Écarter tout risque de déréglementation

Inscrire dans le droit européen les spécificités de l’action sociale

12 juin 2006

Un large front d’association nationales d’usagers et de prestataires de l’action sociale s’inquiète de la communication de la Commission européenne. Selon ce collectif, l’application de la déréglementation au logement social ou à l’aide à l’emploi sont des menaces pour la cohésion de nos sociétés.

Le logement social, la solidarité avec les familles dans le besoin ou l’aide à l’emploi livrés à la concurrence libre et non faussée : cette menace n’est pas écartée. C’est le sens de la communication de la Commission européenne du 26 avril dernier. Au terme d’une conférence sur les droits fondamentaux, la protection sociale et l’intégration européenne, des associations nationales font part de leur inquiétude à travers l’adoption d’une résolution. Elles souhaitent qu’une directive européenne clarifie la situation en reconnaissant les spécificités de l’action sociale, et donc son exclusion de tout projet de déréglementation.
Le 16 février dernier, les parlementaires s’étaient prononcés pour l’exclusion des services sociaux et de santé de la directive "services". On aurait pu croire que des activités telles que le logement social allait être préservées de l’orientation libérale visant à déréglementer. Mais le répit a été de courte durée, la Commission européenne a réagi.

Retour inquiétant

Un communiqué de l’Union européenne daté du 26 avril dernier précise en effet que "la proposition modifiée de directive sur les services soumise par la Commission excluait certains services sociaux, vu leurs caractéristiques particulières à prendre en considération. C’est pourquoi cette communication s’avérait nécessaire". Sortie par la grande porte par les élus du peuple, la déréglementation des services sociaux revient par la fenêtre, poussée par une institution composée de personnes nommées.
Si un tel projet aboutissait, il reviendrait à placer dans la sphère de la "concurrence libre et non faussée" tous ces services rendus par des administrations ou des structures à but non lucratif.
C’est contre cette menace que s’était levées en janvier dernier des associations qui se définissent comme "associations nationales de prescripteurs, prestataires et bénéficiaires de services sociaux et de santé d’intérêt général". Ce collectif regroupe des structures aussi diverses que l’Association des Départements de France, l’UNIOPSS, l’Union sociale pour l’habitat, la FNARS, l’Union nationale des CCAS, la Ligue des droits de l’Homme, le CEMEA, la Confédération nationale du logement, l’Association des paralysés de France ou l’Union des foyers et services pour jeunes travailleurs. L’objet du courrier adressé le 31 janvier aux parlementaires européens a été conforté par le vote du 16 février (voir encadré).

Clarifier la situation

Dans la motion adoptée le 30 mai dernier au terme de leur conférence, les signataires affirment qu’ils "sont en droit d’attendre des Institutions communautaires et des autorités publiques françaises la définition d’un cadre stable et systématique leur permettant d’accomplir pleinement leurs missions en toute sécurité juridique".
Ils demandent aux institutions européennes une directive reconnaissant notamment la primeur des missions d’intérêt général sur les règles de concurrence. Ils souhaitent que ce texte reconnaisse la spécificité et le rôle "joué par l’économie sociale et l’économie mixte dans les services sociaux et de santé conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et sa mise en œuvre au moyen de régimes d’autorisation appropriés". Ils veulent aussi que les acteurs de l’action sociale soient associés aux décisions prises par l’Union européenne dans leur secteur. Cette demande de clarification juridique est aussi adressée aux autorités françaises.
Chacun a encore en mémoire le précédent de la directive Bolkestein. La mobilisation avait notamment réussi à extirper du texte la mesure la plus réactionnaire, celle du principe du pays d’origine. La bataille qui s’annonce a pour enjeux l’avenir de la protection sociale et des services qui font la cohésion sociale d’un pays. Elle est tout aussi décisive.

Manuel Marchal


Un précédent encourageant

Le 31 janvier, les 35 associations avaient appelé les élus du Parlement européen à s’opposer au transfert vers la "main invisible du marché" de l’action sociale, tous ces services indispensables à la cohésion sociale d’un pays. "L’encadrement législatif et réglementaire des prestataires de services sociaux et de santé d’intérêt général n’a pas pour objectif d’entraver les échanges intracommunautaires", relevaient les signataires de la lettres destinées aux parlementaires européens, "il est objectivement fondé sur la protection des ménages vulnérables au moyen d’obligations spécifiques qui s’imposent aux prestataires quant au contenu et à la qualité de ces services afin de garantir leur accessibilité, leur haut niveau de qualité et leur continuité".
Insistant sur le fait que "ces services contribuent ainsi au maintien de la cohésion sociale, de la cohésion territoriale et au renforcement du lien social", les responsables associatifs et politiques signataires expliquaient aux députés que leur rôle "sera décisif s’il donne l’impulsion politique au nécessaire recentrage de la proposition de la Commission". Cet appel avait été entendu. Le 16 février, les parlementaires ont voté l’exclusion des services sociaux de la directive Bolkestein revue et corrigée. Mais la menace revient.


Ce que dit l’Union européenne

Les services sociaux d’intérêt général

Voici ce que l’Union européenne regroupe sous la définition de SSIG : "la garde d’enfants, le logement social, l’aide à l’emploi et les mesures de lutte contre l’exclusion sociale, ainsi que de services d’aide aux familles et aux personnes dans le besoin, comme les soins de longue durée".


35 Associations nationales mobilisées

Voici les noms des 35 associations qui avaient écrit aux députés européens pour qu’ils votent l’exclusion de l’action sociale de la directive service.

L’Union nationale inter-fédérale des œuvres et Organismes privés sanitaires et sociaux ; l’Union sociale pour l’habitat ; Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale ; Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement ; Association de coordination des moyens d’intervention sur le logement ; Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif ; Mouvement pact arim pour l’amélioration de l’habitat ; Voir ensemble ; Union féminine civique et sociale ; Sonacotra ; Fédération hospitalière de France ; Union des familles laïques ; Union nationale des centres communaux d’action sociale ; Union régionale des associations familiales d’aide à domicile ; COORACE ; AIRe - Association des ITEP et de leurs réseaux ; EAPN - France : European Anti Poverty Network - France ; Réseau Cocagne ; UNAPEI ; Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ; Confédération syndicale des familles ; Union nationale des associations laïques gestionnaires d’établissements de secteur sanitaire, social, médico-social, médico-éducatif et éducatif spécialisé ; Fonda ; Conférence permanente des organisations professionnelles du social ; Assemblée des Départements de France ; Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active ; Association des paralysés de France ; CHENELET ; Union des foyers et services pour jeunes travailleurs ; Association pour la prévention, l’accueil, le soutien et l’orientation ; Association de services spécialisés pour enfants et adolescents en difficulté (ADSSEAD) ; Confédération nationale du logement (CNL) ; Consommation, logement et du cadre de vie (CLCV) ; Citoyens & Justice ; FARAPEJ , Fédération des associations réflexion action prison et justice.


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