Affaire Bolkestein : UMP et PS nous ont menti

José Manuel Barroso : la directive Bolkestein doit s’appliquer intégralement

16 mars 2005

Si le président de la Commission de Bruxelles, le Portugais José Manuel Barroso, avait voulu donner raison aux partisans du “non” au référendum sur la Constitution européenne, il n’aurait pas pu faire mieux.

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Lundi 14 mars 2005, en effet, le président de la Commission de Bruxelles a martelé qu’il n’est pas question de revenir sur la fameuse directive Bolkestein sur la libéralisation des services dans l’Union. Plus exactement, la Commission de Bruxelles n’entend pas céder sur le "principe du pays d’origine" , qui est au centre de ce dispositif.
Rappelons que, selon ce principe, un prestataire de services désirant opérer dans n’importe lequel des 25 pays membres de l’Union européenne pourra le faire en appliquant la législation sociale de son pays d’origine. Beaucoup craignent, du coup, un "dumping social" de la part des nouveaux États membres. "Cela permettra à un plombier polonais de venir travailler en France avec le salaire et la protection sociale de son pays d’origine", souligne Philippe de Villiers, partisan du “non”. Quant au socialiste Henri Emmanuelli, il met en évidence le "démenti cinglant" ainsi infligé par José Manuel Barroso à Jacques Chirac qui, récemment, avait solennellement demandé une "remise à plat" de la directive.
Et au cours de ces dernières heures, François Hollande ainsi que Gilbert Annette et Jean-Claude Fruteau n’ont-ils pas affirmé que cette directive n’était plus d’actualité ?
Cette directive soi-disant abandonnée a été élaborée par un ultra-libéral, le Néerlandais Frits Bolkestein, ex-commissaire au Marché intérieur.
En janvier 2004, ce texte a été adopté à l’unanimité des membres de la Commission de Bruxelles qui était alors présidée par M. Romano Prodi. À cette époque, les deux représentants français - Michel Barnier (UMP) et Pascal Lamy (*) (PS) - avaient approuvé la directive, et Madame Noëlle Lenoir, alors ministre du 2ème gouvernement Raffarin, était chargée des Affaires européennes. Lors de l’adoption de la directive Bolkestein, elle n’avait pas ménagé ses efforts, multipliant démarches, pressions de toute nature, intervenant auprès de toutes les personnes consultées pour leur dire et redire que ce texte avait été approuvé par le président de la République, Jacques Chirac, et qu’il convenait donc de le soutenir à fond.
Madame Lenoir est en fait l’un des personnages clé de cette fameuse directive Bolkestein. Son engagement et ses amitiés socialistes lui avaient valu une place enviable auprès de Michel Rocard alors Premier ministre. Puis elle avait été désignée comme l’un des neuf sages du Conseil constitutionnel par Henri Emmanuelli, alors président de l’Assemblée nationale. Suite à l’échec de Lionel Jospin le 21 avril 2002, elle a été chaudement recommandée par Jacques Chirac auprès de Jean-Pierre Raffarin pour occuper le poste stratégique de ministre chargée des Affaires européennes. L’intéressée n’a vu dans ses allées et venues d’un bord à l’autre de l’échiquier politique, aucune trahison et le fait est que, lors de son adoption, il y a plus d’un an, la directive Bolkestein n’avait pas soulevé la plus petite émotion chez François Hollande.
La directive Bolkestein vise à libéraliser les échanges de services en Europe (50% de l’activité économique) en supprimant ce que les ultra-libéraux appellent des "obstacles administratifs". Aujourd’hui, un agent de voyages, un architecte, un entrepreneur ou un prestataire de service sur les docks d’un pays membre ne peut pas proposer librement ses services dans un des 24 autres États membres. Du coup, contrairement aux produits, les échanges de services stagnent. Selon une étude danoise citée lundi dernier par le président de la Commission de Bruxelles, José Manuel Barroso, une telle libéralisation apporterait pourtant un "bénéfice de 37 milliards d’euros aux consommateurs et producteurs européens" et permettrait à l’Union de "gagner 600.000 emplois". Tout irait alors tellement mieux pour ce que les libéraux appellent pudiquement "le marché" ! Certes, reconnaît le président Barroso, des secteurs aujourd’hui "protégés" - services publics notamment - risquent de durement souffrir... Toutefois, dit-il, certaines précautions, touchant notamment à la durée de détachement des travailleurs étrangers, devraient atténuer le "dumping". À condition, relèvent les experts, que les inspecteurs du travail ne soient pas rapidement submergés par le flot des affaires à contrôler.
D’autres font remarquer le caractère illusoire de ces précautions. En effet, lorsque au terme d’un contrat de 3, 4 voire 5 années, le prestataire de service polonais se retirerait, rien n’empêche une entreprise de Lettonie de reprendre le contrat. Et si d’aventure une entreprise française voulait reprendre le flambeau, pense-t-on réellement qu’elle pourrait alors reconstituer le service public - et ses garanties statutaires - mis à mort 5 ans plus tôt ?
Moralité, de Raffarin à Hollande en passant par Annette et Fruteau, quelle que soit leur étiquette politique, ils sont nombreux à marcher main dans la main, le mensonge à la bouche pour tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous jurant leurs grands dieux que la directive Bolkestein n’était plus d’actualité. L’ironie de l’histoire c’est que, fervent partisan de la directive Bolkestein, le président de la Commission de Bruxelles, José Manuel Barroso, vient de démasquer tout ce beau monde en martelant qu’il n’est pas question de renoncer à la sacro-sainte directive Bolkestein sur la libéralisation des services dans l’Union ... et voilà Poudroux, Fruteau et Annette pris la main dans le bocal de confiture !
Et en prime, ils voudraient qu’on dise “oui” à leurs dangereuses fariboles ?

Mark Alem

(*) Pascal Lamy est, il faut s’en souvenir, le candidat présenté par l’Union européenne (donc la France) pour prendre la tête de l’OMC !


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