L’immigration clandestine couterait trop cher à l’Etat

22 juillet 2008, par Edith Poulbassia

Combien coûte ’l’immigration clandestine’ à Mayotte ? 50 millions d’euros, répond la commission des finances du Sénat. Dans le contexte de rigueur budgétaire de l’Etat, le coût des immigrés sur le territoire mahorais semble suffisamment élevé pour renforcer les expulsions, lesquels concernent près d’un tiers de la population de l’île.

Mayotte compte environ 180.000 habitants, dont 50.000 à 60.000 immigrés clandestins, essentiellement des Comoriens. Près de 16.000 personnes arrivent chaque année à atteindre les côtes de l’île à bord des kwassas-kwassas, l’équivalent du nombre de personnes éloignées de l’île chaque année, enfants compris. Un quart des personnes expulsées ne sont pas à leur première traversée. Un tiers seulement des immigrés expulsés sont directement interceptés à bord des kwassas-ksassas. Difficile de dire combien de personnes perdent la vie au cours de cette traversée. 1000 par an selon les estimations officielles, les 70 km qui séparent Mayotte des Comores abrite le plus grand cimetière marin de l’Océan Indien.
Pour l’Etat français, cette immigration a un coût : 50 millions d’euros souligne Henri Torre, sénateur de l’Ardèche, auteur d’un rapport sur les conséquences budgétaires de l’immigration clandestine à Mayotte. Par comparaison, la lutte contre cette immigration par les services de polices et gendarmerie ne réprésente pas plus de 5 millions d’euros par an. « Ce constat », conclut le rapport, « ainsi que le risque de déstabilisation qu’implique la présence d’une proportion aussi forte de clandestins à Mayotte, plaide pour un renforcement des moyens consacrés à la lutte contre l’immigration clandestine, qui devrait se traduire par une réduction du nombre de clandestins et du coût global de leur prise en charge ».

Les dépenses pour la santé et l’éducation

Selon ce rapport, les services d’éducation et de santé sont les premiers à supporter les coûts engendrés. Dans les établissements scolaires, les enfants d’origine étrangère et en situation irrégulière sont estimés à 15.800, soit 22,5%, du total des enfants scolarisés à Mayotte. L’accueil de ces élèves engendre 32,4 millions de dépenses par an. Mais Henri Torre précise qu’il « reste difficile de distinguer l’augmentation de la population scolarisée qui résulte, d’une part, de la croissance démographique mahoraise et de l’amélioration de la scolarisation et, d’autre part, de l’immigration clandestine », et ajoute que « si l’immigration clandestine est loin d’être la cause principale des problèmes importants de l’Education nationale à Mayotte, elle en accroît toutefois les faiblesses et rend la tâche de l’Etat pour répondre aux besoins de la population locale moins aisée ». Le constat est le même pour l’accès aux soins. L’immigration clandestine entraîne chaque année au moins 16 millions de dépenses pour le centre hospitalier de Mayotte. Mais si le centre hospitalier de Mayotte estime que la "quasi-majorité" des non-assurés à Mayotte sont des clandestins, la DASS soutient que 20.000 à 30.000 de ces non-assurés ne sont pas des clandestins, réduisant ainsi la part des dépenses de santé attribuée à ces derniers. Solution préconisée par le rapport pour réaliser des économies : renforcer les expulsions. « L’engagement financier supplémentaire consacré à la prévention de l’immigration clandestine serait largement compensé par la réduction des coûts induite par la diminution du nombre de clandestins présents à Mayotte ».

Et les bénéfices du travail illégal ?

Si cette étude évalue les dépenses imputables à l’immigration clandestine, elle ne dit pas combien ces personnes rapportent à Mayotte. Le travail illégal y est pourtant particulièrement développé. Un récent contrôle d’une grande entreprise du bâtiment et travaux publics fait l’état de 27 travailleurs clandestins sur 112 employés. « La direction du travail de Mayotte évalue à 10.000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière travaillant sur l’île, alors que le nombre de salariés déclarés était de 23.634 lors du dernier recensement de 2002. Le travail clandestin est généralisé dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, du BTP, des taxis, et des emplois à domicile, où il implique fréquemment des fonctionnaires de l’Etat ou des élus. Alors que 700 salariés sont officiellement employés par des particuliers, la direction du travail évalue le nombre réel d’employés domestiques aux alentours de 5.000 ». L’île ne dispose que d’un inspecteur et de deux contrôleurs du travail pour veiller au respect du code du travail.

Le co-développement jugé insuffisant

Pour limiter le flux migratoire vers Mayotte, Henri Torre préconise de renforcer la coopération avec les Comores en proosant des avantages financiers. « Une aide économique peut être apportée aux Comores dans le cadre d’une coopération réelle en matière de politique de lutte contre l’immigration clandestine. Cette coopération pourrait notamment avoir pour but d’éviter les situations dans lesquelles les Comores refusent d’accepter sur leur territoire des clandestins reconduits à la frontière depuis Mayotte ». Le rapporteur ne croit pas à l’efficacité d’une politique de co-développement, tant l’écart de développement économique entre les Comores et Mayotte lui semble difficile à réduire. « En effet, bien qu’utile, l’aide française envers les Comores ne pourra permettre à ce pays de suivre le développement économique de Mayotte. Les Comores, pays de 700.000 habitants, connaissent une situation économique particulièrement difficile. Des actions peuvent être entreprises. Il est notamment envisagé de soutenir les productions agricoles anjouanaises, en y sédentarisant la population, et en mettant éventuellement en place une coopération avec Mayotte, où seraient conditionnés les produits anjouanais. L’intérêt de ces projets est réel mais, à court terme, ils ne paraissent pas suffisants pour réduire l’écart entre le développement entre les Comores et Mayotte ». Un groupe de travail France/Union des Comores existent depuis 2007 pour accompagner l’archipel afin d’organiser les échanges de personnes et de biens entre les îles.

Edith Poulbassia 

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