Les Régions ultra périphériques dans une passe difficile

Il va falloir convaincre les nouveaux membres

4 mars 2005

Président de la conférence des RUP, le président de la Région Réunion conduit une délégation des sept régions ultra périphériques (Açores, Canaries, Madère, Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion). À Bruxelles, la délégation a rencontré la commissaire à la politique régionale, la Polonaise Danuta Hübner. Une première depuis la mise en place de la première Commission de l’Union européenne élargie à 25 États membres.

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Le principal danger pour les RUP, si l’on comprend bien les échanges qu’ont eu à Bruxelles ces deux derniers jours les membres de la délégation conduite par Paul Vergès, serait de se laisser enfermer dans une bataille de chiffres et de critères comptables. Ceux-ci bien sûr, ont leur importance, comme l’ont rappelé ces dernières semaines plusieurs initiatives émanant des régions européennes. Des organismes comme la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM) ou le Comité des régions (CoR) - une instance européenne - sont intervenus vivement dans le débat sur les perspectives financières de l’Union pour la période 2007-2013, depuis le début de la présidence luxembourgeoise.
La CRPM, depuis la réunion à Saint-Jacques de Compostelle (Galice, Espagne) le 14 janvier dernier, a mis l’accent sur le caractère stratégique des politiques régionales dans le cadre de l’élargissement. Le bureau politique de la CRPM, dans un document approuvé à l’unanimité, avait alors souligné le fait que la politique régionale n’est pas seulement un instrument de solidarité entre pays où territoires plus ou moins compétitifs à l’échelle européenne. Elle constitue aussi un “effet levier” unique dans la mise en œuvre de nombreuses stratégies européennes innovantes. "Sans cet effet levier budgétaire, de nombreuses orientations communautaires resteront lettre morte et risquent fort de rester au chapitre des déclarations d’intention", relevait le document de janvier dans une réflexion sur les objectifs tracés par les stratégies de Lisbonne et de Göteborg.

Des préoccupations

Ces préoccupations sont partagées par la présidence luxembourgeoise du Conseil européen, qui s’est donnée pour mission principale de faire aboutir les négociations entre les États d’ici à juin 2005. C’est ce qu’avait réaffirmé le ministre luxembourgeois délégué aux Affaires étrangères, Nicolas Schmit, devant les membres du bureau du Comité des Régions réunis dans le Grand-Duché le 21 janvier dernier. Le ministre luxembourgeois avait eu alors des propos plutôt durs pour ceux des pays européens - qualifiés de “gang des six” - qui veulent réduire leur participation au budget de l’Union. "Vous ne pouvez pas prendre aux pauvres pour donner aux nouveaux", a-t-il dit alors dans le débat avec les représentants des régions.
Dans les trois options budgétaires à partir desquelles la présidence luxembourgeoise veut parvenir à une solution de compromis avant juin, la plus favorable - celle proposée par la Commission d’affecter 336,2 milliards d’euros à la politique régionale - augmente de 40% le budget de “l’objectif de convergence” (Objectif 1), pour prendre en compte l’élargissement et la forte augmentation de population éligible qui en résulte. Mais, à population éligible constante, l’effort par habitant (plafonnant les dépenses à 4% du PIB des zones éligibles) est en baisse : l’aide en euro par habitant va se situer entre 50 à 150 euros dans les dix nouveaux États membres alors que dans la période actuelle elle s’établit en moyenne à 220 euros par habitant.

Des atouts stratégiques

Ce qu’indique le communiqué de la Région rendant compte des discussions menées dans le cadre d’une bataille qui va faire rage jusqu’en juin, est que ces arguments comptables, s’ils sont nécessaires pour apprécier les politiques de rééquilibrage, ne rendent pas compte des atouts stratégiques que les RUP peuvent faire valoir pour défendre leur originalité et leur spécificité au sein de l’Union européenne. Si cette spécificité ne s’appréciait qu’en termes de “handicaps” (éloignement, démographie et pauvreté), elle pourrait craindre la concurrence de nouveaux pays membres désireux eux aussi, de rattraper leurs handicaps.
La nouvelle commissaire à la politique régionale, Danuta Hübner, invitée dans notre île en septembre pour la Conférence des présidents des RUP, pourra alors juger plus concrètement des perspectives de co-développement que nos régions “ultra périphériques” représentent dans le contexte actuel de mondialisation et compte tenu du rôle que l’Europe dit vouloir y tenir.

P. D


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