Dans les notes de l’Institut de relations internationales et stratégiques

“L’Océan Indien : un enjeu pour les puissances asiatiques”

17 juillet 2007

“Regard de Taïwan, n°10 - Juillet 2007’ présente une synthèse sur les enjeux sécuritaires et stratégiques que l’Océan Indien représente pour les puissances asiatiques, et les jeux d’alliance qui s’y nouent entre États riverains, puissances régionales et puissances extérieures. Où l’on voit que le vœu d’un “Océan Indien, zone de Paix” a encore beaucoup de chemin à faire et que La Réunion - avec la France - a un rôle à y jouer.

Les principales voies d’accès de l’Océan Indien.

La Note parue ce mois-ci dans “Regard de Taïwan”, sous la signature de Bathélémy Courmont, - responsable du Bureau IRIS à Taïwan, spécialiste des Etats-Unis et de la politique étrangère américaine, de la politique nucléaire et du terrorisme - témoigne de la dimension globale que revêt l’Océan Indien dans les questions de stratégies internationales.
L’auteur y expose les trois grands enjeux qui sous-tendent selon lui les relations internationales dans notre région.
Le premier enjeu est sécuritaire et lié au fait que l’Océan Indien « est le principal lieu de transit des approvisionnements de ces pays », en particulier des approvisionnements énergétiques.
Le deuxième enjeu est posé par la puissance croissante de la Chine dans tout l’ensemble asiatique et avec les pays riverains de l’Océan Indien.
En troisième lieu, l’auteur s’arrête sur le rôle des « puissances extérieures » présentes dans l’Océan Indien - Etats-Unis et France.

Au premier abord, il est question de l’intérêt que les pays “d’Extrême-Orient” portent de plus en plus à notre région. Dans cette vaste catégorie, l’auteur intègre successivement : les “pays de l’Asie du Nord-Est” - c’est-à-dire les deux Corée, la Mongolie, la Chine du Nord-Est, la Russie extrême orientale et le Japon ; et l’ASEAN - association des nations de l’Asie du Sud Est. Constituée en 1967 par 5 pays regroupés dans une coalition anticommuniste (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande), au moment de la guerre du Vietnam, l’ASEAN est aujourd’hui un regroupement économique régional de 10 pays, après l’intégration, depuis la décennie 80, de Bruneï, du Vietnam, de la Birmanie (Myanmar), du Laos et du Cambodge. Le Timor oriental, candidat à l’adhésion, en serait le 11ème membre.

« Le tsunami de décembre 2004 a révélé les carences dans la région en matière de prévision des catastrophes naturelles, mais de tous les enjeux sécuritaires, la sécurité maritime est le plus sensible dans une zone aussi vaste et mal contrôlée que l’Océan Indien », relève l’auteur pour commencer, en notant que la question qui pose le plus de problème en Asie du Sud-Est est celle des détroits. Il expose ensuite de façon détaillée les tensions qui prévalent pour le contrôle de la route maritime et le contrôle de ces passages maritimes, en particulier celui de Malacca (régi par la Convention internationale de Montego Bay,1982-1994), sur lequel la Malaisie et l’Indonésie ont des vues.
Une autre des questions sécuritaires qui fait l’objet de nombreux accords bilatéraux ou régionaux est celle de la lutte contre la piraterie maritime.
Au contrôle des détroits, certains pays répondent par une stratégie portuaire - comme la Thaïlande, avec le projet Southern Seaboard -, ou une stratégie de base navale - le projet indien Sea Bird - destinée à sécuriser les voies maritimes par lesquelles transitent 90% du pétrole indien, et à contrebalancer le « projet pakistanais de base navale de Gwadar ». On y apprend que l’Inde a aussi le projet d’implanter à Madagascar, « au prétexte d’œuvrer contre la piraterie et le terrorisme » (des “relais” somalien, kenyan ou tanzanien d’Al-Qaïda), « une station régionale d’observation » - projet perçu plus favorablement par Tokyo que par Pékin.
Cette première partie finit sur la mention de la présence maritime japonaise dans l’Océan Indien - « à l’image de son implication opérationnelle actuelle » dans la coalition internationale en Irak - et des efforts diplomatiques et financiers déployés par ce pays sur le continent africain.

L’auteur s’arrête ensuite sur la puissance chinoise et sur l’intérêt que lui portent les puissances asiatiques dans leur ensemble, qu’elles aient avec la Chine des relations amicales ou d’alliées - comme les Maldives, le Pakistan, le Bangladesh, le Myanmar ou la Thaïlande - ou plutôt rivales, comme l’Inde. C’est du moins la thèse soutenue par l’auteur de la Note, qui rappelle, outre les initiatives de la Chine à l’égard du continent africain, le rôle joué en Afrique par la Corée du Sud et, encore une fois, par le Japon. « La Chine s’impose sans conteste comme l’un des principaux acteurs de la région. Le poids des diasporas et la montée en puissance inévitable de l’économie chinoise en font le futur géant des échanges commerciaux et, dans une certaine mesure, des questions stratégiques, dans l’Océan Indien », poursuit l’auteur de la Note. On y apprend notamment que Pékin a loué aux Maldives, pour un bail de 25 ans, l’île de Marao (à 40 km de Malé, la capitale de l’archipel) ; pour y aménager autour de 2010 une base de sous-marins. L’Inde, en particulier, voit d’un très mauvais œil les différentes “bases avancées” de Pékin dans l’Océan Indien.

Enfin, ces enjeux stratégiques impliquent des puissances extérieures appelées à jouer « un rôle de premier plan dans la région ». Les Etats-Unis, présents à Diego Garcia (Chagos), y ont implanté depuis les années 70 une base militaire qui sert à la fois de base arrière dans la guerre faite à l’Irak et de « surveillance de zones sensibles, comme l’Asie du Sud-Est, la corne de l’Afrique, ou l’Asie du Sud ». Ce rôle de surveillance s’applique aussi à la Chine, dont les Américains suivent de près la stratégie du « collier de perles », nom donné - selon un rapport du Pentagone, janvier 2005 - à la stratégie chinoise de protection des approvisionnements maritime en pétrole, entre la mer de Chine du Sud et le Moyen Orient. Cette attention portée aux capacités navales serait « une rupture avec la tradition chinoise des forces terrestres », note l’auteur qui mentionne également le partenariat Inde/Etats-Unis inscrit dans l’accord sur le nucléaire civil, comme « directement tourné contre Pékin ».
« De nombreux experts s’inquiètent ainsi du fait que l’accord entre Washington et New Delhi risque d’encourager la Chine à augmenter son arsenal nucléaire ».
Dans la visée développée par l’auteur, ces rivalités Inde/Chine sont une des sources potentielles de conflits menaçant la paix dans l’Océan Indien.
Et la Note finit sur un court paragraphe interrogeant le rôle et « les ambitions hexagonales » de la France, « gardienne entre autres de richesses halieutiques considérables autour des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), mais également du passage du Cap de Bonne Espérance aux pays du Golfe ». L’auteur intègre au passage les débats franco-français « sur un éventuel deuxième porte-avion », aux questionnements stratégiques que la France devrait, selon lui, pousser plus avant la défense de ses intérêts « dans une région où elle est fortement représentée, mais dont les mutations profondes pourraient remettre en question la présence », affirme-t-il.
Dans sa conclusion, Barthélémy Courmont suggère au gouvernement français « de réfléchir sur les possibilités de partenariats stratégiques avec les Etats riverains et, plus encore, les puissances asiatiques directement concernées par la sécurisation des voies d’approvisionnement ».

P. David


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