16 ans après la Slovénie et la Croatie, le Kosovo proclame son indépendance

L’aboutissement d’une politique : empêcher l’émergence d’une puissance économique yougoslave

20 février 2008, par Manuel Marchal

Le Kosovo vient de proclamer son indépendance. C’est sans doute l’acte final de la désintégration de la Yougoslavie. Ce résultat peut être lu comme l’aboutissement d’un travail de sape lancé par plusieurs pays de l’Union Européenne au lendemain de la réunification de l’Allemagne. Car avant la sécession de la Slovénie et de la Croatie, la Yougoslavie avait le potentiel pour être un des moteurs d’une Union Européenne vouée à s’élargir vers l’Est. Elle comptait 25 millions d’habitants, et son PIB moyen par habitant était à peine inférieur à la moitié de celui de l’Europe des Neuf, c’est-à-dire une Communauté européenne relativement bien plus riche que l’actuelle Union Européenne.

En juin 1989, au Kosovo, Slobodan Milosevic participe au 600ème anniversaire de la commémoration de la bataille du Champ des Merles. Cette allocution est généralement considérée comme un des points de départ de la dissolution de la Yougoslavie. Mais ce phénomène, qui, avec la déclaration d’indépendance du Kosovo, vient de franchir une nouvelle étape, a été favorisé par des facteurs extérieurs qui ont joué un rôle décisif.

Entre la mort de Tito en 1980 et la réunification de l’Allemagne en 1991, des tensions étaient perceptibles entre les différentes républiques composant la Yougoslavie, mais elles étaient avant tout liées à la situation économique. Dès 1981, le Kosovo a été le lieu d’une sévère répression de manifestations liées à la crise.

Dans la Yougoslavie, l’autogestion s’était accompagnée d’une décentralisation qui a sans doute accentué les déséquilibres à l’intérieur de la fédération. La Slovénie et la Croatie avaient une économie plus forte que les autres régions du pays. Elles participaient donc de manière plus importante à la solidarité nationale que les Républiques de Serbie, de Macédoine et de Bosnie Herzégovine. Leurs dirigeants et leurs acteurs économiques voulaient faire cesser cette situation afin de rompre cette chaîne de solidarité, quitte à faire éclater le pays, alors que la population concevait son avenir dans la Yougoslavie. La chute du Mur de Berlin allait ouvrir de nouvelles perspectives aux partisans de l’éclatement.

Rompre avec la solidarité nationale

Milan Kucan, Président de la Slovénie, et Franco Tudjman, Président de la Croatie, sortent victorieux des élections de 1990. Ils sont partisans de la sécession. Au cours de la campagne, ils insistent sur un mot d’ordre : mieux vaut être le dernier en ville que le premier à la campagne. Dans cette métaphore, la ville, c’est l’Union Européenne, et la campagne, c’est la Yougoslavie. L’objectif est donc de faire croire à la population que l’adhésion à l’Union Européenne, organisation rassemblant une grande partie des pays les plus riches du monde, ne pourra se faire que par la sécession de la Yougoslavie.

Quelques mois plus tard, un référendum aboutit à un vote favorable à l’indépendance en Slovénie et en Croatie. Et le 25 juin 1991, ces deux pays quittent la Yougoslavie et déclarent leur indépendance.

Ils sont soutenus dans leur démarche par l’Allemagne réunifiée qui souhaite accroître sa zone d’influence vers les Balkans. L’Allemagne offre un soutien financier, tout comme l’Autriche et le Vatican. En 1992, l’Union Européenne aligne sa position sur celle de l’Allemagne.

Au moment de la mort de Tito, la Yougoslavie est un pays d’une superficie égale à la moitié de la France, peuplée par 25 millions d’habitants. Elle a en 1980 un PIB par habitant égal à 46% du PIB moyen de la Communauté économique européenne, qui ne comptait à l’époque que 9 membres, dont 4 faisaient partie du G6, le club des pays les plus riches du monde.

À titre de comparaison, il est bon de rappeler que le PIB par habitant de l’ensemble Grèce, Espagne et Portugal représentait 60% de la moyenne communautaire lors de leurs adhésions à la CEE, en 1981 et en 1986.

Un concurrent potentiel éliminé

Ce qui signifie que la Yougoslavie unifiée possède la capacité d’être un des moteurs d’une Union Européenne vouée à s’élargir vers l’Est au moment du grand tournant de la réunification allemande. Mais c’est aussi un concurrent direct potentiel à l’intérieur de cette future Union Européenne. En effet, pour l’Allemagne et l’Autriche, la Yougoslavie du début des années 90 est un pays de 25 millions d’habitants ayant une base industrielle solide, situé à leurs frontières.

Démanteler ce futur concurrent, c’est une des raisons de l’implication de ces États de l’Europe de l’Ouest dans l’éclatement de la Yougoslavie. Il ne restait plus qu’à souffler sur les braises du nationalisme, exploitées sans états d’âmes par quelques dirigeants économiques et politiques yougoslaves.

Au moment de la déclaration d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie, le pouvoir fédéral est opposé à l’éclatement du pays. Aux bases économiques, s’ajoutent des critères ethniques. Il s’ensuit l’embrasement du pays. Au bout de deux semaines, la guerre s’arrête en Slovénie. Elle se prolonge en Croatie, puis en Bosnie, à la suite de la déclaration d’indépendance de 1992.

Cela aboutit à la fin de la Yougoslavie, un État peuplé par 25 millions d’habitants en 1990, atteignant presque la moitié de la moyenne communautaire en termes de PIB.

Cet éclatement aboutit à la création d’États qui sont loin de peser le même poids économique que la Yougoslavie. Et cela d’autant plus que plusieurs années de guerre ont ravagé le pays, détruit l’économie de régions entières et creusé un fossé entre des populations qui, quelques années plus tôt, ne concevaient leur avenir qu’au sein de la Fédération yougoslave.

Mais l’objectif est atteint : la Yougoslavie est éliminée, elle ne peut plus être un concurrent sur le plan économique. L’adhésion à l’Union Européenne et aux organisations financières internationales d’un pays européen de plus de 20 millions d’habitants a donc lieu sous un rapport de force nettement moins favorable. Car, comparativement à la Yougoslavie, que pèsent séparément la Slovénie, la Croatie, la Macédoine, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo ?

Manuel Marchal


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Messages

  • Article très intéressant et global sur le sujet (chose rare...) mais juste un détail important n’a pas été souligné : Le kosovo n’a jamais été une république dans la yougoslavie fédérale. Elle n’a jamais été qu’une simple province (région) de la serbie. C’est lagrande différence avec les autres pays d’ex Yougoslavie qui ont obtenu leur indépendance.


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