avant la « menace que représenterait pour les Serbes le désir d’une Bosnie unifiée », a expliqué « L’Humanité ».

Pour le chercheur Vedran Dzihin, « les histoires de haine ethnique font partie de la mythologie de la Bosnie de Dayton, une mythologie soignée par les médias et les intellectuels proches du régime, qui ont tout intérêt au maintien du statu quo ». D’ailleurs, selon un sondage de l’institut Valicon, cité par Le Monde, la majeure partie de la population soutient les protestataires : à 90% dans la Fédération – habitée par les Bosniaques et par les Croates –, et, plus inattendu, à 80% dans la petite entité serbe, la Republika Srpska. Le risque, selon des observateurs, est que les revendications sociales ne soient détournées par un discours ethnique de la part des politiques.

Pour les manifestants, la solution : le plénum, sorte d’assemblée générale représentée par l’ensemble des acteurs de la société. L’idée est partie de la ville de Tuzla, où un slogan a été scandé dans toute le pays : « Tout le pouvoir aux plénums ».

Nouvelle forme de démocratie, le plénum permettrait aux citoyens de participer à la vie de leurs pays et ainsi contrôler la corruption et améliorer le système de santé. Des centaines de personnes se réunissent chaque soir à 18 heures à la Maison de la paix de cette ville ouvrière de Bosnie centrale pour élaborer une plate-forme de revendications.

Le gouvernement du canton de Tuzla a présenté sa démission et a été remplacé par le plénum, reconnu comme l’interlocuteur des autorités et le seul représentant légitime du mouvement, a indiqué le correspondant de l’Humanité.

Céline Tabou

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