Tribune libre

L’étonnant discours de Sarkozy sur l’Afrique

13 novembre 2007

En annonçant, le 6 novembre son intention d’aller « chercher tous ceux qui restent, quoi qu’ils aient fait », Nicolas Sarkozy a provoqué un tollé au Tchad. Le président Idriss Déby lui a répondu que la justice se ferait « au Tchad » et ajoutait qu’il n’est « pas question pour le moment » d’extrader les six Français.
Le Chef de l’État a, décidemment, une position assez étonnante vis-à-vis de l’Afrique. La décision de faire procéder à des tests ADN pour vérifier la paternité d’enfants d’immigrés entrant en France au titre du regroupement familial est une mesure qui vise incontestablement les Africains. Elle nous donne une idée de la manière avec laquelle le nouveau pouvoir conçoit l’Afrique et ses habitants.
Or, les médias français ont peu évoqué l’intervention faite en juillet dernier par le Président de la République à l’Université de Dakar, au Sénégal. On a retenu ses déclarations sur la colonisation où qualifiant celle-ci de « grande faute », il a estimé qu’elle n’est pas responsable des maux actuels du continent Mais, c’est la description qu’il a faite de l’Afrique et de l’homme africain qui a suscité la plus vive émotion sur le continent noir. « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Jamais il ne s’élance vers l’avenir, jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin », a-t-il déclaré.
Ces propos ont été qualifiés d’aberrants, de « généralisation abusive » et de « caricature ».
Dans une lettre ouverte publiée par Libération, des écrivains africains lui ont répondu : « quand vous dites que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire, vous avez tort. Nous étions au cœur de l’histoire quand l’esclavage a changé la face du monde. Nous étions au cœur de l’histoire quand la colonisation a dessiné la configuration actuelle du monde » « Être un chef d’État relativement jeune et inexpérimenté ne donne à personne le droit d’être aussi puéril. Lorsqu’on dirige un pays important, on ne peut pousser trop loin le jeu du “moi-je-ne-suis-pas-comme-les-autres”. Ce manque d’humilité d’un homme que l’on dirait encore choqué d’avoir si aisément atteint son but l’a amené à aligner, devant un auditoire particulièrement averti, les plus désolants clichés de l’ethnologie coloniale du dix-neuvième siècle », écrit pour sa part Boubacar Boris Diop, écrivain et journaliste sénégalais. Un groupe d’historiens africains a décidé de rédiger à l’intention du président français une courte histoire du continent pour lui montrer son apport. En France, Bernard-Henri Lévy a qualifié de « raciste » Henri Guaino, le conseiller de Nicolas Sarkozy qui lui a écrit son intervention de Dakar, texte que l’essayiste estime « dégueulasse ».

Yvon Virapin

Saint-André


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