Francis Wurtz, au nom de la délégation du Parlement européen

’L’Europe a un choix stratégique à faire’

18 février 2005

La délégation parlementaire de la gauche unitaire européenne/gauche verte nordique (GUE/NGL), après deux jours passés dans l’île à l’occasion des travaux du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a fait hier un premier bilan de ses échanges.
Sur tous les sujets, les parlementaires ont gardé l’impression qu’il faudra aux peuples une très forte détermination pour tirer les libéraux européens de leur vision comptable.

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La délégation de la Gauche européenne est repartie hier soir après deux jours de rencontres avec des acteurs de la filière canne-sucre, des syndicalistes, des acteurs économiques, culturels et sociaux et des élus - tous impliqués dans le débat avec l’Union européenne sur le maintien du statut de RUP - ainsi qu’avec des experts du GIEC venus préparer à La Réunion leur 4ème rapport sur l’évolution des changements climatiques (voir encadré).
Le débat politique soulevé au sein de l’Union est à plusieurs détentes. La réforme de l’OCM-sucre, en remettant en question les quotas de production et les prix garantis, fait peser sur la production réunionnaise - qui ne représente que 1% de la production de sucre de l’UE - une menace mortelle, dont les parlementaires se sont entretenus avec des acteurs de la filière.
Les élus ont dit avoir découvert sur place, à l’occasion de ce voyage, la réalité de la multifonctionnalité de la canne - c’est-à-dire son action pour retenir les terres et protéger les paysages, sa résistance aux cyclones, son rôle pour transformer le gaz carbonique et produire de l’énergie renouvelable. Une découverte qu’ils s’efforceront de faire partager aux autres parlementaires européens.
"Ce qui est en jeu n’est pas seulement un litige commercial" - a énoncé Francis Wurtz en introduction - "c’est une conception du rôle de l’Union européenne vis-à-vis des pays en développement et dans le commerce mondial. Il y a un choix stratégique à faire...", a-t-il poursuivi.

Les parlementaires soutiennent la revendication des petits et moyens planteurs d’une compensation intégrale des pertes. Mais ils ont dit aussi avoir pris conscience que la dimension culturelle et sociale de cette question va bien au-delà de la seule compensation financière, même si elle est "absolument nécessaire". Le défi est de faire comprendre cette dimension humaine, historique, à des responsables européens obnubilés par “la compétitivité” et par une vision comptable de leur “marché”, a résumé Francis Wurtz. Luisa Morgantini, présidente de la commission Développement au parlement européen, a perçu la dimension humaine d’une culture pratiquée depuis deux siècles, dans le plaidoyer du secrétaire général de la CGPER. "La canne à sucre, c’est d’abord les gens qui la travaillent. La compensation n’empêchera pas les gens de mourir si on les prive de leur travail", a-t-elle dit pour faire comprendre l’urgence de "sauver d’abord les producteurs".

Les deux autres questions en débat ont porté sur la refonte des fonds structurels - dont la répartition est remise en question depuis l’élargissement de l’Union - et sur l’avenir de la notion de RUP.
Le risque de sortie de “l’objectif 1” pour un certain nombre de pays conduit ce groupe de parlementaires à demander le maintien des fonds structurels "comme compensation des handicaps".
La reconnaissance des spécificités et handicaps structurels des régions ultra-périphériques et insulaires européennes avait décidé de l’adoption de la notion de RUP, en annexe du Traité de Maastricht puis dans le corps du Traité d’Amsterdam. "Dans le nouvel article sur les RUP, l’expression “mesure spécifique” a disparu", a commenté Francis Wurtz.
Paul Vergès a soulevé la convergence d’intérêt entre les RUP et les ACP, tel qu’elle s’est exprimée lors du Sommet des Petits États insulaires en développement (P.E.I.D), à Maurice, en janvier : tant pour la survie de la production de sucre de canne que dans la bataille politique à livrer pour faire prendre en compte les changements climatiques, dont les petits pays insulaires vont éprouver le plus durement les effets.
"Quelle que soit la modestie d’un territoire, il y a toujours moyen de contribuer à une bataille mondiale", a dit Paul Vergès dans la conclusion de la rencontre avec les parlementaires européens, au terme de laquelle il s’est vu remettre par Luisa Morgantini, le drapeau européen “arc-en-ciel” de la paix.

P. David


Changements climatiques

Faire converger scientifiques et politiques

Le choix de rencontrer les experts internationaux sur les changements climatiques correspond à une prise de conscience qui commence à se faire chez certains politiques, a exposé Francis Wurtz, président du groupe GUE/NGL. "C’est un combat politique à long terme. Il faut le faire le plus large, le plus populaire possible, pour que les peuples puissent orienter les décisions vers des adaptations aux changements climatiques et vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)", a dit l’élu européen après avoir fait part des préoccupations de son groupe devant le “recul” observé dans plusieurs décisions européennes récentes.
Le groupe GUE/NGL estime que l’offensive qui était la marque de la communauté européenne, au moment de la signature de Kyoto, a laissé place à des attitudes plus molles, voire minimalistes, qui ont de quoi laisser perplexe au moment où les premiers changements climatiques effectifs laissent voir à quels dangers il conviendrait de se préparer. Francis Wurtz a donné quelques exemples à l’appui de ses dires, le plus évident étant le mutisme observé par les responsables européens lors de leur rencontre avec Condoleeza Rice, devant laquelle "la question de l’unilatéralisme nord-américain n’a même pas été évoquée".
Devant un problème planétaire qui "ne connaît pas de frontière", le député français au Parlement européen a suggéré que l’expérience de l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique) inspire un même type de démarche à l’échelle européenne.
Son collègue suédois, Jonas Sjostedt, membre de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire au Parlement européen, a souligné deux aspects du débat politique sur les changements climatiques : d’une part les questions soulevées par certains rapports scientifiques affirmant que le réchauffement va se manifester plus rapidement que prévu ; et d’autre part le problème soulevé par l’attitude des États-unis et des quelques pays qui rejettent encore l’évidence des changements climatiques et les démonstrations sur leurs causes. "L’IPCC (le GIEC, en anglais-NDLR) prépare son 4ème rapport et ce sont ses travaux qui permettent de contredire ceux qui nient encore les causes et les effets des changements climatiques", a-t-il dit en appelant à "faire travailler ensemble scientifiques et politiques pour faire partager des décisions justes à la population mondiale".

P. D


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