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Idées
Vingt-cinq ans après la publication de "L’Orientalisme" de Edward W. Said
8 novembre 2003
Dans ’Le Monde Diplomatique’ de ce mois, on trouve un article très intéressant de Edward W. Said, un grand intellectuel américain d’origine palestinienne, qui a publié en 1978 ’L’Orientalisme’, son livre majeur. L’auteur s’en prenait aux reconstructions de l’Orient destinées à justifier les entreprises coloniales et néocoloniales de l’Occident. Vingt-cinq ans ont passé, mais dans cet article Edward W. Said persiste et signe : si elle est authentique, la volonté de comprendre les autres cultures exclut toute ambition dominatrice. Là est l’humanisme. Sinon la barbarie l’emporte. On lira ci-après des extraits de ce texte.
Alors que j’écris ces lignes, l’occupation impériale illégale de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se poursuit, avec des effets terribles. Tout cela est censé faire partie d’un "choc des civilisations", interminable, implacable et irréversible. Je m’inscris en faux contre cette idée.
J’aimerais pouvoir affirmer que la compréhension générale qu’ont les Américains du Proche-Orient, des Arabes et de l’islam a un peu progressé. Ce n’est malheureusement pas le cas. Pour de nombreuses raisons, la situation semble bien meilleure en Europe. Aux Etats-Unis, le durcissement des positions, l’emprise grandissante des généralisations condescendantes et des clichés triomphalistes, la domination d’un pouvoir brutal allié à un mépris simpliste pour les dissidents et pour "les autres" se sont reflétés dans le pillage et la destruction des bibliothèques et des musées irakiens.
Nos leaders et leurs valets intellectuels semblent incapables de comprendre que l’histoire ne peut être effacée comme un tableau noir, afin que "nous" puissions y écrire notre propre avenir et imposer notre mode de vie aux peuples "inférieurs".
On entend souvent de hauts responsables à Washington, ou ailleurs, parler de redessiner les frontières du Proche-Orient, comme si des sociétés aussi anciennes et des populations aussi diverses pouvaient être secouées comme des cacahuètes dans un bocal. C’est pourtant souvent arrivé avec l’"Orient", cette construction quasi mythique tant de fois recomposée depuis l’invasion de l’Egypte par Napoléon à la fin du 18ème siècle. Chaque fois, les innombrables sédiments de l’Histoire, les récits sans fin, l’étourdissante diversité des cultures, des langues et des individualités, tout cela est balayé, oublié, relégué dans le désert comme les trésors volés à Bagdad et transformés en fragments privés de tout sens.
(…) Des attaques massives, d’une agressivité planifiée, ont été lancées contre les sociétés arabes et musulmanes contemporaines, accusées d’arriération, d’absence de démocratie et d’indifférence pour les droits des femmes. Au point de nous faire oublier que des notions telles que la modernité, les Lumières et la démocratie ne sont en aucun cas des concepts simples et univoques que chacun finirait toujours par découvrir, tels les œufs de Pâques cachés dans son jardin.
L’inconscience stupéfiante de ces jeunes communicateurs arrogants, qui parlent au nom de la politique étrangère sans posséder la moindre notion vivante (ni la moindre connaissance du langage des gens ordinaires), a fabriqué un paysage aride, prêt à accueillir la construction par la puissance américaine d’un ersatz de libre "démocratie" de marché. Inutile de connaître l’arabe, le farsi ou même le français pour pontifier sur l’effet domino de la démocratie dont le monde arabe aurait le plus grand besoin.
La volonté de comprendre d’autres cultures à des fins de coexistence et d’élargissement de son horizon n’a rien à voir avec la volonté de dominer. Cette guerre impérialiste - concoctée par un petit groupe de responsables américains non élus et menée contre une dictature du tiers-monde déjà dévastée, pour des raisons idéologiques liées à une volonté de domination mondiale, de contrôle sécuritaire et de mainmise sur des ressources raréfiées - est certainement une des catastrophes intellectuelles de l’Histoire, notamment parce qu’elle a été justifiée et précipitée par des orientalistes qui ont trahi leur vocation de chercheurs. (…)
Actuellement, les librairies américaines sont remplies de volumes épais aux titres tapageurs évoquant le lien entre "islam et terrorisme", l’"islam mis à nu", la "menace arabe" et autre "complot musulman", écrits par des polémistes politiques prétendant tirer leurs informations d’experts ayant soi-disant pénétré l’âme de ces étranges peuplades orientales. Ces bellicistes ont bénéficié du renfort des chaînes de télévision CNN et Fox News, ainsi que d’une myriade de radios évangélistes et conservatrices, de tabloïds et même de journaux respectables, tous occupés à recycler les mêmes généralités invérifiables afin de mobiliser l’"Amérique" contre les démons étrangers.
Sans cette impression soigneusement entretenue que ces peuplades lointaines ne sont pas comme "nous" et n’acceptent pas "nos" valeurs, clichés qui constituent l’essence du dogme orientaliste, la guerre n’aurait pas pu être déclenchée. Tous les puissants se sont entourés de tels chercheurs à leur solde, les conquérants hollandais de la Malaisie et de l’Indonésie, les armées britanniques en Inde, en Mésopotamie, en Egypte et en Afrique de l’Ouest, les contingents français en Indochine et en Afrique du Nord.
Ceux qui conseillent le Pentagone et la Maison Blanche usent des mêmes clichés, des mêmes stéréotypes méprisants, des mêmes justifications pour l’utilisation de la puissance et de la violence. « Après tout, répète le chœur, ces gens ne comprennent que le langage de la force. » À ces conseillers s’ajoute, en Irak, une véritable armée d’entrepreneurs privés à qui tout sera confié, de la publication des livres d’école à la rédaction de la Constitution et la refonte de la vie politique, jusqu’à la réorganisation de l’industrie pétrolière.
Chaque nouvel empire prétend toujours être différent de ceux qui l’ont précédé, affirme que les circonstances sont exceptionnelles, que sa mission consiste à civiliser, à établir l’ordre et la démocratie, et qu’il n’utilise la force qu’en dernier recours. Le plus triste est qu’il se trouve toujours des intellectuels pour trouver des mots doux et parler d’empires bienveillants ou altruistes.
Vingt-cinq ans après la parution de mon livre, l’orientalisme nous force à nous demander si l’impérialisme moderne a jamais disparu, ou s’il ne perdure pas en fait depuis l’entrée de Bonaparte en Egypte, il y a deux siècles. (…)
Avec "L’Orientalisme", je voulais m’appuyer sur la critique humaniste afin d’élargir les champs de lutte possibles et de remplacer par une pensée et une analyse plus profondes, sur le long terme, les brefs éclats de colère irraisonnée qui nous emprisonnent. Ce que je tente ainsi de faire, je l’ai appelé "humanisme", un mot que, têtu, je continue à utiliser malgré son rejet méprisant par les critiques postmodernes sophistiqués.
Par humanisme, je pense d’abord à la volonté qui poussait William Blake [1] à briser les chaînes de notre esprit afin d’utiliser celui-ci à une réflexion historique et raisonnée. L’humanisme est également entretenu par un sentiment de communauté avec d’autres chercheurs, d’autres sociétés et d’autres époques : il n’existe pas d’humaniste à l’écart du monde. Chaque domaine est lié à tous les autres, et rien de ce qui se passe dans le monde ne saurait rester isolé et pur de toute influence extérieure. Nous devons traiter de l’injustice et de la souffrance, mais dans un contexte largement inscrit dans l’histoire, la culture et la réalité socio-économique. Notre rôle est d’élargir le champ du débat. (…)
L’éducation est aujourd’hui menacée par les orthodoxies nationalistes et religieuses propagées par les médias, qui se concentrent de manière ahistorique et sensationnaliste sur les guerres électroniques lointaines, lesquelles donnent aux spectateurs une impression de "précision chirurgicale" et masquent ainsi les terribles souffrances et destructions engendrées par la guerre moderne. En démonisant un ennemi inconnu auquel elles accolent l’étiquette "terroriste" afin d’entretenir la colère de l’opinion, les images médiatiques focalisent trop l’attention et peuvent être facilement manipulées en période de crise et d’insécurité, comme après les attentats du 11 septembre.
En tant qu’Américain et Arabe, je dois demander au lecteur de ne jamais sous-estimer le type de vision simpliste du monde qu’une poignée de civils travaillant au Pentagone a fabriqué pour définir la politique américaine dans l’ensemble des mondes arabe et musulman. La terreur, la guerre préventive et les changements de régimes imposés, rendus possibles par le budget militaire le plus important de l’Histoire, y sont les seules idées débattues sans fin par des médias qui produisent des prétendus "experts" pour justifier la ligne générale du gouvernement. La réflexion, la discussion, l’argumentation rationnelle, les principes moraux fondés sur la vision laïque selon laquelle les êtres humains font leur propre histoire, tout cela a été remplacé par des idées abstraites qui glorifient l’exception américaine, ou occidentale, nient l’importance du contexte et considèrent les autres cultures avec mépris.
L’esprit critique n’obéit pas à l’injonction de rentrer dans les rangs pour partir en guerre contre un ennemi officiel ou l’autre. Loin d’un choc des civilisations préfabriqué, nous devons nous concentrer sur un lent travail en commun de cultures qui se chevauchent, empruntent les unes aux autres et cohabitent de manière bien plus profonde que ne le laissent penser des modes de compréhension réducteurs et inauthentiques. Mais cette forme de perception plus large exige du temps, des recherches patientes et toujours critiques, alimentées par la foi en une communauté intellectuelle difficile à conserver dans un monde fondé sur l’immédiateté de l’action et de la réaction.
L’humanisme se nourrit de l’initiative individuelle et de l’intuition personnelle, et non d’idées reçues et de respect de l’autorité. Les textes doivent être lus comme des productions qui vivent dans l’histoire de manière concrète.
Enfin et surtout, l’humanisme est notre seul, je dirais même notre dernier rempart contre les pratiques inhumaines et les injustices qui défigurent l’histoire de l’humanité. Nous disposons désormais du très encourageant champ démocratique représenté par le cyberespace, ouvert à tous, à une échelle que ni les générations précédentes ni aucun tyran, aucune orthodoxie n’auraient jamais pu imaginer.
Les manifestations mondiales qui ont précédé la guerre contre l’Irak n’auraient jamais pu devenir une réalité sans l’existence d’autres communautés présentes dans le monde entier, irriguées par une information différente, conscientes des enjeux environnementaux, des droits humains comme des aspirations libertaires qui nous rassemblent tous sur cette petite planète.
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