L’importance de la politique

2 mai 2008, par Roger Orlu

Les tragédies humaines liées à la crise alimentaire mondiale ont continué à se dérouler cette semaine dans l’indifférence quasi générale du système économique et médiatico-politique dominant. Mais des voix ont néanmoins continué à s’élever sur la Terre et à La Réunion contre ce crime abominable. Nous voudrions juste en citer une, qui est d’autant plus intéressante qu’elle est trop rare et trop faible dans le milieu religieux. Il s’agit de l’appel lancé mardi dernier lors d’une conférence-débat organisée à Saint-Denis par le Groupe de Dialogue Interreligieux de La Réunion avec le Cheikh Khaled Bentounès.
Ce maître du soufisme a montré combien la spiritualité - c’est-à-dire la pensée, la réflexion et les croyances - peut se mettre « au service de la cité et de la paix », donc de la justice et de la liberté. À condition qu’elle ne soit pas dogmatique. Mais cette grande figure de l’islam a exprimé sa conviction que « nous pouvons encore changer les choses ».

Mais comment les changer fondamentalement ? Certains philosophes insistent sur l’importance de la politique - c’est-à-dire de l’organisation de la société - dans la recherche de solutions à nos problèmes. C’est le cas d’Alain Badiou, qui se déclare héritier de Sartre et de “Mai 68”, en liant la pensée à l’engagement, mais aussi « de Platon, qui fonde les vérités sur les mathématiques, la politique, l’amour et la poétique ».
Ce philosophe français, interviewé dans le numéro de mai 2008 de “Philosophie Magazine”, se bat pour « le communisme comme organisation qui éliminera l’inégalité des richesses et l’inégalité du travail ». Il veut montrer à travers son œuvre « que des principes politiques, conformes à l’hypothèse communiste, sont praticables ».

Voilà qui nous rappelle l’entretien publié en décembre dernier dans le numéro 358 de la revue “Urbanisme” avec le sociologue, économiste et philosophe Alain Caillé, animateur de la “Revue du MAUSS” (le Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales). Il déplore la « scission massive entre la science sociale et la philosophie politique, d’une part, et le monde de l’intellectualité et le monde politique, d’autre part ».
Alain Caillé souligne que le MAUSS se bat « contre la séparation du débat intellectuel et du débat politique ». Concrètement, ce mouvement a lancé des « thèmes d’intérêt politique général, notamment sur le revenu minimum de citoyenneté. Nous essayons actuellement de relancer une fondation qui s’appuierait sur le monde des mutuelles et le monde associatif, là où s’est accumulée une certaine tradition historique restée en jachère depuis cent ans. Cet univers associatif s’est désintellectualisé, dépolitisé, pour devenir de plus en plus gestionnaire, mais il y a encore des gens de bonne volonté citoyenne ou civique. Créer une nouvelle alliance entre ce monde associatif et le monde des intellectuels représente un enjeu considérable à mes yeux ».

Responsabiliser la société civile, faire vivre et renforcer le “monde associatif”, c’est pour La Réunion un volet incontournable de son développement durable. Il faut effectivement pour cela que nos forces politiques et intellectuelles en mesurent toute l’importance et les “mettent en l’air”. Pour que les orientations maintes fois affirmées par le PCR et par l’Alliance se concrétisent et rayonnent encore davantage “sur le terrain”.

Roger Orlu

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